La Chambre des Certitudes de Wolfgang Laib, un voyage initiatique

Inaugurée en l’an 2000, la Chambre des certitudes de Wolfgang Laib est une grotte artificielle enduite de cire, creusée dans la montagne pyrénéenne. La nature et le lieu y parlent pour l’artiste allemand, né à Metzingen en 1950. Ancien étudiant en médecine désireux de soigner les âmes aussi bien que les corps, ce voyageur inlassable nourri de culture asiatique et de spiritualités orientales s’est inventé une voie devenue son art, en symbiose avec sa vie. Mystique, son œuvre se limite à un répertoire de quelques gestes comme autant de rituels ou d’offrandes, de formes essentielles et de matières naturelles : pierre, pollen, cire, lait et riz.
Publié le 27 août 2020

Il fait, en cette journée d’août, une chaleur caniculaire ; le soleil écrase les ombres, les montagnes sont nimbées de vapeur bleutée. L’atmosphère, lourde, se charge d’humidité. Grimper jusqu’à la Chambre des certitudes de l’artiste Wolfgang Laib ne va pas sans précautions : il faut s’armer de bonnes chaussures et d’une réserve d’eau, en obtenir la clef au prieuré de Marcevol, traverser le hameau d’Arboussols puis suivre le chemin en une ascension qui tient autant du pèlerinage que de l’ode à la nature jusqu’à ce lieu retiré: le sentier odorant serpente entre les cistes et les chênes verts, le thym et la lavande. Un vaste panorama se découvre depuis ce coin des Pyrénées Orientales que coiffe en face le Canigou, mont sacré des Catalans. La végétation, sauvage, couvre les collines alentours d’un épais maquis ; il est recommandé de suivre les panneaux évidés d’un curieux sigle en M pour ne pas se perdre. A moins, peut-être, que l’égarement ne fasse partie de l’expérience ?

Discrète, la Chambre des certitudes se niche au creux d’un dôme rocheux ; le même M – subtil indice – se reconnaît dans une fente du rocher : la porte est là et, derrière, cette grotte artificielle imaginée par l’artiste au Roc del Maure, dans une région semée d’ermitages et de monastères romans.

Vous voici au coeur de la montagne. L’espace est sombre, de petites dimensions. Dehors, la vie palpite, profuse et vibrionnante. Mille sollicitations vous happent. Dedans, les battements du coeur se mettent au diapason du lieu, ralentissent et s’apaisent; les sons s’atténuent; la cavité vous englobe autant qu’elle vous pénètre de sa fraîcheur et de son arôme.

Car dans ce réduit de granit au sol chahuté et aux formes organiques, comme boursouflées par endroits, les murs et le plafond sont enduits d’une couche de cire. Son parfum profond et délicat vous saisit d’emblée, sans toutefois vous entêter, comme une note grave qui sous-tendrait l’ensemble. Riche de symboles – muqueuse utérine, épiderme tanné, art pariétal… -, la cire confère à la pierre la douceur d’une peau tendue, la couleur mordorée du vieil or et du miel. Entre matrice et tombeau, abri maternel et enclos funéraire, chambre mortuaire et sarcophage, la grotte embaume et délivre cette seule certitude : ici tout commence et tout finit. Et l’homme n’est qu’un infime élément de cet univers qui le transcende et demeure, des origines jusqu’à la fin, suivant la conception cyclique du temps chère à l’artiste qui prévaut en Orient.

Au cheminement réel peut alors succéder le voyage intérieur. Car ce qui se joue pour Wolfgang Laib à travers cette expérience singulière, physique et sensorielle, c’est bien l’attention, la lenteur, le silence et l’écoute, autrement dit la communion intime avec ce qui nous entoure et nous dépasse. Taillée à l’échelle du corps, mesure de toute chose et instrument de notre présence au monde, la Chambre des Certitudes invite à goûter à l’immédiateté de la sensation, au suc de l’instant, à la nudité du donné. Il faut, pour cela, se mettre en condition: celle-ci a pour nom contemplation, accueil. En un mot : émerveillement sans cesse renouvelé à l’épreuve du monde sensible, âme, esprit et corps liés.

Odile de Loisy

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Toutes les photographies de cet article ont été réalisées par l’auteur © Odile de Loisy

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