huile sur toile, vers 1600, Musée National du Prado, Madrid
David avec la tête de Goliath (clic pour voir en détail) représente un épisode biblique du Premier Livre de Samuel au chapitre 17. Nous pouvons y voir le jeune David, fils de Jessé de Bethléem, berger et proche du roi Saül (cf. 1 Samuel 16, 14-23), nouant un lien autour d’une mèche de cheveux du géant Goliath, colosse de l’armée philistine, qu’il vient de tuer d’un lancé de fronde. Sa victoire libère le peuple d’Israël de la menace de l’armée des Philistins qui cherche à réduire les Israélites en esclavage.
David lui répondit : « Tu viens contre moi avec épée, lance et javelot, mais moi, je viens contre toi avec le nom du Seigneur des armées, le Dieu des troupes d’Israël que tu as défié.
Aujourd’hui le Seigneur va te livrer entre mes mains, je vais t’abattre, te trancher la tête, donner aujourd’hui même les cadavres de l’armée philistine aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre. Toute la terre saura qu’il y a un Dieu pour Israël, et tous ces gens rassemblés sauront que le Seigneur ne donne la victoire ni par l’épée ni par la lance, mais que le Seigneur est maître du combat, et qu’il vous livre entre nos mains. »
Goliath s’était dressé, s’était mis en marche et s’approchait à la rencontre de David. Celui-ci s’élança et courut vers les lignes des ennemis à la rencontre du Philistin.
Il plongea la main dans son sac, et en retira un caillou qu’il lança avec sa fronde. Il atteignit le Philistin au front, le caillou s’y enfonça, et Goliath tomba face contre terre.
Ainsi David triompha du Philistin avec une fronde et un caillou : quand il frappa le Philistin et le mit à mort, il n’avait pas d’épée à la main.
Mais David courut ; arrivé près du Philistin, il lui prit son épée, qu’il tira du fourreau, et le tua en lui coupant la tête. Quand les Philistins virent que leur héros était mort, ils prirent la fuite.
(1 Samuel 17, 45-51)
La scène ici présentée dans le tableau est librement inspirée de la suite du récit biblique : « David prit la tête du Philistin et l’apporta à Jérusalem […]. » (1 Samuel 17, 54)
Les bras, le côté et la jambe de David sont baignés de lumière, rehaussés par la couleur blanche de son habit. La figure enfantine et la douceur que dégage cette partie haute du tableau contrastent avec le geste de David et la morbidité de la représentation de Golitah désarticulé en bas. On note au pied du jeune berger les pierres de fronde, « armes » de David, disposées juste à côté de la garde de l’épée du géant. L’espace accordé à David, innocent vainqueur, occupe près des trois quarts de la disposition de la scène ; à travers ce Goliath gisant, on comprend la défaite de l’armée Philistine, soumise par l’œuvre du Seigneur.
Le travail de restauration réalisé par Almudena Sánchez, restauratrice au Musée du Prado, a permis non seulement de redonner à la toile son éclat originel mais également de révéler la technique de « clair-obscur » employée par le maître en retirant les multiples couches de vernis oxydé par le temps. On y (re)découvre notamment la chevelure de David auréolée de lumière et la mise en perspective du corps de Goliath. L’analyse radiographique du tableau révèle que le Caravage a modifié le pied de David, qui semble à l’origine avoir été chaussé d’une sandale nouée autour de la cheville.
David avec la tête de Goliath, LE Caravage, Musée du Prado, Madrid
Un tableau parmi les moins connus du Caravage
Découvert en 1794 grâce à l’inventaire des collections du Palais Buen Retiro à Madrid (lors duquel lui est attribué le numéro « 1118 » visible dans le coin inférieur droit du tableau avant restauration), il est ensuite acquis par le Musée du Prado et inscrit à son inventaire de 1849 (sous la référence « 2081 » visible dans la partie inférieure gauche).
Vraisemblablement peint au tout début du XVIIe siècle, probablement vers 1606-1607, alors que le Caravage fuit Rome suite à sa condamnation pour crime, le tableau aurait été peint pour être offert à un prélat de l’Église en rachat de sa faute. Bien que lors de son exil le maître italien reste dans la partie orientale de la Méditerrannée, ce « David et Goliath » arrive assez tôt en Espagne où la présence de nombreuses copies de l’œuvre réalisées dans les environs de Madrid est attestée dès le XVIIe siècle.
Le commanditaire ainsi que le voyage de l’oeuvre jusqu’à la fin du 18è siècle demeurent donc aujourd’hui incertains. Cependant, l’attribution au Caravage se confirme après la campagne de restauration effectuée en 1946-47 puis devient certaine en 1991 lorsque Mina Gregori examine le tableau aux rayons X et découvre la première esquisse du visage de Goliath : initialement beaucoup plus expressif, la bouche ouverte et les yeux exorbités, le visage oscille entre terreur et surprise. Il rappelle fortement celui que le Caravage a peint dans Judith décapitant Holopherne (clic) et également celui de la Méduse (clic).
rayons X, DAVID AVEC LA TÊTE DE GOLIATH,
LE CARAVAGE, MUSÉE DU PRADO, MADRID
Le tableau est actuellement présenté dans la salle 007A du musée, accompagné d’autres œuvres issues de l’école caravagesque.
Charlotte Le Brethon
Informations pratiques
Musée National du Prado
Madrid, Espagne
Horaires d’ouverture : du lundi au samedi de 10h à 20h, le dimanche de 10h à 7h
Gratuité du lundi au samedi de 16h à 20h et le dimanche de 17h à 19h.