[Republication – article initialement publié le 30/08/2010]
Face au chœur, situons l’œuvre. D’abord, le Vœu de Louis XIII, mise en place durant le règne de Louis XIV : Derrière l’autel principal, la Pietà de Nicolas Coustou de 1723 siège sur la scène, tandis que les anges veillent de chaque côté. A gauche, agenouillée, Louis XIV, sculpté par Coysevox et à droite, Louis XIII, sculpté par Guillaume Coustou, les deux datant de 1715. Une croix dorée juste derrière la Pietà monte majestueusement au-dessus de cette scène, encadrée harmonieusement par l’arche qui l’entoure. Un halo – un rayon de lumière, la gloire sous forme de lame – semble flotter juste au-dessus de la croix, comme une couronne : c’est la Croix et la Gloire de Marc Couturier.
L’œuvre est le résultat d’une commande et l’artiste a été choisi parmi un groupe de quatre candidats pour la créer dans le cadre d’un concours initié par le Diocèse de Paris en partenariat avec la Commande publique de l’État. Les autres artistes-candidats étaient Christian Boltanski, Lucian Fabro et Piotr Kowalski, tous connus au niveau international pour leur travail dans le champ des arts plastiques (mentionnés ici pour expliciter le niveau du concours et l’importance de la commande). Le but officiel de la commande était de remplacer la croix disparue pendant les travaux conduits par Viollet-le-Duc au XIXe siècle pour redonner à la cathédrale son caractère «gothique».
Le projet a été pensé et dessiné par Marc Couturier avec le soutien de son ami et confident, l’Abbé Louis Ladey (1910-2003). La Croix est une structure sculptée en bois recouverte à la feuille d’or, réalisée par l’artiste à la prestigieuse Fondation Coubertin. Elle est dépouillée d’ornementation, ses angles sont arrondis. Son élégance aérodynamique et sa simplicité font qu’elle se glisse dans son environnement sans attirer immédiatement l’attention sur elle-même.
Elle s’élève à une hauteur de six mètres, mais cela ne se remarque guère car elle s’ancre derrière la Pietà, à la base du dos de celle-ci. Elle peut être observée depuis la chapelle du Saint Sacrement, située derrière le chœur. Seulement de ce point de vue-là est il possible de se rendre compte à quel point cette croix est immense, imposante. Également visible depuis ce point de vue est sa finition exceptionnelle et tout à fait de nos jours.
© Notre- Dame de Paris – M. STEINMETZ
La Gloire, l’objet-halo au-dessus de la croix, est en fait une longueur de bois présentée à l’horizontale, sculptée et couvert à la feuille d’or blanc, suspendue pour donner l’impression qu’elle est en lévitation. Elle rappelle subtilement la forme d’un poisson, presque plate à l’extrémité qui serait sa « queue », plus large à l’autre extrémité. Marc Couturier évoque le symbolisme du poisson, signe de reconnaissance entre les premiers chrétiens, avec le nom de Jésus correspondant au mot grec pour le poisson, ICTHUS. Elle est ainsi une interprétation unique de la Gloire traditionnelle, cette auréole ou nuée qui entoure parfois les représentations des Christs et des Crucifixions dans l’art.
La Gloire de Couturier mesure 193 cm de large, la même longueur que les bras étendus de Marie agonisante de la Pietà en-dessous d’elle. En effet, l’attention que Couturier a donné à l’espace sculptural et architectural autour de la Croix et la Gloire concourt également au succès de l’œuvre.
L’origine de la forme de la Gloire n’est pas une anomalie dans l’œuvre de Marc Couturier, elle fait partie de l’une des types de réalisations que Marc Couturier qualifie de lame. Par le biais de ce mot, avec le concept et la sorte d’objet qu’il nomme, Marc Couturier fait également l’allusion au mot l’âme. Les lames de Marc Couturier sont faites de bois, de pierre ou de métal, sont monumentales et accrochées au mur de manière à sembler flotter, ou sont petites et insérées dans des espaces plus intimes, ou encore installées à la verticale, semblant tenir toutes seules debout. Elles sont gracieuses, poétiques, mystérieuses. L’artiste a décrit la Croix de Notre-Dame comme le lien, la rencontre, entre deux lames, l’une horizontale, l’autre verticale. La mort et la résurrection du Christ ?
La Croix et la Gloire de Couturier témoignent du Christ ressuscité, l’œuvre s’intégrant parfaitement à l’espace auquel elle est destinée. Cette constatation prouve que les œuvres de notre siècle ne sont ni ridicules, ni prétentieuses ou démodées si l’artiste leur a donné le sens du lieu. En effet, les œuvres d’une qualité esthétique exceptionnelle, contemplatives, de notre temps et capable de bien vieillir, sont possibles. Nous en avons ici la preuve.
Inge Linder – Gaillard
Comité Artistique de Narthex
Septembre 2010
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Notes :
Marc Couturier a également dessiné un autel où figure l’une des ses lames, pour l’église Saint-Denys du Saint-Sacrement, 3e, Paris (1995) et une série de vitraux remarquable pour l’église Saint-Léger du village bourguignon Oisilly (1994-95).