[Exposition] Cluny, les abbés du roi

Près de 70 abbés se sont succédé à la tête de la prestigieuse abbaye de Cluny, entre sa création en 910 et la suppression de l'Ordre en 1790. Les premiers grands abbés qui ont créé, développé et porté l'abbaye à son apogée (Odon, Myeul, Odilon, Hugues...) étaient élus par l'assemblée des moines.

Mais à partir du XV^e siècle, l'élection des abbés dans le royaume de France évolue vers le régime de la commende, dispositif qui permet au roi de choisir, y compris parmi des laïcs, les titulaires des grands bénéfices ecclésiastiques. On parle désormais d'abbés et de prieurs commendataires, lesquels tiennent l'abbaye in commendam.

À Cluny, ils furent une vingtaine d'abbés, entre 1456 et 1790, princes de l'Église issus de puissantes familles, tels que Jean de Bourbon, Claude de Guise, Emmanuel Théodose de La Tour d'Auvergne, Dominique de La Rochefoucauld... ou grands ecclésiastiques de cour, comme Richelieu ou Mazarin.

Contemporains du déclin de l'ordre clunisien, ils n'ont que peu retenu l'attention des chercheurs qui leur ont préféré leurs prestigieux prédécesseurs. Le rôle joué par les abbés commendataires de la grande abbaye bourguigognne est aujourd'hui à réévaluer.

Peu étudiée, l'action de certains d'entre eux a pourtant profondément marqué l'abbaye. Par exemple, dès la seconde moitié du XV^e siècle, les abbés de Cluny n'auront de cesse d'enrichir la bibiliothèque de l'abbaye par de nombreuses et prestigieuses commandes. Durant son abbatiat, Claude de Guise s'emploiera à effacer les stigmates des guerres de Religion, d'embellir et de renforcer la puissance de l'abbaye. Richelieu réformera en profondeur l'ordre de Cluny en imposant la congrégation de Saint-Maur en remplacement de l'ancienne observance. Les abbés du XVIII^e siècle lanceront le colossal chantier de reconstruction, dans le style classique, des vieux bâtiments conventuels médiévaux.

L'exposition « Cluny : les abbés du roi – Les abbés commendataires de l'abbaye de Cluny 1456-1790 » réunit une sélection d'œuvres – pour beaucoup inédites – qui permettront d'incarner et de rendre plus tangible l'action de ces grands abbés : portraits peints et gravés, meubles, livres, sceaux, éléments d'architecure... issus des collections clunisiennes, publiques et privées, ainsi que de grandes institutions (musée du Puy-en-Velay, château d'Aulteribe, Bibliothèque nationale de France, Musée national du Moyen Âge, cathédrale de Lyon...).

L'exposition permet de valoriser un travail réalisé depuis plusieurs années par l'équipe du musée : restitution à l'État du Missel à l'usage de Cluny (Paris, 1550), exemplaire de l'abbé Claude de Guise ; obtention de dépôts du musée des Beaux-Arts de Dijon (portrait de Henri Oswald de La Tour d'Auvergne, d'après Hyacinthe Rigaud) et du musée des Beaux-Arts de Reims (portrait de Claude de Guise et portrait du cardinal Charles de Lorraine) ; redécouverte d'un calice et sa patène à l'usage de l'abbaye ; entrée dans les collections du musée de blocs d'albâtre provenant du logis de Jacques d'Amboise...

Un ouvrage accompagnant l'exposition sera publié par les Éditions du Patrimoine, dans la collection Regard, avec un essai sur la commende de Daniel-Odon Hurel (historien, spécialiste du monachisme bénédictin) et des notices de Florian Galletti et Benoît-Henry Papounaud, commissaires de l'exposition.

Informations pratiques

Musée d'art et d'archéologie de Cluny
Palais Jean de Bourbon
Parc abbatial
71250 Cluny

Visite libre tous les jours de la semaine, de 9h30 à 18h (en juin et septembre) ou de 9h30 à 19h (juillet-août)

Tarifs : 11€, gratuit pour les moins de 18 ans

À propos de l'Abbaye de Cluny

Le 11 septembre 910, Guillaume duc d'Aquitaine, comte de Mâcon et de Bourgogne décide d'offrir une partie de ses terres à l'établissement d'un ordre monastique directement placé sous l'autorité du pape. Quelques moines et leur abbé Bernon s'installent sur le domaine où ils observent la règle de saint Benoît qui rythme la vie entre prière, travail et lecture.

L'abbaye prend de l'ampleur et voit sa communauté de moines considérablement augmenter, ce qui contraint les abbés à édifier des églises abbatiales plus importa

ntes. Ainsi, à la suite d'un premier édifice, est construite une deuxième abbatiale consacrée avec les reliques de saint Pierre et saint Paul en 981 (Cluny II). En 1088, Hugues de Semur débute le chantier, colossal pour l'époque, d'une nouvelle abbatiale : la Maior Ecclesia. Cette église aux dimensions exceptionnelles de 187 mètres de long pour plus de 30 mètres de hauteur dans le vaisseau central est la plus grande église de la chrétienté occidentale jusqu'à la reconstruction de Saint-Pierre de Rome au XVI^e siècle. Elle est emblématique du rayonnement de Cluny qui compte alors 800 prieurés dans toute l'Europe.

Des abbés illustrent se succèdent à la tête de l'abbye à l'époque moderne de Richelieu et Mazarin. Cependant, rien n'arrête le déclin progressif de la puissante abbaye, notamment concurrencée dès le XII^e siècle par le nouvel ordre cistercien puis soumise aux aléas des guerres successives. Vers 1750, on reconstruit les bâtiments conventuels de l'abbaye qui présentent encore aujourd'hui toutes les caractéristiques du style classique. Malheureusement, les moines n'auront guère le temps d'y prendre leurs marques qu'ils seront expulsés de l'abbaye et les bâtiments saisis comme biens nationaux lors de la Révolution. La Maior Ecclesia sera démantelée par les marchands de pierre dès 1793 et pendant 25 ans. Il faudra attendre 1844 pour que l'abbaye soit classée monument historique.

Cet article vous a plu ?

Recevez deux fois par mois les dernières actualités de Narthex en vous inscrivant ici à sa Newsletter !