La chronique de Noël (7/7) : « Alors la gloire du Seigneur se révélera »

Pour clore ce cycle des chroniques de Noël, nous restons dans l'expression artistique des premiers temps de l'église avec les superbes représentations des deux baptistères de Ravenne.
Publié le 09 janvier 2013

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Le Baptême du Christ et les douze Apôtres – Vème siècle – Mosaïque – Baptistère de la cathédrale (ou Néonien), RAVENNE – (c) Cliché FCL – Le grand registre qui entoure le médaillon central présente sur un fond bleu indigo les douze Apôtres séparés les uns des autres par des chandeliers floraux. Ils avancent lentement, tenant dans leurs mains recouvertes une couronne. Le second registre se divise en huits groupes architecturaux s’arrondissant au centre en une abside. Dans chaque abside s’alternent un trône et un autel qui symbolisent la souveraineté et la divinité du Christ. Les trônes sont flanqués de deux jardins clos, symboles du jardin céleste ; alors que les autels sont entourés de deux sièges vides représentant ceux que le Christ a préparés pour ses élus.

 

Le temps de Noël, qui se termine, continue de déployer sa méditation sur la personne de Jésus, dans toute sa profondeur théologique. Noël célébrait Jésus comme « Fils de David » et Messie. A l’Epiphanie, les mages viennent se prosterner devant « le roi des Juifs ». La fête du Baptême du Seigneur célèbre le Christ comme « Fils bien-aimé » de Dieu, point de départ de ce qui sera sa mission de « Serviteur », selon la longue tradition héritée des prophéties d’Isaïe. Le baptême de Jésus est une épiphanie, une manifestation de Dieu. Dans le rite byzantin, c’est même cet épisode qui est uniquement célébré à la fête de l’Epiphanie, alors que le rite romain porte son attention, ce jour-là, sur l’adoration des mages. Depuis Vatican II, la liturgie romaine a fait de cette fête la clôture du temps de Noël, un peu comme la Pentecôte est la clôture du temps pascal.

 

« Le peuple venu auprès de Jean Baptiste était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Messie. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. »
Comme tout le peuple se faisait baptiser et que Jésus priait, après avoir été baptisé lui aussi, alors le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe. Du ciel une voix se fit entendre :  » C’est toi mon Fils : moi, aujourd’hui, je t’ai engendré.
» (Lc 3, 15-16.21-22)

 

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Le Baptême du Christ – Vème siècle – Mosaïque – Baptistère de la cathédrale (ou Néonien), RAVENNE – Comme on peut le constater, la colombe, la tête du Christ et le bras droit de Jean Baptiste ont subi une restauration brutale au XIXème siècle.

 

Nous voyons Jésus immergé jusqu’à mi-corps dans les eaux du fleuve. Le grand talent des mosaïstes reproduit le flux et la transparence de l’eau du Jourdain qui laisse entrevoir la nudité du Christ, manifestant ainsi son humanité. Les artistes sont encore imprégnés des canons antiques puisque le Jourdain est personnifié par le personnage placé à droite qui tend au Rédempteur un linge pour s’essuyer.

Jean Baptiste, sur un promontoire rocheux, vêtu d’une peau de bête, verse l’eau de la main droite. Il tient, de l’autre main, une croix richement décorée. Elle rappelle que la solidarité de Jésus avec les pécheurs et les hommes en général  lui fait accepter cet autre baptême qu’est celui de la mort (Mc 10,38-41). L’immersion dans les eaux du Jourdain annonce déjà la plongée dans la mort. Jésus descend dans les eaux pour y noyer le péché des hommes qu’il prend sur lui, mais sa remontée marque, pour l’humanité, la renaissance à la vie nouvelle et à l’Esprit de Dieu.

La colombe de l’Esprit Saint est placé au-dessus du Christ, jaillissant du fond d’or, selon la tradition byzantine qui indique que la source de la scène réprésentée est sacrée. L’Esprit accompagne la voix qui se fit entendre :  » C’est toi mon Fils : moi, aujourd’hui, je t’ai engendré « . Cette désignation de Jésus invite tout lecteur de l’évangile, tout homme, à reconnaître en Jésus, dès le moment initial de son activité publique, le serviteur bien-aimé de Dieu annoncé par Isaïe. Il est le Fils de Dieu en un sens tout à fait singulier, dont la mission est de restaurer les relations de Père à fils entre Dieu et les hommes. Cet appel nous atteint par-delà les âges.

 

 

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Le Baptême du Christ et les douze Apôtres – Vème siècle – Mosaïque – Baptistère des Ariens, RAVENNE – (c) cliché FCL – On distingue deux phases stylistiques dans l’exécution de cette mosaïque. La première se manifeste dans la vigueur du médaillon central, du trône et des figures de Pierre et Paul. La seconde phase, un peu postérieure, est caractérisée par des compositions chromatiques plus amples et plus délavées dans les figures des Apôtres.

 

Pour accomplir sa mission, Jésus demande le baptême que Jean Baptiste administrait pour la rémission des péchés. Par ce geste, Jésus se montre entièrement solidaire des hommes pécheurs, au milieu desquels sa mission prend tout son sens. Non seulement Jésus annonce que les entraves du péché peuvent être brisées, mais il montre, par sa fidélité totale à Dieu, qu’il est possible pour tout homme, même au cœur d’un monde marqué par le mal, de faire germer l’amour que Dieu a semé dans le cœur de tous.

 

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Le Baptême du Christ – Vème siècle – Mosaïque – Baptistère des Ariens, RAVENNE – Le Christ est au centre et, à sa gauche, Jean Baptiste pose sa main droite sur sa tête. Le Jourdain est personnifié par un vieux personnage austère, assis près d’une vasque d’où sort l’eau du fleuve. Il est caractérisé par deux attributs des divinités aquatiques païennes : une branche de roseau vert et deux pinces d’écrevisse qui surmontent sa tête.

 

« Jean Baptiste voit le Soleil éclatant sorti de la Vierge demander le Baptême dans le Jourdain. Il crie au Seigneur :
« Si tu es l’enfant de Marie, je sais que tu es aussi le Dieu éternel.
Tu marches sur la terre, toi que chantent les Séraphins.
Qui a vu se baigner le Soleil éclatant par nature,
Pour que j’ose te purifier dans l’eau,
Eclat de la gloire du Père, Empreinte de l’Eternel ?
Pour que boue que je suis, je touche au feu de ta Divinité ? »
Il n’ose toucher la tête immaculée et quand sa main la toucha, elle trembla.
»

Liturgie byzantine de l’Epiphanie

 

L’investiture que Jésus reçoit est messianique : il entre en fonction, il devient Christ, c’est-à-dire oint par l’Esprit Saint pour une mission spécifique. Comme le dit la lettre de saint Paul à Tite : « Il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. » C’est pourquoi nous pouvons voir sous le médaillon central du baptistère des Ariens, entouré des Apôtres qui témoignent de la souveraineté du Christ en lui tendant une couronne, le trône de gloire sur lequel repose la croix.
 

 

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Le Baptême du Christ (détail) – Vème siècle – Mosaïque – Baptistère des Ariens, RAVENNE

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