La Genèse de la Genèse illustrée par l’abstraction, Traduit de l’hébreu par Marc-Alain Ouaknin, Diane de Selliers, 370 p. ill., 230 €.
Le dernier millésime de la Genèse
Il y a les « Beaux livres », les livres d’art, et puis il y a les ouvrages de Diane de Selliers ! Depuis plus de vingt-cinq ans maintenant, est offerte chaque année par cette maison parisienne si particulière une édition magistrale. Et unique. Puisque c’est l’une de ses marques de fabrique : une année, un livre. Un seul, mais quel livre !
« La Genèse de la Genèse illustrée par l’abstraction ». Voilà le millésime nouveau. Nouvelle, la Genèse ? Eh bien oui ! L’ouvrage nous fait saisir l’éternelle jeunesse de la Genèse, grâce à la rencontre insolite et décapante du philosophe et rabbin Marc-Alain Ouaknin avec 72 artistes offrant 104 de leurs œuvres abstraites de la fin du XIXe siècle à nos jours. Un choc, une confrontation.
Cela fait trente ans que Marc-Alain Ouaknin travaille à une traduction renouvelée du premier livre de la Bible. Pour cette parution, il en a retenu les onze premiers chapitres, sans doute les plus emblématiques, aux épisodes inscrits dans la génétique culturelle commune : la Création, Adam & Eve en Eden, Caïn & Abel, Noé & le déluge, la tour de Babel… Pour autant connus qu’ils soient, ces textes trouvent une nouvelle force avec cette traduction originale. Pas de « commencement » ici, mais un « premièrement ». Qui rend à la Parole une part de sa vie communicative. Sans désir de créer soi-même mais de rendre sa vigueur au texte premier.
Chaque page tournée, chaque chemin emprunté, jour après jour, si délicatement illustré, font découvrir l’éternelle nouveauté de ces textes qui, pour les juifs et les chrétiens, ont la saveur et la valeur connues. Les reproductions iconographiques d’une qualité exceptionnelle et la mise en page intelligente avec ses trois versions du texte (en hébreu, hébreu translittéré et la traduction française de l’auteur) font de cet ouvrage une véritable création. Diane de Selliers avait habitué son public à une telle maîtrise mais l’on est encore au-delà…
La seule tentation ? Vouloir tourner les pages de ce livre comme une véritable Bible hébraïque : de la droite vers la gauche. Partir du onzième chapitre vers le « premièrement ». Mais finalement : remonter le temps, n’est-ce pas, aussi, rendre hommage au Créateur pour Le retrouver ?
Gautier Mornas
A g. : « Alors yhvh élohim prit l’homme
et il le déposa dans le jardin d’Eden
afin qu’il le cultive et le protège. »
Gene Davis, Fleurs noires, 1950 © The Phillips Collection, Washington. Pages 98-99.
A dr. : « Et les fils de Noé
qui sortirent de l’arche furent
Shem et Ham et Yafèt.
Et Ham est le père de Canaan.
Ces trois-là sont les fils de Noé
et c’est à partir d’eux que se peupla toute la terre. »
Leon Polk Smith, Sans titre, 1968 © Oklahoma State University Museum of Art, Stillwater. Pages 270-271.
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Jésus et Marie en majesté sous le regard de Duccio
L’art n’est pas qu’une illustration ou une reproduction de la réalité, comme nous le savons. Quand il s’agit de représenter la vie du Christ, comment imaginer qu’il puisse s’agir d’une reproduction ? C’est bien autre chose qui nous est montré ainsi que nous le présente ce livre.
L’auteur Michel Feuillet est historien de l’art spécialiste de l’Italie et de l’iconographie chrétienne. Il a publié de nombreux ouvrages particulièrement sur Saint-François d’Assise, Fra Angelico, Giotto, Botticelli…
Le livre qu’il nous offre propose un parcours de la vie du Christ et de Marie à partir de la Maestà de Duccio aujourd’hui exposée au musée du Dôme de Florence. Le livre se divise en six parties :
1° Le cycle de l’enfance du Christ
2° La Maestà, Vierge et l’Enfant en Majesté
3° Le cycle de la vie publique de Jésus
4° Le cycle de la Passion
5° Le cycle de la Résurrection
6° Le cycle de la Vierge après l’Ascension.
Chaque tableau de ce retable est analysé à la lumière de l’Ecriture Sainte : où l’on vérifie une fois de plus que les grands peintres nous proposent non pas une simple évocation illustrée de scènes évangéliques, mais une profonde méditation. Nous croyons que nos yeux sont ouverts, Michel Feuillet nous révèle ce que nous ne savons pas voir.
Chaque peinture est reproduite avec qualité : nous pouvons nous arrêter longuement sur chaque image et ainsi prolonger la méditation à laquelle cet ouvrage nous invite.
Emmanuel Bellanger
L’Evangile en majesté – Jésus et Marie sous le regard de Duccio par Michel Feuillet, Editions Mame octobre 2019, 167 pages, 39,90 €.
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LA TAPISSERIE DE L’APOCALYPSE D’ANGERS
L’Apocalypse de Saint-Jean est une source permanente de création artistique : depuis les origines jusqu’à aujourd’hui, le dernier livre de la Bible continue d’inspirer les créateurs. Mais certaines œuvres traversent les siècles et posent à ceux qui les contemplent toujours de nouvelles questions. Voici un opus qui sans doute fera date dans l’étude de l’Apocalypse d’Angers.
Le premier intérêt de cet ouvrage est de nous donner à redécouvrir cette œuvre dans la vivacité de ses couleurs originelles. En effet, l’envers de la tapisserie, aussi riche que l’endroit, a gardé ses teintes vives parce qu’il était protégé par une doublure. C’est cet envers qui nous est donné à découvrir reproduit en sens inverse pour restituer les images d’origine. Voilà notre regard renouvelé.
Mais là n’est pas le seul apport de ce livre. On peut se poser la question : s’agit-il d’une présentation de l’Apocalypse elle-même ou d’une étude de la tapisserie ? Les deux sans aucun doute.
Chaque scène de ce texte qui pose en définitive la question du destin de l’humanité, est reproduite et expliquée. Nous accédons au fil de la lecture au cœur du poème johannique : les clés de l’histoire des hommes, de leurs errances, de leurs attentes nous sont dévoilées. Des citations bibliques complémentaires éclairent le sens de ce livre.
L’iconographie est complète : c’est l’ensemble de cette tapisserie qui nous est offert. Il s’agit d’une étude à la fois esthétique, littéraire et biblique. Voilà un beau livre à regarder, à lire, à méditer…
Emmanuel Bellanger
L’Apocalypse de Saint Jean illustrée par la tapisserie d’Angers, commentée par Paule Amblard, Editions Diane de Selliers, La Petite Collection. (Les 76 panneaux de la tapisserie et 88 détails.
27 miniatures du xɪɪɪᵉ siècle, 1 volume broché illustré, 408 pages, 65€)
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Quoi de neuf à Lyon ? Le XXe siècle !
Voilà bien un ouvrage qui fera date. Près de 200 églises construites dans le diocèse de Lyon en un siècle : le XXe. Une ère, comme un peu partout en France, où l’enthousiasme l’emporte malgré (ou à cause de) la sécularisation déjà grandissante dans la société. Les banlieues naissent, les quartiers neufs et les villes nouvelles fleurissent. L’Eglise entend être présente à ses populations et construit donc à tour de bras « des lieux de rassemblement fraternel, mêlant espaces de célébration et de rencontre ».
Le béton règne alors en maître et le concile Vatican II insufflant un esprit d’audace, les architectes, soutenus par des curés et des paroissiens motivés, rivalisent de créativité. C’est cet engouement que Violaine Savereux-Courtin, responsable de la CDAS de Lyon, et Maryannick Chalabi savent fort bien partager dans ce très bel ouvrage qui offre une traversée patrimoniale, historique, artistique et spirituelle passionnante, des périphéries urbaines aux campagnes du Rhône, voire d’une partie de la Loire.
L’iconographie est une véritable invitation à découvrir non seulement les lieux, mais aussi les communautés dont la ferveur a permis, en son temps, de déplacer des montagnes d’inventivité pour permettre la construction de ces édifices.
Gautier Mornas
Églises XXe du diocèse de Lyon, de Maryannick Chalabi et Violaine Savereux-Courtin, Lieux Dits Éditions, 352 p. ill., 39 €.