Des musées picards au Louvre-Lens : une année à l’heure italienne

"Heures italiennes" proposait en 2017 une exploration inédite des collections publiques de peinture italienne conservées dans les musées et dans les églises de Picardie. Les villes d’Amiens, Chantilly, Beauvais et Compiègne organisaient conjointement quatre grandes expositions allant des primitifs au XVIIIe siècle en Italie. Le cycle italien des Hauts de France s'achève au Louvre-Lens, pour une exposition finale des "Heures Italiennes" jusqu'au 28 mai 2018.
Publié le 12 décembre 2017

En présentant dans quatre villes – Amiens, Chantilly, Beauvais et Compiègne – les grands foyers de création artistique, de Turin à Naples, du XIVe au XVIIIe siècle, « Heures italiennes » propose une double invitation à l’itinérance dans le temps et dans l’espace. Plus de 200 tableaux, prêtés par 13 musées et 11 églises, étudiés et mis en ligne par l’Institut national de l’histoire de l’art (INHA), permettent de saisir l’ampleur et la qualité des collections picardes, par le biais d’un parcours chronologique.

Amiens, musée de Picardie : LES PRIMITIFS, XIVe-XVe SIÈCLES

Il est effectivement intéressant de commencer par le commencement, et c’est le musée de Picardie à Amiens qui initie ce parcours avec les œuvres les plus anciennes des XIVe et XVe siècles. Ces tableaux, peu nombreux, sont peints sur bois et se caractérisent par leur grande fragilité alliée à une grande préciosité des techniques et du style. La collection d’œuvres de Primitifs italiens la plus importante conservée en Picardie devant s’apprécier sur place au musée Condé à Chantilly – les œuvres ne peuvent quitter l’enceinte du musée conformément à la volonté du duc d’Aumale –, l’exposition amiénoise comptera vingt-deux panneaux présentés dans la chapelle néo-gothique du Musée de Picardie.

G.BENZONI, Saint Jérôme lisant, Vers 1490, Abbaye royale de Chaalis, Musée Jacquemart‐André © Studio Sébert / Institut de France

Giotto di Bondone (1267 ou 1266-1337), en insufflant à ses personnages naturalisme et individualité, est considéré comme le rénovateur de la peinture à Florence. Jusqu’au début du XVe siècle, c’est le style élégant et précieux du gothique international qui domine. Sandro Botticelli (1445-1510) est à la tête d’un des plus importants ateliers florentins de la fin du Quattrocento assurant la diffusion d’une production de compositions circulaires appelées tondi.

Chantilly, musée de Condé – Domaine de Chantilly : HEURES ITALIENNES : LA RENAISSANCE, XVIe SIÈCLE

Forte de chefs-d’oeuvre emblématiques de l’art de la Renaissance, la collection du duc d’Aumale et le site du château de Chantilly semblaient tout indiqués pour accueillir l’une des étapes marquantes de l’exposition. Le XVIe siècle italien en particulier est incarné, dans l’exposition, par quelques-uns des plus grands noms de l’histoire de la peinture occidentale – Raphaël (le musée Condé rassemble trois de ses plus belles compositions !), Titien, Sebastiano del Piombo, Salviati, Tintoret ou Véronèse – et offre un large panorama sur les différentes écoles de la péninsule.

A. VIVARINI, La Vierge à l’Enfant et saints, vers 1500, Amiens, musée de Picardie © collection du Musée de Picardie, Amiens ; photo Marc Jeanneteau/ Musée de Picardie)

On pourra apprécier notamment la diversité des courants illustrés, ainsi que la variété des supports et des matériaux – panneaux de bois, toile, cuivre – qui reflètent le haut degré de sophistication de l’art italien. 32 tableaux provenant de plusieurs musées de Picardie et d’une église de l’Oise seront confrontés à un choix de 24 tableaux de la collection de Chantilly à découvrir dans les salles du château.

 

Beauvais, MUDO-Musée de l’Oise et Le Quadrilatère : HEURES ITALIENNES : LE NATURALISME ET LE BAROQUE, XVIIe SIÈCLE

La peinture du Seicento est la mieux représentée dans les collections des musées de Picardie, avec une abondance de tableaux représentant les grands courants picturaux et les principales écoles.

A.Salucci (atelier), Vue d’un Canal bordé d’architecture, vers 1650 Amiens, musée de Picardie © Collection Musée de Picardie Amiens / Marc Jeanneteau

L’exposition se partage entre le MUDO – Musée de l’Oise et Le Quadrilatère. Au MUDO, 41 tableaux évoquent la peinture après Caravage, l’émergence de nouveaux genres, le paysage et la nature morte ainsi que le théâtre du Baroque.

Caravage a renouvelé le répertoire de la peinture religieuse, en travaillant à des effets spectaculaires et théâtraux où les corps dénudés possèdent une intense force dramatique. La naissance de la peinture de paysage s’opère en Italie par l’influence combinée des peintres nordiques.

Au Quadrilatère, 43 œuvres illustreront l’art de la Contre-Réforme, la peinture sacrée, héroïque et allégorique ainsi que la représentation de la figure humaine, du portrait à la tête d’expression.
La peinture dévotionnelle de la Contre-Réforme est avant tout marquée par un renouvellement des thèmes et des discours. Les dimensions imposantes des tableaux d’autel et les sujets variés mettant à l’honneur les saints et leur martyre ou la vie de la Vierge ont été particulièrement nombreux au XVIIe siècle.

Compiègne, musées et domaine nationaux du château : HEURES ITALIENNES : PEINTURES DU XVIIIe SIÈCLE

La présentation de près de 70 tableaux du XVIIIe siècle italien des musées et églises de Picardie ne pouvait trouver lieu plus légitime que le palais de Compiègne, reconstruit par Jacques-Ange Gabriel pour Louis XV à partir de 1750, agrandi sous Louis XVI, puis occupé et embelli par les deux empereurs Napoléon Bonaparte et Napoléon III.

 

 

S. Ricci, Hercule aux pieds d’Omphale, vers 1701, Amiens, musée de Picardie © Marc Jeanneteau / Musée de Picardie
 

 

 

Les œuvres réunies, la plupart restaurées pour l’exposition, révèlent, au travers de l’histoire des collections privées et publiques de Picardie, un goût dominant pour l’art vénitien et napolitain du Settecento.

Francesco Cairo, Judith décapitant Holopherne -1648-1654 © Musée des Beaux-Arts de Dunkerque / Emmanuel Watteau

Epilogue : chefs d’oeuvres des Hauts-de-France au Louvre Lens

Cette exposition est organisée non plus sur un principe chronologique mais thématique, en quatre sections distinctes. La première explore le genre du paysage, et de l’intérêt tragique que lui ont trouvé les peintres des XVIIe et XVIIIe siècles, en saisissant la fougue et la violence des tempêtes et des naufrages ou la lumière inquiétante des crépuscules. Habité de navires sur le point de chavirer, le paysage de tempête est signe de châtiment divin et reflète la fascination pour « l’énigme de son existence » (Diderot). Peuplé d’anonymes représentés à petite échelle, le paysage restitue la spectaculaire grandeur de la nature, dans sa diversité et sa richesse.

L’exposition explore également les développements du maniérisme et du caravagisme, qui ont tous les deux émaillés les cours européennes aux XVIe et XVIIe siècles depuis l’épicentre italien. Le maniérisme florentin du 16e siècle, parfois défini comme un « style stylisé », eut une résonance sans pareille dans toute l’Italie de la Renaissance, et même au-delà des Alpes. Collectionnés puis invités à la cour par François Ier, les artistes florentins – Andrea del Sarto, Rosso Fiorentino, Benvenuto Cellini, parmi d’autres – parlaient le langage nouveau de l’art italien. Puis le Caravage est l’une des figures du renouveau de l’art italien au XVIIe siècle. Sa manière s’impose tout d’abord à la peinture religieuse dont l’Église catholique, menacée ailleurs en Europe par la Réforme, entend faire une arme de reconquête des coeurs et des esprits.

D’après Francesco Salviati, La Charité – Vers 1550 © Musée Jeanne d’Aboville / MP Barrat

Le parcours s’achève sur le genre noble de la peinture d’histoire. Un vers du poète latin Horace, au 1er siècle av. J.-C., « Ut Pictura Poesis », (« La peinture est comme la poésie ») constitue la devise de la peinture d’histoire. La peinture est ainsi considérée comme une éloquence muette où les formes et les couleurs se substituent aux mots. Les textes sacrés et profanes sont la source de ces grands formats horizontaux destinés à orner les galeries de peintures tout en offrant matière à méditation.

 

Cliquez ici pour toutes les informations pratiques sur l’exposition au Louvre-Lens 

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