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Le site de Saint-Acceul à Ecouen
Située sur une butte au nord de Paris, tournant le dos à la capitale mais ouvert vers les horizons de la plaine de France, Écouen est un des hauts lieux du patrimoine francilien. La ville est dominée par le château bâti par Anne de Montmorency, connétable de France, à partir de 1538 et qui abrite aujourd’hui le Musée national de la Renaissance, entouré de son domaine et de la forêt domaniale d’Écouen. En contrebas du château, mais encore au sommet des habitations, se trouve le centre-ville, avec l’élégante place entourée de la mairie abritant les collections des peintres de l’école d’Écouen (fin du XIXe siècle), du manoir des Tourelles, actuel office de tourisme et de l’église Saint-Acceul.
Un peu d’histoire…
L’église Saint-Acceul cache, derrière une modeste façade du XIXe siècle, un choeur et un collatéral du XVIe siècle avec un des plus remarquables ensembles de vitraux Renaissance d’Île-de-France, grâce à la munificence d’Anne de Montmorency.
Le premier lieu de culte à Écouen remonte sans doute aux temps mérovingiens. Quelques vestiges de la fin du XIIe siècle subsistent, mais rien ne demeure en élévation qui soit antérieur à la réfection du choeur lancée par Anne de Montmorency à partir de 1536. Connétable de France, il entreprend aussi la construction du château actuel, siège du plus ancien fief de sa famille. L’église est dédiée à saint Acceul, traditionnellement identifié à Écouen comme étant saint Andéol, patron du Languedoc, province dont Anne de Montmorency était le gouverneur. Le choeur de style gothique flamboyant et son collatéral, au nord, ont sans doute été édifiés par les maîtres qui construisirent la chapelle du château. Les élégantes nervures des voûtes sont complétées par un riche décor polychrome, avec des éléments héraldiques et des dextrochères à la gloire des Montmorency. Le connétable ainsi que ses proches offrirent un ensemble de verrières réalisées en 1544 par les meilleurs peintres-verriers, actifs également au château. Édifié plus tard au XVIe siècle, de style Renaissance, le clocher est très certainement de Jean Bullant, qui oeuvrait alors à l’achèvement du château. Vers 1580, deux travées supplémentaires étaient vitrées grâce à Henri de Montmorency, second fils d’Anne. La nef ne put être reconstruite qu’en 1709, grâce aux libéralités de la princesse de Condé, épouse du prince dont la famille avait hérité des biens des Montmorency après la décapitation, sur ordre de Richelieu, de Henri II de Montmorency en 1632.
Le style architectural
Les vitraux de Saint-Acceul sont exceptionnels à bien des égards. Les dix verrières du XVIe siècle, réalisées pour l’essentiel en 1544, sauf deux en 1580, sont toutes encore en place, y compris les pièces héraldiques, qui ont échappé aux destructions de 1793 grâce à un habile badigeon au plâtre. Les vitraux constituent une incomparable galerie de portraits de donateurs : dans les verrières de l’abside, on peut voir Anne de Montmorency et ses fils, son épouse Madeleine de Savoie et ses filles. Ces vitraux constituent une plongée au coeur de la spiritualité du XVIe siècle. Les verrières de l’abside sont dédiées à la Passion et à la Résurrection du Christ, celles du collatéral, aux mystères joyeux du Rosaire. Ces verrières s’inscrivent dans un riche foyer de vitraux Renaissance au nord de Paris, avec ceux de la collégiale de Montmorency, les églises du Mesnil-Aubry, de Groslay, d’Ézanville et d’Attainville sur lesquelles rayonna le mécénat montmorencéen.
La verrière de l’Annonciation et de la Visitation
Ce vitrail est l’un des plus célèbres de l’église d’Écouen. Daté de 1544, il se trouve dans le collatéral, qui sert de chapelle de la Vierge. Emblématique de l’art du vitrail à la Renaissance, il a été commandé par un familier des Montmorency, de la famille de Blémur. Organisé en deux registres portant chacun une des deux scènes, le vitrail est composé pour l’essentiel de verre blanc peint à la grisaille, les pièces de couleur, de grande qualité, étant réservées aux personnages et à quelques éléments majeurs, comme le vase contenant les lys ou le lit à baldaquin. La perspective et l’Antiquité triomphent, références nouvelles auxquelles s’adapte l’art du vitrail : dans l’Annonciation, les lignes délimitent une pièce cubique, ouverte vers l’extérieur par une fenêtre, donnant l’illusion que le regardeur contemple la scène depuis celle qui lui fait face. Dans la Visitation, une perspective fuyante de colonnes représente le Temple où est assis Zacharie. La recherche du naturel triomphe dans la représentation de Marie et de sa suivante. Il s’agit d’une reprise de carton d’un des vitraux de la galerie de Psyché, réalisée pour le château d’Écouen et aujourd’hui conservé à Chantilly, montrant qu’un même atelier, parmi les plus brillants du royaume, réalisa les deux oeuvres, passant aisément du répertoire profane au répertoire sacré. Dans les arrière-plans de la Visitation, des paysages aux architectures fantastiques sont peints à la grisaille et au jaune d’argent sur du verre bleu, paysages virgiliens qui, depuis Raphaël, constituent l’horizon naturaliste des oeuvres de la Renaissance.
La verrière d’Anne de Montmorency et ses fils
À droite du maître-autel, cette verrière constitue l’affirmation d’Anne de Montmorency à son adhésion à la foi catholique. Au registre inférieur, on voit le connétable et ses cinq fils. Les portraits des fils, encore jeunes en 1544, constituent un chef-d’oeuvre de travail en grisaille et en sanguine. En revanche, dans son portrait réalisé à l’émail, Anne de Montmorency y apparaît âgé – ce panneau ayant été refait après 1567, après la mort du connétable. On prit pour modèle le portrait réalisé en 1562 pour un vitrail de l’église du Mesnil-Aubry. Henri de Montmorency fit alors représenter son père non plus par sainte Anne, mais par saint Henri. Aux registres supérieurs, le Christ aux outrages et la Flagellation, réalisés en couleurs froides, sont inspirés de la Petite passion de Dürer, alors que la Résurrection est plus proche de celle de Raphaël. La partie haute de la verrière est emplie des alérions – petits aigles sans bec ni patte, accordés par le roi de France lors de batailles victorieuses – symbole héraldique des Montmorency.
La verrière d’Odet de Châtillon
À droite du choeur, la baie offerte par Odet de Châtillon témoigne du basculement progressif vers le protestantisme d’une des grandes figures du XVIe siècle. Le donateur était évêque comte de Beauvais, archevêque de Toulouse et cardinal à 19 ans. Dès les années 1540, il tend vers la foi réformée. Le vitrail est un instantané de cette évolution. Au sommet de la verrière, est représenté le Péché originel, fondamental pour la question de la Grâce et du Salut. Au registre médian, la remise du bâton pastoral à saint Pierre est caractérisée par l’omission des clefs, symbole du rôle de l’Église dans le pardon des péchés. Après 1560, Odet de Châtillon quitte l’état ecclésiastique et s’engage militairement dans le camp protestant. Malgré cela, son portrait fut laissé en place dans l’église, montrant que la solidarité dynastique l’emportait sur la fracture religieuse.
L’actualité de l’édifice
L’église Saint-Acceul d’Écouen a été l’objet, de 2009 à 2013, d’une campagne de restauration exemplaire. L’édifice a été consolidé, l’ensemble de son mobilier a été restauré, mettant remarquablement en valeur ses vitraux. Le grand retable offert en 1709 par la princesse de Condé, a retrouvé ses dorures et son tableau, une copie ancienne de la Transfiguration de Raphaël. Le lambris du XVIIIe siècle, qui couvre la nef et qui remploie peut-être des éléments plus anciens, a bénéficié de la création d’un décor héraldique aux couleurs des Montmorency qui anime cette partie de l’édifice et entre en harmonie avec les parties datant du XVIe siècle. Le dernier chantier en cours est la restauration de l’orgue, réalisé par le facteur Charles Gadault en 1849, en remployant de nombreux éléments datant du XVIIIe siècle. La réinstallation de l’instrument restauré par l’atelier de Laurent et Pierre-Adrien Plet devrait avoir lieu dans les prochains mois. Du point de vue culturel, l’église vit au rythme des grands événements, comme le Festival du Connétable, et abrite régulièrement des concerts. Une équipe de guides est à disposition tous les jours de l’année pour faire découvrir les vitraux. (S’adresser à l’office de tourisme).
La Source
En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! »
Luc 1,39-49.
Mathieu Lours
Historien de l’architecture
Église Saint-Acceul
1, place de l’église
95 440 Écouen
Office de tourisme
Place de l’Eglise
Manoir des Tourelles
95440 Ecouen
01 39 90 85 32
www.ecouen.fr
Pour aller plus loin
À lire :
Mathieu Lours, Saint-Acceul d’Écouen, une cage de verre en Pays de France, Écouen, Association « Les amis de Saint-Acceul », nouvelle édition, 2018.
Écouen, un balcon sur la plaine de France, collectif, éd. Lieux dits, 2019.
Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établi entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 235 – décembre 2020-février 2021. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015. → Retrouvez tous les articles issus de cette collaboration.