Un archevêque en exil
Charles de Neuchâtel est né en 1442 à Bruxelles. Son père appartient à la très grande noblesse comtoise et sa mère est demoiselle d’honneur de la duchesse Isabelle de Bourbon. En janvier 1463, Charles est élu archevêque de Besançon. Lui et sa famille soutiennent les ducs de Bourgogne lors des invasions des troupes de Louis XI jusqu’en 1479 où ils décident de se rallier à la couronne de France. Largement récompensés par le roi, Charles reçoit en commende l’évêché de Bayeux où il est contraint de s’exiler. Il continuera néanmoins à administrer l’archevêché de Besançon jusqu’à sa mort en 1498 au château de Neuilly (Neuilly-la-Forêt). Son épiscopat bisontin est marqué par une volonté forte de réformer spirituellement le clergé paroissial. Il souhaite unifier la liturgie sur le modèle romain et pourvoir les églises de livres de prières rénovés. On lui doit d’ailleurs l’introduction de l’imprimerie dans le diocèse de Besançon. Le trésor de la cathédrale conserve un incunable du missel à l’usage de Besançon imprimé à Salins (39) en 1485 à la demande de Charles de Neuchâtel.
Un des plus beaux héritages que ce prélat a légué à ses successeurs est cette mitre qu’il offre par une lettre datée du 16 mai 1481 : « Premièrement sera des maintenant baillé et delivré de par moy a mes freres de mon eglise de Besancon pour et au prouffit d’icelle ma mictre garnie de perles et de pierreries et ma croix d’argent que j’ay accoustumé de faire pourter devant moy ensemble du pied d’argent ouquel se entrepose la croison de ladite croix lesquelles je donne et legue a ladite eglise a perpetuité »*.
Entre broderie et orfèvrerie
La mitre de Charles de Neuchâtel est un chef d’œuvre de paramentique du XVe siècle. Elle porte une iconographie autour du mystère de l’incarnation. La face représente une Annonciation avec un ange aux ailes largement déployées et la Vierge agenouillée sur un prie-Dieu comme nimbée d’une pluie d’or. Le revers présente la Sainte Famille avec d’une part une Vierge auréolée agenouillée auprès de son enfant déposé à ses pieds et d’autre part Joseph, plus âgé, auréolé également. Ces personnages en haut relief sont appliqués sur un champ en couchure d’argent. Il est intéressant de noter comme la perspective a été représentée dans ces scènes brodées.
Pour sublimer l’ensemble, c’est tout un parterre de fleurs en perles de semences et cabochons qui se développe sur les orfrois et les fanons en couchure d’or. Cette mitre exceptionnelle fut présentée à Paris en 1965 lors de la grande exposition « Les trésors des églises de France » au Musée des Arts Décoratifs. Elle est aujourd’hui présentée au trésor de la cathédrale suite à un dépôt du Musée des Beaux-arts de Besançon qui la conservait jusqu’alors.
« Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » (Luc 2, 11)
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* Source : Cathédrale de Besançon. Trésors cachés, « Charles de Neuchâtel, un évêque réformateur spirituel » DELOBETTE Laurence, Besançon, Ed. Association diocésaine de Besançon, 2015, p.12 à 14.