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La Fuite en Egypte

Le musée de l’image d’Epinal propose en ce moment une exposition sur les représentations de l’épisode de la fuite de Marie, Joseph et l’Enfant-Jésus en Egypte pour le protéger des projets criminels d’Hérode. Les écrits bibliques nous disent fort peu sur cette histoire qui a beaucoup intéressé les artistes : mais comment raconter ce voyage ? Hector Berlioz (1803-1869) nous en donne une lecture toute personnelle.
Publié le 05 février 2018
Écrit par Emmanuel Bellanger

Lire l’article d’Actualité sur l’exposition « La Fuite en Egypte » à Epinal en cliquant ici.

« Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère et se retira en Egypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode ». C’est tout ce que nous disent les évangiles de cette histoire. Mais les humains que nous sommes ont toujours besoin de détails pour imaginer comment les choses se sont effectivement passées. Les artistes, tant peintres que musiciens se sont appuyés sur d’autres textes que l’Eglise n’a pas retenus mais dont ils se sont inspirés : ce sont les évangiles dits « apocryphes ».

Giotto di Bondone, La Fuite en Egypte, entre 1310 et 1330, basilique Saint-François d’Assise, église inférieure. 

Cette peinture de Giotto date des environs de 1315-20. On y retrouve le récit évangélique : Joseph conduit la marche, Marie et l’enfant sur un âne, dans un paysage désertique que l’on conçoit aisément en ces contrées. Les multiples détails que le peintre a ajoutés ne sont pas les fruits de sa seule imagination : ils viennent justement de ces fameux textes apocryphes. Ces textes font état de serviteurs et de servantes qui les accompagnaient. Vous avez remarqué ce palmier tout courbé au centre de l’image : il fait référence à un épisode que nous rapporte l’évangile apocryphe dit du pseudo-Matthieu. Le désert est le pays de la soif : nos voyageurs en ont souffert comme tous voyageurs. L’Enfant-Jésus accomplit alors un miracle.

« ‘’Arbre, incline-toi et restaure ma mère de tes fruits.’’ Et aussitôt à cette parole, le palmier inclina sa tête aux pieds de Marie. »

En 1853-54, Hector Berlioz achève son Enfance du Christ dont le volet central évoque la fuite en Egypte. Texte et musique sont de sa plume : on y retrouve une expérience religieuse typique de son époque faite de sensibilité et même de sentimentalisme. L’émotion « sacrée » a toujours été forte chez Berlioz dont la religion était très personnelle, comme il l’évoque dans ses mémoires à propos de sa première communion :

« Au moment où je recevais l’hostie consacrée, un chœur de voix virginales, entonnant un hymne à l’Eucharistie, me remplit d’un trouble à la fois mystique et passionné… Je crus voir le ciel s’ouvrir, un ciel plus pur et plus beau mille fois que celui dont on m’avait tant parlé »

Nous retrouvons cette atmosphère religieuse dans l’Enfance du Christ. Berlioz cherche dans cette page à retrouver le monde des enluminures médiévales dans leur naïveté, leur limpidité. Voici le texte de Berlioz lui-même dans toute sa simplicité :

« Les pèlerins étant venus
En un lieu de belle apparence,
Où se trouvaient arbres touffus
Et de l’eau pure en abondance,
Saint Joseph dit ‘’arrêtez-vous !
Près de cette claire fontaine,
Après si longue peine,
Ici reposons-nous !’’
L’Enfant-Jésus dormait…
Pour lors Sainte-Marie, arrêtant l’âne, répondit :
‘’Voyez ce beau tapis d’herbe
Douce et fleurie, le Seigneur
Pour mon Fils au désert l’étendit.’’
Puis, s’étant assis sous l’ombrage
De trois palmiers au vert feuillage,
L’âne paissant, l’enfant dormant,
Les sacrés voyageurs quelque temps sommeillèrent,
Bercés par des songes heureux ;
Et les anges du ciel à genoux autour d’eux,
le divin enfant adorèrent. »


Cette page de Berlioz se conclut sur l’Alléluia ineffable des anges, bien dans la sensibilité religieuse du temps : pensons à certaines statues de nos églises. Mais que cette musique est belle !

 

– Emmanuel Bellanger

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