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Le site de l’église du Sacré-Cœur à Audincourt
Audincourt, ville industrielle de 14.000 habitants située au cœur du Pays de Montbéliard (diocèse de Belfort-Montbéliard érigé en 1980), possède deux églises classées Monument du XXe siècle. Historiquement protestant, le Pays de Montbéliard connaît un essor de la communauté catholique à partir des années 30, avec l’arrivée de nombreux ouvriers du Haut-Doubs voisin, mais aussi des pays tels que l’Italie, la Pologne, l’Espagne, pour les besoins de l’industrie automobile (l’usine Peugeot fut fondée à Audincourt en 1897). Le quartier ouvrier « des Autos », sur lequel veille désormais le Sacré-Cœur, a été marqué à partir de 1945 par l’élan bâtisseur populaire : l’association des Castors.
Un peu d’histoire…
Fruit du dynamisme de l’après-guerre, l’église du Sacré-Cœur d’Audincourt fut construite très rapidement entre 1949 et 1951. Le curé de la paroisse, l’enthousiaste père Louis Prenel a su fédérer ses fidèles autour d’un projet d’ambition : une église qui non seulement répondrait aux besoins de la communauté catholique grandissante, mais offrirait également une vraie nourriture spirituelle, création artistique nouvelle, dans le refus du plagiat du passé, du faux gothique, du néo-byzantin commun à l’époque. Le Sacré-Cœur, c’est l’histoire de l’énergie inépuisable du P. Prenel, jointe à celle d’une population admirable de générosité, et enfin à l’audace de Mgr Dubourg, archevêque de Besançon, favorisant le renouveau de l’art sacré (avec la création, entre autres, des vitraux de l’église des Bréseux dans le Doubs en 1948, et la construction de la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp par le Corbusier en 1955). La médiation du père Marie-Alain Couturier, o.p., a permis d’associer au projet des artistes de renom, notamment Fernand Léger pour la création des 17 vitraux de la couronne de lumière autour de la nef, Jean Bazaine pour la mosaïque de la façade et les vitraux du baptistère. Maison du culte qui rend gloire à Dieu, l’église n’en est pas moins un manifeste d’artistes. L’art du Sacré-Cœur laisse le sentiment religieux s’exprimer, dans une intensité souveraine du dessin et de la couleur, sans traces de sentimentalisme. « Si ce temps est aussi le temps où les plus accablantes servitudes pèsent sur les travailleurs, le rôle primordial de l’art ne serait-il pas, au contraire, de créer des lieux d’enchantement, de poésie, de délivrance ? » (P. Couturier dans la revue L’Art Sacré, 1951).
Le style architectural
Mariant le béton armé et la pierre appareillée, l’édifice de Maurice Novarina est moderne et sobre. Le portique de l’entrée de la nef, avec des portes monumentales, la mosaïque de J. Bazaine et la toiture suggèrent l’architecture des temples antiques. Le plan définit chaque espace selon sa fonction, avec une forme précise : grand rectangle sans piliers pour la nef (longue de 37 mètres), demi-cercle pour le chœur, cercle pour le baptistère, rectangle pour la sacristie et pour le clocher qui n’est pas sans évoquer l’architecture des usines environnantes. Le bâtiment de la nef est légèrement surélevé par rapport au clocher et au baptistère, de plain-pied. Les caissons de bois subliment le plafond cintré et les lambris confèrent aux murs un caractère chaleureux. L’architecture modeste s’efface volontairement pour laisser resplendir les œuvres d’art accueillies par cet écrin.
La mosaïque de Jean Bazaine
La mosaïque de Jean Bazaine de 15,5 mètres de largeur sur 2,8 mètres de hauteur domine la façade, placée juste au-dessus de la porte d’entrée. L’artiste a voulu une œuvre accueillante pour donner envie de pénétrer dans l’église, « une tache colorée » qui attire, au milieu de la grisaille d’un paysage d’usine. Très tôt, il note des phrases puisées dans les antiennes et répons du rituel romain pour la fête du Sacré-Cœur, notamment Isaïe 12,3 « Dans la joie vous puiserez de l’eau aux sources du salut » (Luc 12,49) « Je suis venu jeter un feu sur la terre » et Jean 19,34 « Il sortit du sang et de l’eau ». Ainsi, la mosaïque nous offre à contempler la traduction plastique de ces sources scripturaires en une composition à cinq centres où se mêlent le bleu des tourbillons des quatre fleuves du Paradis (qui charrient du sang, des soleils, des épines), le rouge (les cinq plaies du Christ, fontaines du Sauveur, source d’amour), le jaune du feu. Leurs tons purs et saturés animent la surface en une opposition violente, adoucie et éclairée par le blanc, qui surgit du fond. Tout est mouvement. Le mouvement est aux yeux de Bazaine le principe même de la nature, du réel, de la vie. Le regard du peintre transcende le monde extérieur par « une vision intérieure plus exigeante où les rythmes de la vie prennent spontanément la forme d’une méditation ». Ce qui ruisselle ici sur les fidèles, « c’est l’émotion de l’artiste en face de ses sujets, la somme d’amour qu’ils ont fait lever en lui », constatait Bazaine. Mystique, c’est surtout un appel « joyeux comme la rivière en été : on ne se recueille pas devant une église mais il faut donner envie d’y plonger ».
Le vitrail des « Cinq soleils » de Fernand Léger
Le vitrail dit des « Cinq soleils » occupe la place centrale dans la couronne de lumière de Fernand Léger. L’artiste s’inspire directement de la vision de Marguerite-Marie Alacoque, religieuse visitandine de la deuxième moitié du XVIIe siècle et initiatrice du culte du Sacré-Cœur. « Jésus-Christ qui m’est apparu tout éclatant de gloire et ses cinq plaies brillant comme les soleils ». Il dessine la vision mystique du cahier autobiographique de la sainte, en associant en un même signe le cœur et la plaie-soleil. Le motif de la plaie-soleil est répété cinq fois : deux pour signifier les plaies sur les pieds, deux sur les mains du Christ et une au côté, faite par la lance. Le Sacré-Cœur, rayonne par ses contours blancs dans le plus grand soleil. La couleur jaune d’or est sublimée par le fond bleu sombre. Le vitrail se distingue par son unité. La souffrance du monde – le rouge flamboyant du bord – semble dominée par les plaies rayonnantes de gloire.
Le baptistère de Jean Bazaine et les fonts baptismaux d’Étienne-Martin
Le baptistère, de forme circulaire, saisit d’emblée le visiteur par sa lumière enveloppante. Les murs en dalles de verre, aux dégradés harmonieux d’orange, de rose et de violet dessinent des courbes des vagues. Nous assistons à un splendide lever du soleil sur la mer. Le bain des couleurs, douces et joyeuses, donne à expérimenter ce qu’est le fait de devenir enfant de lumière par la grâce du baptême. L’eau vivifiante est explicitée par la citation inspirée de Ben Sira le Sage, dissimulée dans la dalle du bas : « Aujourd’hui mon fleuve est devenu mer, au matin je ferai luire la parole ». Les fonts baptismaux, sculptés dans la pierre volcanique par Étienne-Martin épousent le mouvement des vagues. Leurs courbes, évoquant sur le devant les formes féminines et maternelles indiquent que le baptême est une nouvelle naissance, une naissance en Dieu.
L’actualité de l’édifice
La commémoration des 70 ans de l’église du Sacré-Cœur d’Audincourt fut fêtée entre juin et octobre 2021 par un riche programme de manifestations tels concerts, expositions, visites animées en lien avec les écoles de la région, conférences pour une mise en lumière de l’édifice et transmission du patrimoine aux générations suivantes. Dans le même objectif, un livre sur le message spirituel de l’église a été publié récemment : « Église du Sacré-Cœur, lieu de ressourcement spirituel pour aujourd’hui ».
Par ailleurs, une étude/diagnostic de l’état de l’édifice a été décidée en février 2021, en lien avec la municipalité en même temps qu’une convention d’usage culturel a été signée entre l’évêque de Belfort-Montbéliard, la mairie et la paroisse. La paroisse Saint-Luc d’Audincourt s’engage aujourd’hui activement dans la création du « Circuit de l’art sacré en Nord Franche-Comté » consacré à plusieurs édifices classés ou inscrits aux Monuments historiques et un inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, témoins du renouveau de l’art sacré au XXème siècle. Le circuit regroupera 22 sites en Nord Franche-Comté (dont Ronchamp) et 7 en Jura suisse limitrophe.
La Source
« Jésus Christ qui m’est apparu tout éclatant de gloire et ses cinq plaies brillant comme les soleils ».
Isaïe 12,3 « Vous boirez l’eau de votre joie aux sources du Sauveur »
Ben Sira le Sage 24, 30-33 « Car sa pensée est vaste, plus que la mer, et son projet, plus profond que l’océan. Quant à moi, j’étais comme un canal venu du fleuve, comme un aqueduc menant vers un paradis. Je me suis dit : « J’arroserai mon jardin, je vais irriguer mon parterre. » Et voici que mon canal est devenu un fleuve, et mon fleuve, une mer ! Je vais encore faire luire l’instruction comme l’aurore et porter au loin sa lumière. Je vais encore répandre la doctrine comme une prophétie et je la léguerai aux générations à venir. »
Justyna Wilga-Lombard
Responsable de la communication du diocèse de Belfort-Montbéliard
Eglise du Sacré-Cœur
3, rue de Pauvrement
25400 Audincourt
09 67 10 40 46 (Ouverture sur demande, appeler avant toute visite)
Pour aller plus loin
À lire :
Yves Bouvier, Christophe Cousin, Audincourt, le sacre de la couleur, Éd. Néo éditions, 2007, 159 p.
François Vion-Delphin, ‘Les églises modernes d’Audincourt’, Extrait du Bulletin de la Société d’Émulation de Montbéliard n°121, 1998. (ndlr : ouvrage épuisé à consulter en bibliothèque)
Commandez vite l’ouvrage sur le Sacré-Coeur d’Audincourt publié à l’initiative de la Commission de sauvegarde du Sacré-Cœur, avec le soutien du diocèse de Belfort-Montbéliard :
Père Axel Isabey, Jean-Michel Magnin, François Nageleisen, « L’église du Sacré-Cœur à Audincourt – un lieu de ressourcement spirituel pour aujourd’hui », édition Diocèse de Belfort-Montbéliard, 120 p., 16€
Pour les commandes, le prix est de 16€ + 4€ de frais d’envoi (France), soit un total de 20€. (l’affranchissement jusqu’à 250 gr est de 3,94€ à ce jour).
Chèques à l’ordre de l’ « Association diocésaine Belfort/Montbéliard ».
Commandes à adresser à Edwige DUMEL ou à François et Marie-Christine NAGELEISEN :
1) François et Marie-Christine NAGELEISEN, 10 rue Charles Peugeot 25400 AUDINCOURT 03 81 34 55 21 – f.nageleisen@wanadoo.fr
2) Edwige DUMEL, 27 rue du Serrurier 25230 VANDONCOURT
06 71 27 09 00 – edwige.dumel@wanadoo.fr
Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établi entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 239 – décembre 2021 – janvier-février 2022. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015. → Retrouvez tous les articles issus de cette collaboration.