Sous l’égide du Frère Marc Chauveau, commissaire des expositions au couvent, les Dominicains de La Tourette ont invité cette année pour leur exposition d’automne l’artiste coréen Lee Ufan, de renommée internationale dont les œuvres ont été exposées dans les plus grandes institutions culturelles, comme dernièrement au nouveau CCC Olivier Debré de Tours.
Venu séjourner à La Tourette pour découvrir l’architecture du couvent et préparer son exposition, Lee Ufan a décidé de créer spécialement un ensemble d’installations conçues pour entrer en dialogue avec l’architecture de Le Corbusier, faisant de cette exposition un évènement. L’artiste met en relation des matériaux façonnés par la main de l’homme et d’autres par les forces de la nature qu’il confronte et fait dialoguer en jouant avec les notions de vide, d’espace et d’énergie.
L’art de la résonance
Lee Ufan, natif de Corée, s’installe à 20 ans au Japon où il étudie la philosophie et exerce ensuite comme critique littéraire et théoricien. Il s’ouvre à la création artistique et expérimente sur la matière et le vide, le fait et le non-fait. C’est en ce sens qu’il théorise et fonde le mouvement du Mono-Ha (du japonais, littéralement « l’école des choses »). A travers ce prisme, l’œuvre d’art devient un « lieu de médiation entre l’intérieur et l’extérieur ». L’artiste propose ainsi de dépasser le dualisme sujet-objet propre à la cosmologie occidentale pour introduire la notion d’échange entre soi et le monde, et entre les êtres qu’ils soient humains ou non-humains.
Ses peintures et ses installations jouent avec l’espace laissé vide, un vide qui donne sens en l’absence de paroles et de matériels. Il invente ainsi un « art de la résonance» (En japonais, le terme « résonance » se traduit par yohaku, dont yo signifie « ce qui reste » et haku, « blanc »), processus d’interaction entre les parties créées et non créées et développe le concept du « non-agir ».
Les chambres de silence
L’exposition « Au-delà des souvenirs » explore les chambres de silence. Espaces traditionnels au Japon, ces chambres à thé de dimensions réduites, contigües aux habitations, sont des pièces intimes et silencieuses, sans décoration. Lee Ufan a choisi d’en créer plusieurs réparties dans différentes salles du couvent. Ce seront autant d’architectures éphémères installées dans l’architecture dépouillée de Le Corbusier, instituant un dialogue inédit et fécond entre ces espaces de silence : chambre d’ardoises, chambre de métal et enfin deux chambres de papier. La dernière et seule utilisation du papier par Lee Ufan remonte à 1969, et fait de ces deux chambres des lieux uniques.
Par la déambulation au sein du couvent de La Tourette, Lee Ufan invite le spectateur à engager un dialogue silencieux et serein avec ses œuvres.
Le couvent de la Tourette Le Corbusier élabore à partir de 1953 un projet de couvent suivant les souhaits de la communauté pour « loger cent coeurs et cent corps dans le silence », pour lequel il met en oeuvre ses « cinq points de l’architecture moderne ». Le chantier débute en 1956 et le couvent est inauguré en octobre 1960. Le couvent fait l’objet d’un classement au titre des Monuments Historiques depuis le 11 décembre 1979. Il est également labellisé « Patrimoine du XXe siècle » et inscrit sur la liste du Patrimoine Mondiale de l’UNESCO. Le couvent de La Tourette est un lieu largement ouvert qui accueille des publics très divers venant le visiter ou y séjourner. Ce qui est entrepris à La Tourette est unique sur la scène artistique française. La vocation du lieu traduit en effet ce qui, d’une certaine façon, n’existe nulle part ailleurs : la singularité d’une alliance qui unit architecture corbuséenne, archétype de l’architecture moderne, vie religieuse, vie quotidienne et art contemporain. |