LA MUSIQUE, CHEMIN D’UNITE

Nous arrivons aujourd’hui à la fin de la Semaine de l’unité des chrétiens. Le Père Louis Thomassin écrivait au XVIIe siècle : « la musique […] unit l’esprit à tous les fidèles de l’univers qui chantent et prient aussi ; avec les anges, dont le chant du Trois fois Saint est un chant et une contemplation sans relâche et sans fin. » Voici l’exemple d’un psaume chanté par un compositeur de l’Eglise réformée et le même traité par un compositeur catholique : différentes sensibilités, deux attitudes de prière, mais une même contemplation.
Publié le 24 janvier 2022
Écrit par Emmanuel Bellanger

La TOB (traduction œcuménique de la Bible) présente ainsi les premiers versets du psaume 42 :

« Comme une biche se tourne
vers les cours d’eau,
ainsi mon âme se tourne vers toi, mon Dieu.
J’ai soif de Dieu,
du Dieu vivant :
Quand pourrai-je entrer
et paraître en face de Dieu ?
 »

Voici une première version de ce psaume mise en musique au XVIe siècle par Claude Goudimel dans la traduction poétique de Théodore de Bèze :

« Ainsi qu’on oit le cerf bruire,
Pourchassant le frais des eaux,
Ainsi mon cœur qui soupire,
Seigneur, après tes ruisseaux.
Va toujours criant, suivant
Le grand, le grand Dieu vivant.
Hélas donques, quand sera-ce
Que verrai de Dieu la face ? 
»

Ce texte est ici traité comme un choral, c’est-à-dire une musique syllabique (une note seulement par syllabe), des phrases musicales brèves correspondant à un vers, un ambitus réduit (pas trop haut, pas trop bas) pour pouvoir être chanté par toute une assemblée liturgique. Calvin n’était pas ennemi de toute musique, il en admirait la beauté et la capacité à faire de ce que l’on chante une prière nourrissante. Il écrivit ceci dans la langue savoureuse de son siècle :

« Ce serait une chose bien expédiente à l’édification de l’esglise de chanter aulcungs psaumes en forme d’orayson publique par lesqueulx on fasse prière à Dieu, ou que on chante ses louanges affin que les cueurs de tous soyent esmeuz et incités à former pareille louange et grâces d’une même affection. »

Voici ce psaume tel que le souhaitait Calvin :

Dans la liturgie catholique romaine, c’est parce que la musique fait partie d’un ensemble qui la dépasse qu’elle déploie toute sa richesse. Palestrina la présentait ainsi dans une lettre au cardinal Rodolfo Pio di Carpi :

« Comme ils furent bien inspirés nos ancêtres, ces mortels pleins de science et de sagesse, d’amener la musique à participer aux cérémonies sacrées, afin de rendre plus aimable encore le mystère divin et retenir par la suavité des chants et l’harmonieux concert des voix, ceux que la dévotion attirait dans les églises en si grand nombre et si grande diversité. »

La Parole de Dieu agit en chacun des fidèles, la chanter les aide à s’en laisser façonner : nous étions chez Goudimel. Mais aussi la musique qui orne cette Parole ouvre les cœurs à la contemplation du mystère divin. C’est ainsi que l’on peut entendre cette mise en chant du même psaume 42 par Palestrina : il s’agit ici d’une musique à écouter, à goûter, à recevoir, presque une musique du regard qui transfigure les mots du psalmiste pour révéler une parcelle de ce que les mots ne peuvent exprimer. Seuls les premiers versets sont ici traités sur le texte latin.

« Sicut cervus desiderat ad fontes aquarum,
ita desiderat anima mea ad te Deus.
 »

Ces deux formes de prière chantée sont comme un dialogue entre action et contemplation. Mais il ne faut pas tomber dans le danger du systématisme. Ces deux formes de chants du psaume 42 ne s’enrichissent-elles pas l’une de l’autre ? N’y a- t-il pas dans cette double approche une invitation à entendre ce que la musique, dans sa diversité, nous révèle et que nous n’avions pas perçu ?

Emmanuel Bellanger

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