C’est la musique que Franz Liszt (1811-1886) nous propose que nous écoutons aujourd’hui. Liszt reste dans notre imaginaire le modèle du musicien mondain à la technique brillante (on pense à ses « Etudes d’exécution transcendante ») émerveillant les foules en tirant du piano des musiques inouïes, presque surhumaines par leur richesse et leur difficulté.
C’est oublier le deuxième versant de sa vie surprenant dans sa radicalité. Tournant le dos à toute brillance, Liszt crée une œuvre dépouillée, d’une extrême simplicité, transparente. Il aurait voulu devenir le musicien de la restauration d’une musique rituelle fidèle à ses racines médiévales telles qu’on les entendait au 19ème siècle : un retour aux sources vraiment impressionnant.
Son De profondis date de la fin de sa vie. En voici une version pour un soliste, chœur et orgue.
Cette musique est faite de quelques accords, quelques mélodies reprises par le chœur, tout cela ponctué de longs silences : mélodies brèves et peu développées dans l’espace, accords consonants, rythme libre très lent. On pourrait presque dire que cette musique est faite de silences ponctués de quelques accords et quelques mélodies, comme si le principal élément de ce psaume était, en effet, ce silence.
Ecouter cette page en ce temps de carême qui avance, c’est découvrir ce qu’est vraiment le silence : non pas l’absence de bruit, la privation d’un plaisir sonore, mais d’abord une invitation à rechercher l’essentiel au-delà de tout ce qui l’encombre. Quelques notes à peine audibles tellement elles sont douces, n’est-ce pas l’essentiel pour vivre intérieurement ce texte de confiance en la bonté du Seigneur ?
De profondis clamavi ad te Domine : Domine exaudi vocem meam. Fiant aures tuae intendentes in vocem deprecationis meae. Si iniquitates observaveris Domine : Domine, quis sustinebit ? Qui apud te propitiatio est : et propter legem tuam sustinuite Domine. Sustinuit anima mea in verbo ejus : speravit anima mea in Domino. A custodia matutina usque ad noctem, speret Israel in Domino. Quia apud Dominum Misericordia : et copiosa apud eum redemptio. Et ipse redimet Israel ex omnibus iniquitatibus ejus. |
Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel. Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne. J’espère le Seigneur de toute mon âme ; je l’espère et j’attends sa parole. Plus qu’un veilleur n’attend l’aurore, attends le Seigneur, Israël. Oui, près du Seigneur est l’amour ; près de lui abonde le rachat. C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes. |
Emmanuel Bellanger