Exposer le vitrail sans démunir les lieux de culte de leurs verrières, tout était l’enjeu de cette exposition exceptionnelle. Cela a été rendu possible grâce aux emprunts faits auprès de collections publiques ou privées et plus particulièrement la collection du Centre national des arts plastiques. Plus de 50 vitraux placés à la hauteur des yeux, panneaux d’essai, panneaux d’exposition ou répliques authentifiées par leur créateur, offrent une exceptionnelle vision rapprochée de cet art monumental.
L’exposition est composée de sept sections déroulant un fil chronologique de 1945 à nos jours. Elle s’articule autour d’un long caisson central lumineux présentant vitraux, documents graphiques et photographies, auxquels répondent des cartons et des vitraux monumentaux exposés aux murs.
Ainsi, 130 œuvres sont réunies pour témoigner de la fertilité créatrice d’une trentaine d’artistes majeurs de la seconde moitié du XXe siècle et du XXIe siècle dont, Chagall, Garouste, Guérin, Manessier, Matisse, Raysse, Soulages, Viallat, Carole Benzaken…ainsi que des œuvres de peintres verriers créateurs tels Fleury, Mauret, Rousvoal.
Jusqu’au milieu du XXe siècle, les vitraux étaient le plus souvent commandés à des artistes croyants. En effet, on imaginait pas confier un art aussi profondément « religieux » à des artistes athés. Cette évolution des mentalités n’aurait pu se faire sans le renouveau de l’art sacré insufflé par les peintres Maurice Denis et George Desvallières. Puis grâce aux positions plus radicales prises par le Père Couturier. Sa fameuse proclamation : « Il vaut mieux parier pour le génie sans la foi que pour un croyant sans talent » légitime l’intervention d’artistes de toutes confessions dans les édifices religieux et réconcilie l’art du vitrail avec la modernité de son époque.
Il vaut mieux parier pour le génie sans la foi que pour un croyant sans talent » Père Couturier
Les années d’après-guerre sont choisies comme point de départ de l’exposition car elles marquent un double tournant pour le vitrail. D’abord celui de la commande de vitraux à des artistes non chrétiens pour l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce construite en 1937-1946 par Novarina au plateau d’Assy (Haute-Savoie). Ensuite la pose des premiers vitraux non figuratifs réalisés par Manessier dans l’église des Bréseux (Doubs) en 1948.
Entre 1950 et 1965, de vastes champs d’expérimentation sont offerts au vitrail dans le contexte de la reconstruction. Les innovations techniques et l’évolution de l’Eglise catholique vers une spiritualité plus ouverte au monde contemporain entrainent le vitrail vers des recherches formelles très novatrices. Celles-ci donnent naissance à des chefs d’œuvre comme les chapelles de Ronchamp de Le Corbusier ou de Vence d’Henri Matisse.
Créer une atmosphère spirituelle en mettant l’accent sur la convivialité dans la célébration, tel est l’effet voulu par les artistes. L’abstraction, la non figuration, les jeux sur les motifs symboliques favorables à la symbiose avec l’architecture y sont privilégiés. La figuration focalisant trop l’attention sur des points précis. Cette recherche d’un certain lyrisme propre à évoquer un impact émotionnel sur le spectateur s’appuie sur l’emploi de couleurs puissantes, comme le rouge ou le bleu et leur traitement en larges surfaces.
En 1955, l’art du vitrail contemporain prend un véritable tournant : La cathédrale de Metz est le premier édifice classé au titre des Monuments historiques à recevoir les vitraux d’artistes contemporains. Il faut imaginer l’étonnement voir le rejet qu’a pu provoquer une telle décision ! Il a fallu toute la force de conviction de l’architecte Robert Renard pour que soit acceptée une telle (r)évolution. Accepter les créations proposées pour Metz fut une décision audacieuse qui a ouvert la porte aux créations à venir comme à Reims, Cambrai et à l’église Saint-Séverin à Paris.
L’exposition est également l’occasion de découvrir l’histoire d’un autre chantier titanesque : celui de la cathédrale de Nevers. L’ensemble des vitraux, soufflé pendant la guerre, a été l’objet d’une commande publique de l’Etat entre 1976 et 2011. Après une tumultueuse histoire de plus de trente ans, les 1052 m2 de vitraux contemporains ont enfin été posées grâce à la collaboration de plusieurs artistes tels qu’Alberola, Honegger, Rouan et Viallat.
Même si cette nouvelle génération d’artistes contemporains apportent un souffle nouveau à l’art du vitrail d’un point de vue esthétique, ils ne travaillent pas de manière isolés. Ils collaborent avec des maitres essentiels dans l’art du vitrail : les peintres verriers. Ces derniers mettent leur savoir-faire à la disposition des artistes. L’exposition vise donc également à révéler l’éclectisme de cette étroite collaboration entre l’artiste et l’artisan. En témoignent les vitraux « blancs » translucides de Pierre Soulages et de l’atelier toulousain Fleury pour l’abbatiale de Conques.
Quel est aujourd’hui l’avenir du vitrail ? Telle est la question que l’on peut se poser tant les créations présentées tout au long de l’exposition montrent comment l’art du vitrail n’a cessé d’évoluer et de s’épanouir. La dernière section explore cette question et évoque le vitrail dans l’architecture civile. Rompant avec l’idée que le vitrail serait destiné exclusivement aux lieux de culte.
Souvent méconnu en raison de sa difficile accessibilité, le vitrail reste un art somptueux dont les ressources et les combinaisons offertes par les matériaux de la transparence sont infinies. La France, pays le plus riche du monde en vitrail, toutes époques confondues, reste la terre d’élection de cet art qui n’a pas dit son dernier mot.
Pour aller plus loin…
En résonnance avec l’exposition, retrouvez un dossier spécial intitulé « Architecture et arts sacrés » dans le numéro 72 du magazine Archistorm des mois de mai-juin 2015. Les auteurs, Christine Blanchet et Pierre Vérot, proposent de tracer un panorama de l’architecture d’églises et de l’art sacré contemporain. Vous y trouverez également une interview de la commissaire de l’exposition sur le vitrail contemporain, Véronique David.
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Informations pratiques :
Chagall, Soulages, Benzken…Le vitrail contemporain
Du 20 mai au 21 septembre 2015
Cité de l’architecture et du patrimoine – Palais de Chaillot
1, place de Trocadéro, Paris 16e
Métro : Trocadéro
Tarifs :
Collections permanentes & expositions
Plein tarif : 12 €
Tarif réduit : 8 €
Réservations et renseignements :
citechaillot.fr
01 58 51 52 00