Jusepe de Ribera à Rome, la première maturité

L’exposition-dossier co-produite par les musées des Beaux-Arts de Rennes et de Strasbourg, et consacrée aux œuvres de jeunesse de Jusepe de Ribera (1591-1652), est un évènement. Elle est non seulement la première en France mais également la première à réunir toutes les peintures connues de son « Apostolado aux cartels ». Née de l’achat du « Saint Jude Thaddée » par le musée de Rennes en 2013, l’idée de cette exposition itinérante présentée à Strasbourg jusqu’au 31 mai 2015, est de mettre en regard les six toiles de ce « collège apostolique » avec d’autres peintures attribuées au jeune Jusepe de Ribera. Une mise en perspective qui participe au débat actuel concernant le caravagisme à Rome entre 1605 et 1615.
Publié le 16 février 2015

Maître du  Jugement de Salomon, La dispute des philosophes, France, vers 1635-1640, huile sur toile ®Ph.Beurtheret

Pour la première fois en 2002, l’historien d’art Gianni Papi publiait dans la revue italienne Paragone, sa théorie attribuant le corpus d’un peintre anonyme à Jusepe de Ribera, artiste espagnol actif à Rome entre 1615 et 1625 environ. Baptisé Maître du Jugement de Salomon » en référence à un tableau de la Galerie Borghèse de Rome, le mystérieux artiste crédité d’une vingtaine de peinture, était jusque-là considéré comme français, voire nordique. Identifier le jeune Espagnol au Maître du Jugement de Salomon, l’une des figures les plus fascinantes et énigmatiques du microcosme caravagesque romain, déclenchait ainsi un véritable coup de tonnerre dans les théories établies sur l’école du Caravage.

Depuis, la reconstitution est en cours et progresse. Notamment grâce à l’apparition de nouveaux tableaux inconnus jusque-là, parmi lesquels l’important Saint Jude Thadée acheté en 2013 par le musée des Beaux-Arts de Rennes et Saint-Jean Evangéliste acquis par le Louvre quelques mois auparavant. Ces deux tableaux appartiennent à un « apostolado » (un collège apostolique, à savoir une représentation à mi-corps des douze apôtres) et quatre autres apôtres de cette série peinte vers 1610, sont connus.

Jusepe de Ribera, Saint Jude thaddée, vers 1607-1609, huile sur toile, 111 x 89 cm, Rennes, musée des Beaux-Arts ©Musée des Beaux-arts de Rennes – Jean-Manuel Salingue
 

Dans l’exposition alsacienne, cette série est disposée dans la « sacristie » de manière à évoquer l’ambiance d’un espace sacré, chapelle ou sacristie, où les toiles étaient accrochées à l’origine. Aux côtés de son Saint Pierre et saint Paul, – une des rares œuvres signées des débuts de Ribera et ainsi un des piliers dans l’étude des attributions -, le musée de Strasbourg dédie la seconde section de l’exposition aux œuvres désormais attribuées à la jeunesse romaine de Ribera. Les sept tableaux sont rassemblés à la manière des galeries ou salles de palais romains pour lesquelles ils avaient été peints, tel le grand Christ parmi les docteurs aujourd’hui à Langres.

 
Jusepe de Ribera, Saint Pierre et Saint Paul, vers 1616, huile sur toile, 126 x 112cm, Strasbourg, musée des Beaux-Arts ©Musée de Strasbourg, Mathieu Bertola
Jusepe de Ribera, e Christ parmi les docteurs, vers 1612-1613, huille sur toile, 188×270 cm, Langres, église Saint-Martin ©Coll.ville de langres / S.riandet

Côte à côte, ces toiles résument l’évolution rapide de l’artiste : depuis ses recherches d’expressions et d’organisations spatiales aux attitudes instables, vers des compositions plus solides, plus harmonieuses, et une articulation des figures plus fluide. En effet, à Rome, Ribera peint énormément, stimulé par l’exemple de Caravage qui vient de fuir la ville en 1606, par la concurrence d’autres jeunes artistes et par un marché avide de tableaux caravagesques. En sept ans, le peintre espagnol multiplie ainsi les innovations thématiques, techniques et de composition dans plus de soixante peintures connues, jusqu’à trouver son premier style de maturité vers 1615-1616.

Pour la première fois évoquée en France, la création du jeune Jusepe de Ribera laisse apparaitre déjà une œuvre saisissante, féconde. Les treize peintures exposées à Strasbourg permettent de mesurer le talent d’un des géants, avec Rubens, Rembrandt, Poussin, Velázquez, du siècle d’or de la peinture européenne.

Informations pratiques

Ribera à Rome. Autour du premier Apostolado
Du 28 février au 31 mai 2015
Musée des Beaux-Arts, Palais Rohan
2, place du Château, 67000 Strasbourg
Tél. 03 88 52 50 00
www.musees.strasbourg.eu
Horaires : de 10h à 18h. Fermé le mardi
Tarifs : Exposition seule : 4 € (réduit : 2 €).
Exposition et entrée au Musée des Beaux-Arts : 6,5 € (réduit : 3,5 €)

Jusepe de Ribera, Saint Jean l’Evangéliste, vers 1607-1609, huile sur toile, 105 x 83 cm, Paris, musée du Louvre ©RMN – Grand Palais (musée du louvre) – Tony Querrec
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