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Sortie depuis peu des guerres de religion, la France, devenue première puissance d’Europe, entre un nouveau siècle marqué par un véritable bouillonnement culturel, économique et spirituel. Au cœur de ce renouveau, l’Eglise catholique s’emploie à mettre en place de nombreuses réformes visant notamment à redonner un nouvel élan à la foi catholique. De nombreux chantiers d’agrandissements ou de constructions d’églises sont alors entrepris, et ce particulièrement au cœur de Paris. Dans ce contexte, en 1642, le curé Jean-Jacques Ollier, créateur du premier séminaire français, envisage la reconstruction de la petite l’église située sur la place Saint-Sulpice.
En 1646, Anne d’Autriche, mère de Louis XIV alors âgé de huit ans, pose la première pierre de cette nouvelle église, qui ne sera définitivement achevée qu’en 1870, soit 200 ans plus tard. Les plans sont d’abord confiés à Christophe Gamard, architecte du chœur de l’église Saint-Eustache. A la suite du décès de Gamard, en 1649, Louis Le Vau, premier architecte du Roi, reprend le chantier mais le confie rapidement à Daniel Guittard, désormais considéré comme le véritable auteur des plans définitifs de l’église.
Malgré les difficultés financières interrompant à plusieurs reprises le chantier, l’église Saint-Sulpice bénéficie, pour orner son intérieur, du concours d’une pléiade d’artistes renommés : à partir de 1719, l’achèvement de l’ensemble des travaux est confié aux architectes décorateurs Gilles Marie Oppenord puis à Jean-Nicolas Servandoni, pendant que de nombreuses statues, peintures et ornementations architecturales sont commandées auprès des frères Slodtz, d’Edme Bouchardon, de Jean-Baptiste Pigalle ou encore de Louis-Simon Boizot. Sous la Révolution, l’église est désaffectée et vouée au culte de l’Être Suprême. Désormais temple de la Raison, ses décors ne sont alors pas épargnés par les pillages et les destructions. Après la signature du Concordat, le curé Charles de Pierre s’emploie activement à redonner à Saint-Sulpice toute sa superbe tandis que la Ville de Paris confie, en 1820, à 17 artistes, dont Eugène Delacroix et Emile Signol, la décoration de l’ensemble des chapelles et du transept.
Style architectural
Une des particularités de l’église réside dans la disposition de sa façade. Conçue en 1726 par l’architecte Jean-Nicolas Servandoni, elle est composée de deux péristyles superposés, flanqués de chaque côté de deux tours et surmontés d’un grand fronton. Ayant pris pour modèle la Cathédrale Saint-Paul de Londres, cette œuvre architecturale est particulièrement innovante et inhabituelle pour le XVIIIème siècle, ce qui confère à l’église un aspect unique. Par ailleurs, si le grand fronton n’existe désormais plus, les tours ont quant à elles subi au fil des années de très nombreuses modifications, ayant ainsi pour effet de renforcer, encore aujourd’hui, le caractère si singulier de cette façade. Enfin, l’église possède l’un des plus grands orgues de Paris, construit par François-Henri Clicquot et transformé, en 1860, par Aristide Cavaillé-Coll.
Vitrail du Christ ressuscité montant au ciel
Au XVIIème siècle, la volonté de faciliter aux fidèles la lecture des textes à l’intérieur de l’édifice, amène l’Eglise catholique à construire des églises davantage lumineuses et dotées de verrières blanches et dénuées d’ornements. A l’église Saint-Sulpice, si les verrières composant la nef répondent à ce nouveau style en ayant été totalement dépourvues de tous éléments décoratifs, celles se situant dans le chœur et les chapelles sont restées, quant à elles, richement et soigneusement illustrées.
Parmi les sept verrières de l’abside, se trouve notamment le vitrail central représentant le Christ ressuscité montant au ciel. Datant de 1672 et restauré en 1872, ce vitrail illustre l’ascension du Christ, s’élevant vers les cieux, ici symbolisés par la couleur jaune – utilisée pour la première fois dans la composition de vitraux – et les nuages. La citation biblique, ci-dessous, extraite des évangiles de Saint-Luc illustre particulièrement ce vitrail.
Saint Jean-Baptiste par Louis-Simon Boizot
Au cœur de la chapelle Saint Jean-Baptiste, se trouve une sculpture représentant Saint Jean-Baptiste avec, à ses pieds, un agneau. Taillée dans le marbre, elle a été réalisée par Louis-Simon Boizot et fait référence aux évangiles de Saint-Jean.
Elle évoque ainsi les récits décrivant Jean-le-Baptiste comprenant que l’envoyé de Dieu est bien l’Agneau de Dieu et qu’il donnera sa vie pour libérer le peuple de ses péchés : « Le lendemain, voyant Jésus venir vers lui, Jean déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ; c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. »
Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint. » Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu ». (Jn 1, 29.34).
La Prophétie d’Isaïe et le Crucifiement par Emile Signol
Afin de redonner aux chapelles de l’église Saint-Sulpice, une décoration exceptionnelle, la ville de Paris confie, entre 1820 et 1875, à dix-sept artistes de renom, la réalisation de plusieurs commandes peintures, sculptures ou encore mobiliers. Parmi ces nombreuses commandes, figurent les quatre immenses fresques murales de l’artiste Emile Signol. Né en 1804, ce peintre français, décrit comme discret, remporte le prix de Rome vers 1830 et devient membre de l’académie des Beaux-arts en 1860. Après quelques séjours à Rome, il se consacre à la réalisation d’œuvres particulièrement tournées vers la thématique religieuse. Aujourd’hui, encore assez méconnu, cet artiste nous laisse pourtant de belles œuvres marquant l’art religieux du XIXème siècle et qui méritent d’être redécouvertes. Pour Saint-Sulpice, le peintre a choisi de représenter quatre scènes majeures de la Bible sur les quatre grandes parois des transepts nord et sud de l’église.
On retrouve, parmi elles, les scènes de « La Prophétie de Jérémie et l’arrestation de Jésus », « La Prophétie d’Ézéchiel et la résurrection », « L’Ascension » et, sur le transept nord, à droite, « La Prophétie d’Isaïe et le Crucifiement », qui retient notre attention. Dans cette peinture, réalisée en 1872, Emile Signol évoque la scène de la crucifixion de Jésus en se référant à l’Ancien et au Nouveau Testament. Dans la partie supérieure de la composition, figure ainsi Isaïe couronné d’une inscription – aujourd’hui quasiment effacée – évoquant les passages suivants « Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours » (Is 9.6) tandis que dans la partie inférieure de la composition, est représenté le Christ en croix entouré de la foule. Enfin, au bas de l’œuvre, un cartel relate la scène : « Jésus dit tout est accompli et, baissant la tête, il rendit l’esprit ».
L’actualité de l’édifice
En septembre 2014, la ville de Paris – avec le concours de l’Etat, de la Fondation du Patrimoine, du musée du Louvre et du musée national Eugène Delacroix – lance une campagne de souscription publique afin de restaurer les décors de la chapelle des Saints-Anges de l’église.
Peints par Delacroix, à partir de 1849, ces somptueux décors reprennent, selon une interprétation propre à l’artiste, trois scènes de la Bible. Sur les parois gauche et droite de la chapelle, figurent La lutte de Jacob avec l’Ange (Gn 32, 23-33) – représentant le combat de Jacob durant toute la nuit avec l’Ange afin d’obtenir sa bénédiction et, Héliodore chassé du temple (2Mc, 3) – reprenant le récit d’Héliodore venu, sur les ordres du Roi de Syrie, s’emparer des trésors du Temple de Jérusalem et finalement chassé de celui-ci par les Anges. Pour le plafond, Eugène Delacroix a représenté Saint-Michel terrassant le dragon (Ap 12, 7), une scène reprise de l’Apocalypse et représentant le combat de l’archange Saint-Michel contre la figure allégorique du mal incarnée par le Dragon.
Particulièrement dégradées par l’humidité et les infiltrations d’eau, ces peintures murales ont fait l’objet de nombreuses restaurations depuis les années 1895. Ecaillées et recouvertes de divers dépôts, elles nécessitent, aujourd’hui, une analyse complète permettant une restauration en profondeur. Outre la restauration de ces chefs-d’œuvre, ce chantier offre également une occasion unique de connaître davantage la technique du maître et, plus globalement, celle de la peinture murale.
Cécile Corne, chef de projet culturel et co-administratrice du site d’art et de culture www.culturezvous.com
Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établi entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 219 – décembre 2016. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015.
La source
« Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. » Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit. Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu. » (Luc 24, 44-53).
Situation géographique
Située sur la place Saint-Sulpice, en plein cœur du quartier de Saint-Germain-des-Prés, l’église Saint-Sulpice est l’un des plus somptueux édifices religieux de Paris. Construite au XVIIème siècle sous l’impulsion du curé Jean-Jacques Ollier, elle vient remplacer un modeste et exigu édifice, datant du XIIème siècle et connu sous le nom de « Saint-Sulpice-des-champs ». Par ses dimensions harmonieuses et impressionnantes – 119 m de long et 57 m de large – l’église Saint-Sulpice est un véritable chef-d’œuvre de l’architecture classique du Grand Siècle. Elle fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 1915.
Eglise Saint-Sulpice
2, rue Palatine
75006 Paris
en savoir plus: www.paris.catholique.fr/-saint-sulpice-.html