Claude Viallat à Nantes, le pari de l’imprévisible

Après la grande rétrospective consacrée par le Musée Fabre de Montpellier à Claude Viallat à l’été-automne 2014, retraçant l’ensemble de son parcours à travers plus de 150 œuvres, le musée des Beaux-Arts de Nantes propose jusqu’au 17 mai 2015 une approche plus intimiste du travail de l’artiste. Autour des deux peintures présentes dans ses collections, le musée a installé une quarantaine d’œuvres de Claude Viallat, produites entre 1967 et 2015, dans son « annexe d’exposition », la Chapelle de l’Oratoire. En choisissant le thème unique de la mer, l’exposition invite à suivre l’artiste dans ses recherches sur les supports, les formes, les couleurs, les matériaux. Elle entend ainsi montrer la richesse, la variété et l’incroyable renouvellement du travail de cet artiste majeur de la scène française.
Publié le 06 mars 2015

Dès 1969, Claude Viallat positionne sa pratique artistique en questionnant le médium de la peinture, et tout particulièrement la couleur dans toutes ses composantes. Afin d’approcher au mieux la réalité de l’œuvre et de retourner aux origines de la peinture, il libère la toile de son châssis et concentre son travail sur la relation entre le pigment, la forme et le matériau. L’abandon de la figuration et l’invention   d’une forme neutre, immédiatement reconnaissable, est le point de départ d’une exploration infinie des potentialités de la couleur et des matières. A partir de cette période, il adopte les matériaux pauvres pour ne plus les quitter. Il peint sur des chutes de tissus bariolés, rideaux, nappes, draps, bâches, morceaux de parasols, tentures, etc. dénichés ou données. Ces supports sont chargés d’une mémoire dont le peintre tiendra compte par le recouvrement ou la mise en scène.

Je n’attends rien et j’accepte tout ». C.Viallat

La variété des matières tissées, tantôt raffinées tantôt brutes, l’intéresse pour les multiples possibilités de résultats qu’elles offrent au moment d’appliquer le pigment. Avant de commencer une œuvre il ne sait pas ce qu’il veut faire mais il sait ce qu’il ne veut pas : être dans le rôle d’un peintre qui met la couleur juste au bon endroit. Il préfère jouer avec la réaction imprévue de la toile lorsqu’elle reçoit la couleur qui alors se décompose, se répand, se diffuse, se contracte. « Je n’attends rien et j’accepte tout ». Ainsi, il refuse de voir toute symbolique précise dans la couleur puisqu’il se force à accepter ce que le support lui donne, apprentissage constant de l’artiste face à la matière.

Par extension, Claude Viallat s’intéresse à la trame et réalise des filets, renouant avec des gestes primitifs qui permettent de réunir plusieurs fils entre eux, d’attraper ou de clore des espaces, mais également d’ouvrir des fenêtres entre les mailles des filets. « Tout ce qui touche aux textiles ou aux cordages m’intéresse parce que pour moi, la corde c’est à la fois la ligne, le fil noué qui est à l’origine de la déconstruction de la toile. C’est également le fil de la trame. Le filet c’est aussi l’hypertrophie du tissage, donc c’est la grille, la mise au carreau, le quadrillage, la fenêtre d’Alberti… ».

Depuis la Biennale de Venise de 1988 où il avait présente côte à côte une voile catalane et une voile vénitienne, Claude Viallat n’a cessé d’utiliser les voiles mises à sa disposition. Pour la Chapelle de l’Oratoire, l’artiste en crée une monumentale souple et colorée qu’il suspend à la croisée des transepts de la chapelle au-dessus d’un filet étendu au sol. L’œuvre aérienne souligne l’architecture et crée de nouveaux espaces propres à mieux lire son travail. « Je tiens au didactisme de mes accrochages, à cette toile d’araignée en quelque sorte qui fait qu’une pièce renvoie à l’autre et que s’établit pour le regardeur un cheminement qui est celui que j’ai choisi pour lui, même si je me refuse à être autoritaire ».

Il faut faire en sorte que le lieu et les toiles existent en parallèle. Il faut tenir compte de la symbolique du lieu et du regard ». C.Viallat

Autour de cette voile centrale, les œuvres et la scénographie ont été choisis pour répondre au lieu. D’abord un peu affolé devant l’espace de la chapelle et sa composition chahutée par un décor riche, Claude Viallat décide d’aborder le lieu par ses caractéristiques architecturales. Ainsi,  les couronnes et volutes présentes dans le décor sculpté font écho aux nœuds, aux broderies, aux cerceaux, dans un jeu fondé sur l’affrontement vides/pleins, formes/contre formes.  Jeu savant, omniprésent dans son travail de création puisque pour lui ce n’est pas la forme qui compte mais le système lui-même forme/contre forme qu’il répète à l’infini.

Hormis une unique toile tendue sur châssis, faite sur un drap brodé dont les lettrines en point de croix rappellent les frises des corniches, les œuvres sont accrochées au mur de pierre blanche du monument baroque du XVIIe siècle, soulignant les couleurs chaudes des voiles et contrastant avec la texture flottante. Il se sert des interstices entre les pierres pour accrocher ses œuvres avec le moins d’attaches possible. Elles accordent leur matérialité à celle de la Chapelle : les plus grandes occupent la nef, les plus petites sont placées dans le transept. L’accrochage permet de regarder chaque œuvre de Viallat à la fois pour elle-même et dans la relation inédite qu’elle entretient et construit avec « l’espace réel » qui  la reçoit. « Il faut faire en sorte que le lieu et les toiles existent en parallèle. Il faut tenir compte de la symbolique du lieu et du regard. »

L’artiste continue aujourd’hui à réaliser plusieurs œuvres par jour. Une fois l’œuvre achevée il ne s’en préoccupe plus, seul compte le travail qu’il fera demain. Dans une volonté de désacraliser au maximum la peinture, Claude Viallat ne signe ni ne date son travail : « si c’est sacré c’est à l’intérieur ».

 

Informations pratiques
Claude Viallat. Voiles, cordes, filets, parasols…
du 27 février au 17 mai
Dans la Chapelle de l’Oratoire, Musée des Beaux-Arts de Nantes

Place de l’Oratoire, 44000 Nantes
Tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h – nocturne le jeudi jusqu’à 20h
Fermé les 5 et 6 avril, 1er, 8 et 17 mai
Tarif : 2€
Tél: 02 51 17 45 01

Pour en savoir plus et autour de l’exposition : www.museedesbeauxarts.nantes.fr

Le Palais des Beaux-Arts est fermé pour travaux. Pendant cette période c’est à la Chapelle de l’Oratoire que sont présentées les expositions temporaires.

Crédits photographiques: Claude Viallat, Voiles, cordes, filets, parasols…Musée des beaux arts de Nantes ©Ville de nantes, photo C.Clos. ADAGP, Paris 2015
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