Le fabuleux destin des tableaux des abbés Desjardins

C’est une épopée extraordinaire et méconnue qui se raconte au Musée des beaux-arts de Rennes jusqu'au 27 janvier 2018, après avoir été exposée outre-atlantique à Québec. Celle de près de 200 tableaux religieux réalisés par de grands noms de la peinture française des 17e et 18e siècles et qui traversèrent l’Atlantique pour être diffusés dans les paroisses de Québec.
Publié le 10 octobre 2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Louis Dulongpré (Saint-Denis [France], 1759 – Saint-Hyacinthe, 1843). Louis Joseph Desjardins, vers 1802. Huile sur toile, 65,9 x 51,7 cm. Québec, Augustines de l’Hôtel-dieu de Québec (2010.1979) Photo : CCQ, Guy Couture
Atelier de Jean-Baptiste Paulin Guérin (Marseille (France), 1783 – Paris (France), 1855). Philippe-Jean-Louis Desjardins, vers 1828 Huile sur toile, 73 x 58 cm. Québec, Ursulines de Québec (1997.1123). Photo : MNBAQ, Idra Labrie

L’opération a lieu il y a 200 ans et résulte de la détermination de deux frères, les abbés Desjardins, qui donnèrent ainsi une seconde vie aux trésors passés de l’Eglise française. L’exposition réunissant 70 œuvres monumentales met en lumière l’importante contribution de ces œuvres à l’action du clergé et à l’évolution de l’art au Québec.

Arrivés au Québec pendant la Révolution française, Philippe-Jean-Louis Desjardins et son frère Louis-Joseph constatent le manque de peintres capables de répondre aux commandes locales. Entre 1803 et 1820, Philippe-Jean-Louis acquière en France, dans des conditions encore mal définies, 200 toiles saisies pendant la Révolution française et les achemine jusqu’à Québec. Elles sont réceptionnées par Louis-Joseph qui organise leur restauration et leur vente à diverses paroisses et communautés canadiennes alors en pleine expansion.

Cet important corpus, révélateur du goût des Français à l’époque de la Révolution, a récemment fait l’objet d’études scientifiques qui ont mené à de nouvelles attributions et à une meilleure connaissance du contexte de leur création. La majeure partie du fonds est constituée d’œuvres du 17ème siècle de l’école française, mais aussi quelques-unes issues des écoles italiennes et nordiques. La génération des années 1640 comme Laurent de La Hyre, Eustache Le Sueur ou Nicolas Poussin, appréciée pour son classicisme par les commissaires révolutionnaires et gardée dans les collections nationales françaises, est totalement absente du fonds Desjardins.

Louis-Joseph Desjardins (Messas (France), 1766 – Québec, 1848). Copie des envois de tableaux de Paris en 1817 & 1820 par mes frères & placés par moi en Canada, vers 1825. Québec, Archives du monastère des Ursulines de Québec (MQ, 1/B, 007, 005,004 E.2016.05-56) (8 pages) Photo : Québec, Archives du monastère des Ursulines

La force de l’ensemble réside en revanche dans les deux extrémités du siècle, représentées par un ensemble particulièrement important d’œuvres de Simon Vouet et de son entourage pour les années 1630 (dont Claude Vignon et Philippe de Champaigne) ; et par de grands tableaux de Jean-Baptiste Corneille et Louis de Boullogne pour les années 1680-1690. La Présentation de Jésus au temple de ce dernier compte d’ailleurs parmi les chefs-d’œuvre de l’exposition.


Moins nombreuses que celles du 17ème siècle, les œuvres du 18ème couvrent cependant l’ensemble du siècle et furent exécutées par les artistes les plus importants de l’époque : Collin de Vermont, Restout, Cazes, Massé ou Vanloo.

Louis II de Boullogne (Paris, 1654 – id., 1733). La Présentation au Temple, 1688. Huile sur toile, 274 x 213 cm. Moncton, Musée acadien de l’université de Moncton, NB (69-6-41) Photo : Moncton, Musée acadien de l’université de Moncton, Adam Karpowicz

  

Simon Vouet (Paris, 1590 – id., 1649). Saint François de Paule ressuscitant un enfant, 1648. Huile sur toile, 265 x 140 cm. Saint-Henri-de-Lévis, église Saint-Henri
Photo : CCQ, Michel Élie Pierre
Philippe de Champaigne (Bruxelles, 1602-Paris, 1674) et atelier. Le Christ prêchant. XVIIe siècle. Huile sur toile, 220 x 150 cm approx. Québec, Ursulines de Québec (1997-1015). Photo : MNBAQ, Idra Labrie

Mais l’histoire de ces tableaux, c’est aussi l’impact qu’ils ont eu au 19ème siècle dans la province de Québec. En effet, ces toiles marquent considérablement les peintres du Bas-Canada, tels Joseph Légaré, Anoine Plamondon ou Théophile Hamel, qui les restaurent puis les copient à la demande de commanditaires. L’inventaire des 120 copies réalisées au 19ème siècle, révèle qu’environ le quart des tableaux Desjardins ont servi de modèle aux artistes québécois et que leur dispersion atteint près de 70 paroisses ou collectionneurs, entraînant un vaste rayonnement de ces tableaux dans les églises canadiennes. Ainsi formés aux traditions académiques françaises, les artistes canadiens diversifient leur production, donnant bientôt naissance à la peinture canadienne.

Pierre-Jacques Cazes (Paris (France), 1676 – Paris (France), 1754). Saint François d’Assise recevant les stigmates. Seconde moitié du XVIIe siècle ou première moitié du XVIIIe siècle. Huile sur toile, 225 x 160 cm. Québec, Fabrique Saint-Michel-de-Sillery. Photo : MNBAQ, Idra Labrie
Antoine Plamondon (L’Ancienne-Lorette, 1804 – Neuville, 1895), d’après Charles Monnet (Paris, 1732 – ?, après 1808). Le Christ expirant sur la croix, 1851. Huile sur toile, 355 x 230 cm (avec l’encadrement). Québec, Fabrique Saint-Michel de Sillery. Photo : MNBAQ, Idra Labrie

L’exposition Le fabuleux destin des tableaux des tableaux des abbés Desjardins est un témoignage unique du lien entre l’histoire de l’art français et canadien.

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