Événement

Marc Moret – Des forteresses contre l’angoisse

13
octobre
au 02 février 2025
Musée Gruérien
Rue de la Condémine, 25
1630 Bulle (Suisse)
www.musee-gruerien.ch
Chaque jour, Marc Moret (1943-2021) monte au premier étage de sa ferme familiale où il vit seul, à Vuadens, en Gruyère (Suisse) Il entre dans la pièce tapissée de ses peintures, où une vingtaine d’étranges hauts-reliefs sont au sol, reposant sur des matelas recouverts de draps blancs, tels des gisants. Le matin, il ouvre parfois les fenêtres pour laisser l’air et la lumière pénétrer dans l’espace ; le soir, il les referme et s’accroupit au chevet de ses œuvres, se recueille dans le silence de la campagne et se met en contact avec ses défunts. Son rituel accompli, il quitte les lieux, ferme la porte sur laquelle il dessine une croix avec son index. Hormis quelques proches, personne ne connaît l’existence de ces œuvres et de cette cérémonie intime.

C’est au cœur de la ferveur catholique propre au canton de Fribourg que Marc Moret  passe son enfance, son adolescence et sa jeunesse. La présence religieuse est évidente dans le cercle familial ainsi que dans la communauté villageoise et se  déploie dans les lieux de culte. Parmi les signes de dévotion, mis à part les peintures  murales, les autels décorés et les innombrables ex-voto, les reliquaires et les gisants sont encore très fréquents dans les sanctuaires à cette époque précédant le Concile  Vatican II. Marc Moret est marqué au plus profond de lui-même par l’ensemble de  ces pratiques, de ces rituels et de ces croyances qui appartiennent à la mémoire  collective. Selon un principe d’étrange filiation, il conçoit à partir de la cinquantaine,  avec autant de liberté que d’opiniâtreté, les œuvres les plus originales et les plus  déconcertantes de sa production. Ces hauts et bas-reliefs présentent à maints  égards des parentés avec les reliquaires et les gisants, ouvrages de moniales, tant  quant au choix des matériaux et des conditions de création qu’à celui du rôle de  l’œuvre et des vertus qui lui sont attribuées. 

Ceux-ci sont réalisés notamment avec des os et des mèches de cheveux ainsi  qu’avec des objets ayant appartenu à des membres de sa famille : des articles de  mercerie de sa défunte mère ou des parties du lit de ses grands-pères, qu’il  considère comme des pièces commémoratives. Affranchi des règles, il crée des  productions singulières en enfouissant ces objets dans un magma de colle comme  pour les figer, fixer le passage irrémédiable du temps.  

Sa production n’est toutefois pas seulement le reflet de ses douleurs personnelles ;  sa recherche, de plus grande ampleur, touche à la condition humaine. Ses créations nous relient aux interrogations existentielles et philosophiques auxquelles nous  sommes tous confrontés, qui dépassent les mots. 

L’exposition réunit des collages et des peintures de Marc Moret récemment  présentés, notamment à Paris, Tokyo et Lausanne, et d’autres qui n’ont encore  jamais été montrés au public. Les nombreuses pièces d’art sacré, dont plusieurs  reliquaires et un gisant, proviennent des réserves de musées ainsi que d’églises, de  couvents et de monastères de la région fribourgeoise, en Suisse.

 

Par, Lucienne Peiry

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