Pour la première fois en 2002, l’historien d’art Gianni Papi publiait dans la revue italienne Paragone, sa théorie attribuant le corpus d’un peintre anonyme à Jusepe de Ribera, artiste espagnol actif à Rome entre 1615 et 1625 environ. Baptisé Maître du Jugement de Salomon » en référence à un tableau de la Galerie Borghèse de Rome, le mystérieux artiste crédité d’une vingtaine de peinture, était jusque-là considéré comme français, voire nordique. Identifier le jeune Espagnol au Maître du Jugement de Salomon, l’une des figures les plus fascinantes et énigmatiques du microcosme caravagesque romain, déclenchait ainsi un véritable coup de tonnerre dans les théories établies sur l’école du Caravage.
Depuis, la reconstitution est en cours et progresse. Notamment grâce à l’apparition de nouveaux tableaux inconnus jusque-là, parmi lesquels l’important Saint Jude Thadée acheté en 2013 par le musée des Beaux-Arts de Rennes et Saint-Jean Evangéliste acquis par le Louvre quelques mois auparavant. Ces deux tableaux appartiennent à un « apostolado » (un collège apostolique, à savoir une représentation à mi-corps des douze apôtres) et quatre autres apôtres de cette série peinte vers 1610, sont connus.
Dans l’exposition alsacienne, cette série est disposée dans la « sacristie » de manière à évoquer l’ambiance d’un espace sacré, chapelle ou sacristie, où les toiles étaient accrochées à l’origine. Aux côtés de son Saint Pierre et saint Paul, – une des rares œuvres signées des débuts de Ribera et ainsi un des piliers dans l’étude des attributions -, le musée de Strasbourg dédie la seconde section de l’exposition aux œuvres désormais attribuées à la jeunesse romaine de Ribera. Les sept tableaux sont rassemblés à la manière des galeries ou salles de palais romains pour lesquelles ils avaient été peints, tel le grand Christ parmi les docteurs aujourd’hui à Langres.
Côte à côte, ces toiles résument l’évolution rapide de l’artiste : depuis ses recherches d’expressions et d’organisations spatiales aux attitudes instables, vers des compositions plus solides, plus harmonieuses, et une articulation des figures plus fluide. En effet, à Rome, Ribera peint énormément, stimulé par l’exemple de Caravage qui vient de fuir la ville en 1606, par la concurrence d’autres jeunes artistes et par un marché avide de tableaux caravagesques. En sept ans, le peintre espagnol multiplie ainsi les innovations thématiques, techniques et de composition dans plus de soixante peintures connues, jusqu’à trouver son premier style de maturité vers 1615-1616.
Pour la première fois évoquée en France, la création du jeune Jusepe de Ribera laisse apparaitre déjà une œuvre saisissante, féconde. Les treize peintures exposées à Strasbourg permettent de mesurer le talent d’un des géants, avec Rubens, Rembrandt, Poussin, Velázquez, du siècle d’or de la peinture européenne.
Informations pratiques
Ribera à Rome. Autour du premier Apostolado
Du 28 février au 31 mai 2015
Musée des Beaux-Arts, Palais Rohan
2, place du Château, 67000 Strasbourg
Tél. 03 88 52 50 00
www.musees.strasbourg.eu
Horaires : de 10h à 18h. Fermé le mardi
Tarifs : Exposition seule : 4 € (réduit : 2 €).
Exposition et entrée au Musée des Beaux-Arts : 6,5 € (réduit : 3,5 €)