Gustave Doré aborde d’abord l’art religieux dans la presse illustrée. En effet, comme bon nombre de jeunes artistes en quête de notoriété, il débute dans le domaine de la caricature et de la presse périodique.
Alors que Gustave Doré voudrait être reconnu comme peintre, il acquiert sa réputation dans le domaine du livre en illustrant les Œuvres de Rabelais (1854), les Contes drolatiques de Balzac (1855) et autres œuvres littéraires de ses contemporains. C’est à cette période qu’il déclare se donner pour but d’établir « dans un format uniforme et devant faire collection, tous les chefs-d’œuvre de la littérature, soit épique, soit comique, soit tragique. »
La réalisation d’une telle bibliothèque illustrée va désormais guider la carrière d’illustrateur de Doré. C’est l’illustration de L’Enfer de Dante qui inaugure la collection, en 1861. Les 3000 exemplaires vendus en quelques jours, donnent raison à l’intuition de Doré. Dès lors, les éditeurs se disputent le talentueux illustrateur dont la réputation commence à s’étendre hors des frontières hexagonales. Parmi les trente-six livres figurant dans cette liste ambitieuse, quoique non exhaustive, beaucoup ne seront pas traités alors que d’autres titres doivent être ajoutés.
Au premier rang desquels La Sainte Bible, publiée par Alfred Marne à Tours en 1866.
Pour ces deux volumes in-folio de grand luxe, destinés à une clientèle bourgeoise, Doré réalise 312 dessins dont 294 ont été gravés et 265 utilisés. Sa prédilection pour les sujets religieux, déjà manifeste dans quelques peintures antérieures, trouve ici à s’exprimer pleinement.
L’illustrateur donne toute sa mesure dans les visions épiques et les scènes à la théâtralité grandiloquente de l’Ancien Testament. Sa manière de représenter des scènes religieuses, jusque-là jamais mise en images, participe au renouvèlement de l’art religieux en Europe dans le dernier tiers du siècle. Au risque de faire scandale. Ainsi, en tête du tome premier, le portrait de Dieu debout sur un nuage en train de créer le monde, exposé chez le libraire Cassel à Londres, devra être retiré face aux protestations du public.
Marqué par « La Vie de Jésus » d’Ernest Renan paru en 1863, qui situe Jésus dans son cadre historique, Gustave Doré « s’intéresse à la personnalité de l’homme Jésus, seul face à son destin, plongé dans une grande solitude », explique Sylvie Carlier, conservatrice en chef du patrimoine. Tout en multipliant idées et points de vue inédits, empreints d’un fort pathos, Doré se réfère aux grands classiques du genre. Il traite ainsi le Calvaire en une suite de scènes dont certaines s’inspirent des effets de clair-obscur des eaux-fortes de Rembrandt.
Le succès de cette Bible permet à Gustave Doré d’étendre sa production de peinture qu’il affectionne tant de réaliser. On le surnomme le « peintre prédicateur ». Lors de son exposition au Salon de 1865, L’Ange de Tobie, dans laquelle Doré exploite le goût orientaliste alors très en vogue, gagne les faveurs du public.
Les critiques contemporains, de Théophile Gautier à Emile Zola, s’accordent pour reconnaître la force dramatique des productions de l’artiste. Celle-ci culmine dans le monumental Christ quittant le prétoire. La foule entourant Jésus constitue une véritable étude des « types humains ». La compassion, la méfiance, la vindication : le foisonnement des figures permet d’admirer le génie de Doré dans l’expressivité des sentiments.
Gustave Doré, pour le juger d’un mot, est le plus improvisateur du crayon qui ait jamais existé […] L’idée vient instantanément; elle frappe avec la rapidité et l’éblouissement de l’éclair, et il subit sans la discuter, il obéit au rayon d’en haut » (Emile Zola)
« L’inspiration religieuse et spectaculaire de Doré a profondément marqué le cinéma dès son origine, de Griffith à Cecil B.de Mille et jusqu’à nos jours », souligne l’historien de l’art Philippe Kaenel, commissaire de l’exposition avec Edouard Papet. En effet, peu de films sur la Bible, depuis Vie et Passion de Jésus Christ produit par Pathé en 1902, qui ne se réfèrent à ses illustrations.
L’œuvre de Doré a « gravé » de manière indélébile l’imaginaire et le fantastique du XXe siècle. Une belle reconnaissance pour ce contemporain de Manet, autodidacte et touche-à-tout que son propre siècle ne savait où classer…
Regards sur Le Christ quittant le prétoire par le Père Curnier-Laroche sur le site Rencontrer Jésus
Informations pratiques
Gustave Doré (1832-1883), L’imaginaire au pouvoir
jusqu’au 11 mai 2014
Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris
01 40 49 48 14
musée et exposition : 11€ / 8,5€
mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche : 9h30 – 18h
nocturne le jeudi jusqu’à 21h45 – (fermé le lundi)
Evènements autour de l’exposition : www.musee-orsay.fr/fr
En partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, le site de l’exposition : http://expositions.bnf.fr
Exposition également présentée à Ottawa, musée des beaux-arts du Canada, du 12 juin au 14 septembre 2014
A voir également : Doré & friends au musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg du 25/02 au 25 mai 2014.
Plus d’informations : http://www.musees.strasbourg.eu