Premier dimanche de l’Avent : Veillez et priez !

On connaît au moins trois versions de la Madeleine repentante peintes par Georges de La Tour (1593-1652). La Madeleine aux deux flammes est certainement la plus curieuse. N’est-elle pas, en cette image, l’illustration du verset de ce dimanche : « Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment. » (Marc 13, 33)
Publié le 27 novembre 2014

La Madeleine repentante ou La Madeleine pénitente aux deux flammes
Georges de LA TOUR (1593-1652)
Huile sur toile, 133,4 × 102,2 cm, vers 1640
Metropolitan Museum of Art, New York (États-Unis)

Que voit-on ?

Une femme, cheveux dénoués, assise sur un tabouret devant une table, portant une chemise bouffante blanche et une longue robe festonnée, rouge cramoisi. Sur ses genoux repose un crâne humain sur lequel elle joint les mains. Sa tête est tournée vers un miroir richement encadré posé sur la table, dans lequel se reflète la flamme d’une bougie. D’autres objets se trouvent sur la table : un collier de perles blanches, quelques pièces de monnaie et une sorte de vase métallique derrière le miroir. Le mur brun du fond et noirci par l’ombre du miroir. Aux pieds de la femme, quelques bijoux abandonnés : bracelets et boucle d’oreille.

Veillez…

Madeleine veille et médite… Cette bougie en est la meilleure expression. La nuit aide à la méditation. Et c’est lorsque le soleil est couché que l’homme se met à veiller. Le temps de l’Avent n’est pas simplement un temps de préparation à la joie de Noël. C’est le temps de l’attente, de la veille et du désir. Attente de la venue du Sauveur dans la gloire, attente des temps derniers. Veille pour ne pas être surpris par le sommeil lorsqu’il viendra. Temps de l’inquiétude (in-quiet : qui ne dort pas). Temps du désir, désir de sa venue. Avons-nous encore ce désir de la venue du Christ ? Sommes-nous inquiets de le rencontrer ? Prenons-nous le temps de la veille ? Veillez… Méditez… Priez… semble nous dire Madeleine. La nuit est encore longue.

Méditer et réfléchir…

On ne sait pas bien ce que regarde cette femme. Son regard semble perdu dans le vide, ou tourné vers un objet que l’on ne voit pas sur le tableau. En tous les cas, elle médite et elle réfléchit. Elle réfléchit comme le miroir réfléchit la flamme. Il renvoie l’image. Il nous renvoie notre image. Peut-être nous révèle-t-il que le feu sacré n’est pas éteint en nous ? Peut-être nous montre-t-il que la flamme physique de notre corps, lorsqu’elle se reflète (lorsque nous réfléchissons), révèle la flamme de notre âme, celle que nous avons reçu au baptême ? Nous sommes bien un corps (la bougie), une intelligence (le miroir) et une âme insaisissable mais réel (la flamme du miroir). Et moi, est-ce que je réfléchis suffisamment ? Ai-je encore en moi cette flamme ?

Abandon…

Marie-Madeleine veut changer de vie après sa rencontre avec le Christ, elle veut se convertir, se retourner (comme elle le fera trois fois lorsque sa rencontre au jardin avec Jésus ressuscité – Jn 21). Mais elle connaît aussi les liens qui la retiennent, ses propres esclavages… Ils sont ici symbolisés par ces riches bijoux, ce crâne et ce pot d’airain. Comme si elle devait faire une triple renonciation, un triple engagement. Celui-là même que font les religieux. Trois vœux pour refuser les vaines richesses (pauvreté), ne s’offrir qu’à Dieu (chasteté) et n’écouter que lui (obéissance). Trois objets qui montrent nos chaînes : la richesse des bijoux, l’inanité de notre vie humaine (tu es poussière… Gn 3, 19) et le creux de notre amour (si je n’ai pas la charité, je ne suis qu’airain qui résonne… 1 Cor 13). Temps de l’Avent pour se convertir, pour changer de vie, pour se préparer à recevoir le Sauveur, pour lâcher nos fausses richesses, redonner sens à notre vie terrestre, redonner vie à notre capacité d’amour.

Donner… Tout donner…

Elle lâche tout cette femme. Même ses cheveux, signes de sa condition pécheresse. Peut-être a-t-elle déjà revêtu le vêtement blanc de son baptême, de sa purification ? Peut-être sent-elle l’appel de Jésus à tout donner… Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jn 15, 13). Donner sa vie, donner son sang pour les autres, ce sang rouge cramoisi qui déjà couvre ses jambes. Pas d’Avent, pas de conversion sans offrir sa vie à Dieu et aux autres… Jésus lui-même offrit sa vie. Il l’offrit dès la Nativité comme enfant désarmé et poursuivi par la cupidité d’Hérode. Il l’offrit jusqu’à la Croix, sur le lieu du crâne (Golgotha). Marie-Madeleine semble n’ou appeler à le rejoindre là, au pied de la Croix, les mains posés sur le Golgotha… Noël, fête de la joie et de la famille. Noël, fête de la Paix et de l’Amour. Noël, fête des pauvres et des petits. Noël, reflet du Golgotha et de la Pâque, là où s’éclairent et se révèlent pleinement le sens de l’Avent et de la Venue du Christ. Tournons nos yeux vers la Venue du Christ. Ne lui refusons rien. Donnons-lui tout !

Se laisser éclairer, révéler…

Le jeu de lumière de l’œuvre est surprenant. Le miroir renvoie la lumière de la flamme. Elle en est triplement éclairée : par la flamme physique, par le reflet de l’intelligence et par la lumière de l’âme. Temps de l’Avent, temps de l’attente, temps de la méditation, temps de la prière, temps de la veille, temps où Dieu se révèle à nous, nous éclaire et nous révèle ce à quoi nous sommes appelés. Un temps où le Peuple voit une lumière se lever dans les ténèbres, une lumière qui nous révèle Dieu et où Dieu nous révèle ce que nous sommes : ses enfants bien-aimés.

Avec Madeleine, veillons et prions…

Pour accompagner votre première semaine de l’Avent, téléchargez ici cette Chronique en version PDF.

Père Olivier Plichon,

Aumônier de la communauté des français expatriés à Milan

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