Au bord des fleuves de Babylone

L’année liturgique alterne les périodes de louange plus actives et des périodes de recueillement plus intérieures comme le carême dans lequel nous sommes maintenant bien entrés. Le psaume 136 nous rappelle l’histoire du peuple de Dieu en exil à Babylone. Mais en quoi ces paroles soutiennent-elles aujourd’hui notre prière ?
Publié le 23 février 2018
Écrit par Emmanuel Bellanger

 

Le motet Super flumina Babylonis de Palestrina appartient à son deuxième livre de motets daté de 1584. Il se présente comme une ouverture à la méditation de ce psaume dans cette mise en musique des deux premiers versets seulement, non pas traités en simple psalmodie mais développés dans une polyphonie à la fois savante et limpide.

Le succès de Palestrina à travers les siècles jusqu’à aujourd’hui tient sans doute à une manière d’écrire la musique qui lui est propre. Il se trouve à la charnière entre le Moyen-Âge et la Renaissance, un temps où l’on explore un nouveau langage musical plus vertical mais encore enraciné dans les modes du chant grégorien qui sont source d’une musique plus horizontale. Nous goûtons chez Palestrina ce charme qui lui appartient en propre entre polyphonie à l’ancienne et harmonie nouvelle, plus familière à nos oreilles.

La musique de ce motet de Palestrina suit les paroles fidèlement dans un ton de recueillement et de plainte nostalgique avec une mise en valeur de certains mots : par exemple la répétition de recordare pour exprimer le caractère lancinant du souvenir, ou encore la rupture de ton sur suspendimus pour exprimer le sens actif de ce verbe après une série de verbes traduisant un état de l’esprit du psalmiste.

Et nous, comment entendre cette musique ? Le carême nous invite à nous retourner vers Celui dont le péché nous éloigne, nous maintenant comme en exil hors du pays qui est le nôtre. Il ne s’agit pas de pleurer, mais de nous rappeler la source de notre joie véritable ; comme le dit ce psaume 136 un peu plus loin : « Je veux que ma langue s’attache à mon palais… si je n’élève Jérusalem au sommet de ma joie ».

        Super flumina Babylonis, illic sedimus et flevimus : cum recordaremur Sion ;
– Au bord des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ;
        In salicibus in medio ejus, suspendimus organa nostra.
– Aux saules des alentours nous avions pendu nos harpes.

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