En découvrant les centaines de photos, vidéos, costumes de scène et objets personnels qui rythment l’exposition, on se dit que décidemment, certaines personnes ont des destins hors du commun.
Celui de Clairemarie Osta (1970) commence à Nice où elle intègre le Conservatoire régional, sans savoir que l’Opéra existe. « Ma relation avec la danse était complète. J’aime le travail, la discipline, la technique, la fantaisie et même la folie d’être sur scène. J’aime cette proposition qu’a l’art, comme la foi. Cette dimension qui semble au-delà de l’homme et qui pourtant est tellement humaine. » Une rencontre avec Roland Petit la pousse à présenter le concours de l’école de l’Opéra de Paris. Elle rejoint les autres petits rats à 17 ans pour la dernière année du cursus …et y rencontre Nicolas Le Riche un danseur prometteur. Promue première danseuse en 1999, grâce à des extraits du Lac des cygnes et du Grand pas classique, elle est nommée Danseuse Etoile en 2002 à l’issue d’une représentation de Paquita. Cette même année elle fait ses adieux lors de la dernière représentation de L’Histoire de Manon à l’Opéra Garnier.
Le destin de Nicolas Le Riche (1972) se joue sur un défi: il passe le concours d’entrée de l’Opéra pour narguer un de ses copains…et son ascension sera fulgurante. Dès son entrée dans le corps de ballet en 1988 il travaille avec les plus grands maîtres de la danse classique et contemporaine du XXe siècle : Roland Petit, Rudolf Noureev, Maurice Béjart, Jerome Robbins… Danseur Etoile de l’Opéra de Paris durant plus de vingt ans, il est également comédien et chorégraphe. « Les spectacles vivants correspondent à des fenêtres privilégiées sur le monde. Je pense que l’art est structurant. Il est un retour vers soi et vers les autres. »
La scénographie de l’exposition, intime, convoque le spectacle vivant pour plonger le visiteur dans ce monde à part. Entouré des costumes de scènes internationales issus de la collection personnelle du couple (en France les danseurs n’ont pas la possibilité de garder leurs habits de scènes), un film d’une heure donne le niveau. Des extraits de répétitions, de spectacles, retracent le parcours de leurs immenses carrières, jusqu’à leurs Adieux émouvants.
Les témoignages de ceux qui les ont mis en scène parlent de leur humanité, de leur ouverture aux autres, de leur souci constant d’approcher, dans la danse, la vérité au plus près. « Danser, c’est parler de soi. On entre sur scène nu, avec ses forces et ses faiblesses. On peut toujours essayer de se cacher, de se mentir… Tout finit par se voir: le travail accompli ou celui que l’on n’a pas fait, la sincérité ou la culpabilité, le bonheur intérieur, la personnalité profonde. C’est ce que j’ai appris : la danse est l’art de l’humilité. » raconte Nicolas Le Riche.
Le parcours s’arrête sur deux rôles titres marquants de leur carrière « L’Histoire de Manon » pour Clairemarie Osta et « Le jeune homme et la mort » pour Nicolas Riche. Au cœur de l’espace, les loges reconstituées évoquent la vie sourde et battante des coulisses, lieu où le danseur change de visage pour endosser un rôle. Moment où il oscille entre sa personnalité et le personnage qu’il incarne. On y saisit l’absolue nécessité pour le danseur de connaître ses limites à la fois physiques et psychologiques.
Clairemarie Osta explique : « Je ne suis pas une danseuse qui joue la comédie, je dirais plutôt que je suis une interprète qui prend la parole et raconte une histoire. Je délivre un message, même si ce n’est pas avec mes propres mots. Il n’y a pas un mouvement qui ne doive être sans âme. Il n’y a pas la danse d’un côté et l’interprétation de l’autre: c’est une symbiose, un tout. Et même lorsque le ballet n’est pas narratif, il se passe quand même quelque chose entre tous les danseurs qui sont là sur le plateau. On peut, en scène, dégager grâce, poésie et émotion de différentes manières. »
L’exposition s’achève sur le projet que le couple porte actuellement : LAAC « L’Atelier d’Art Chorégraphique » qu’ils ont fondé en 2015 au théâtre des Champs-Elysées. Un casque de réalité virtuelle nous fait suivre en 360° une répétition de danse dans leur Atelier. Autour de nous, les kakémonos, projections et photos racontent les liens tissés avec les personnalités qui ont nourri leurs vies de danseurs, passées et présentes. En effet, autour d’eux gravitent d’autres étoiles, musicales, théâtrales ou cinématographiques.
A l’instar de Vincent Pérez qui a réalisé une création originale pour l’occasion. Le film court intitulé « Odyssée » « est une représentation du couple à travers les différents obstacles de la vie. Une traversée dans le temps chorégraphiée par Nicolas Le Riche, interprétée par lui-même et sa femme Clairemarie Osta. La durée du pas de deux est de 15 minutes, et c’est sur une musique d’Arvo Pärt que le film a été conçu. Le but pour moi est de filmer la danse, exercice souvent négligé et rarement à la hauteur du sentiment que les danseurs offrent sur scène. » raconte Vincent Pérez.
Au cœur d’une discipline où riment rigueur et émotion, précision et créativité, musique et gestes, performance et poésie, une visite qui, comme l’exprime leur ami Guillaume Gallienne, nous fait vivre quelques belles apnées ! Car « Ce qui est beau, dans un saut, c’est l’élan, l’impulsion, la volonté de le conduire au maximum, de le rendre éclatant. Pour la réception au sol, on verra bien ce qui se passera... » Nicolas Le Riche.
Informations pratiques
Etoiles, Clairmarie Osta et Nicolas Le Riche jusqu’au 29 mai 2016
A Elephant Paname
10 rue Volney, 75002 Paris
Du mardi au dimanche de 11h à 19h
0149278333
www.elephantpaname.com
Tarif plein : 9€ et tarif réduit 7€
Les Rendez-vous avec Claremarie Osta et Nicolas Le Riche
6 dates exceptionnelles sont prévues tout au long des 4 mois de l’exposition pour des moments d’échanges privilégiés avec les danseurs. En savoir plus : Les Rendez-vous.
Parallèlement à l’exposition, le Théâtre des Champs-Elysées présente plusieurs dates pour venir découvrir PARA-II-ELES, un film d’1h20. Traité en 10 séquences et porté par la composition originale de Matthier Chedid, Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta nous parlent des liens qui nous unissent dans l’espace qui nous sépare. Sur scène, les danseurs sculptent l’espace et le temps dans un chassé-croisé de duos en solos, puis de solos à deux, comme autant de métaphores des multiples formes d’une relation. Glissades, sauts, portés, tout le vocabulaire de la danse est mis au service des interprètes pour qu’ils se racontent et se livrent.
En savoir plus et réservations theatrechampselysees.fr/saison/danse/para-ll-eles