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IL ME MENE VERS LES EAUX TRANQUILLES

Ce verset du psaume 22 résonne particulièrement en nous durant ce temps où nous sommes immobilisés : mais le temps poursuit sa route et le printemps est là, celui des eaux vives qui réveillent la nature et qui ont inspiré les musiciens, ces eaux symboles de renouveau, de vie tout simplement.
Publié le 04 mai 2020
Écrit par Emmanuel Bellanger

C’est par la musique que cette page s’ouvre aujourd’hui : les Jeux d’eau de Maurice Ravel qui datent de 1901. Mais, comme toujours en musique, même si les miroitements sonores peuvent nous faire imaginer des jeux d’eau, Ravel n’a pas cherché dans cette page, la première importante de son œuvre, à imiter la nature. Sa préoccupation était d’ordre purement musical et instrumental : renouveler la technique du jeu pianistique. Il n’empêche, c’est le mystère de la musique, cet art abstrait qui éveille en nous des images concrètes.

De nombreux compositeurs, séduits par cette eau toujours en mouvement, rafraîchissante, ont été inspirés et se sont laissé conduire par ces images ondulantes vers des contemplations infinies.

Jean-Baptiste-Camille Corot, Forêt de Fontainebleau, 1834 © Wikimedia Commons 

Franz Liszt, par exemple avec cette page intitulée Jeux d’eau à la villa d’Este, écrite en 1877. Les jardins de la villa d’Este non loin de Rome avaient été conçus à partir de la présence de l’eau sous toutes ses formes : bassins, canaux, fontaines, jets d’eau, cascades. Ainsi chante-t-elle de bien des manières : ruissellements, murmures, écoulements, égouttements, gloussements… De quoi inspirer un musicien.

Cette musique nous invite à ouvrir nos oreilles aux murmures de l’eau dans la nature qui a tant à nous apprendre de nous-même…

Mais cette expérience de l’eau par le compositeur le mène bien au-delà de ce qui ne reste que des images musicales. Les arpèges brillants qui parcourent le clavier nous rappellent le virtuose que fut Liszt. Mais au cœur du développent, un changement subit de caractère nous met en alerte un poco moderato. Sur son manuscrit, Liszt a recopié le verset 14 du chapitre 4 de l’évangile de Saint-Jean : « Mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissante pour la vie éternelle. » L’eau, que traduit à ce moment une mélodie au caractère passionné, devient l’expression de l’aspiration intime du musicien et de nous-mêmes qui l’écoutons, aspiration à trouver le sens de la vie. Cette musique nous invite à ouvrir nos oreilles aux murmures de l’eau dans la nature qui a tant à nous apprendre de nous-même…

Le quatrième mouvement de la Messe de la Pentecôte d’Olivier Messiaen (écrite en 1950) s’intitule : Les oiseaux et les sources. En tête de la partition, Messiaen a écrit : « Sources d’eau, bénissez le Seigneur, oiseaux du ciel, bénissez le Seigneur. »

Nous retrouvons dans cette musique des éléments caractéristiques de  la musique de Messiaen : chants d’oiseaux, esthétique sonore en « gouttelettes ». Mais n’y cherchons pas d’effet mimétique : l’écoute par Messiaen des sons naturels le conduit à trouver son propre langage musical. Comme chez Liszt, l’image de l’eau qui s’écoule et des oiseaux qui chantent ouvrent les oreilles à découvrir une réalité plus profonde qui touche au plus intime de nos vies. Dans sa recherche, chacun y trouve son chemin comme Jean de la Croix qui traduit ainsi sa découverte de ce qui coule en lui-même :

Je sais bien la source qui coule et fuit malgré la nuit.
Cette source éternelle est hors de vue,
moi je sais bien là où est sa venue
malgré la nuit.

L’image de l’eau est très présente dans les psaumes, celle de la fraîcheur printanière comme l’évoque le psaume 22 cité dans le titre de cette page, ou encore image de l’eau nourrissante, vivifiante comme dans le psaume 41 dont voici une mise en musique récente par un compositeur contemporain italien : Lorenzo Donati qui a beaucoup écrit pour des ensembles vocaux, étant lui-même chef de chœur. Voici le texte de ce psaume :

Comme un cerf altéré
cherche l’eau vive,
Ainsi mon âme te cherche
Toi, mon Dieu.

En latin, comme chanté ici cela donne :
Sicut cervus
desiderat ad fontes aquarum,
ita desiderat anima mea
ad te Deus.

Emmanuel Bellanger

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