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Un calice couleur de cathédrale

En mai 2014, renouant ainsi avec une belle tradition, l'archevêché de Strasbourg lance un appel à projet auprès de l'atelier "art objet" de la Haute École des Arts du Rhin (HEAR), les dernières commandes d'orfèvrerie sacrée à cette école datant de 1909 et 1935.Cet ensemble liturgique composé d'un calice et de dix patènes vient d'être consacré lors de la célébration des 1000 ans de la cathédrale de Strasbourg.
Publié le 08 février 2016

Calice et patène de Caroline Manowicz sur l’autel de la cathédrale de Strasbourg

Les élèves intéressés sont alors nombreux mais les réunions autour du projet font apparaître le caractère exigeant de ce travail.
En effet le cahier des charges exige l’utilisation de matériaux précieux (or ou argent en contact avec les saintes espèces), que le calice puisse contenir une grande quantité de vin et fasse 30cm de hauteur maximum tout en étant plus haut que les coupelles, ces dernières devant pouvoir contenir 1400 hosties. Le calice doit également se prêter à la communion par intinction (en trempant l’hostie dans le vin consacré).

Les projets de caroline manowicz, Élise Grenois et Gala Théodosis

Trois candidates présentèrent chacune un projet, celui de Caroline Manowicz était orienté vers l’orfèvrerie, pendant que ceux de Élise Grenois et de Gala Théodosis étaient orientés vers le verre.

Les trois candidates passèrent un oral devant un jury présidé par Monseigneur Grallet archevêque de Strasbourg afin de présenter leur projet.

Le projet de Caroline Manowicz (en 4ème année de design), constitué d’images de synthèse 3D, d’une maquette en bois de toutes les pièces à l’échelle 1 et d’un plan 2D a été retenu. Les nombreuses rencontres avec les prêtres lui ayant permis de bâtir une véritable réflexion autour de l’eucharistie, tant au niveau de la manipulation des objets, de leur utilisation, de la gestuelle et de la scénographie de la messe que de la symbolique de la distribution et de la démultiplication des coupelles.

LA CONCEPTION DES DéCOCHéS DES PATèNES

VUE 3D EN IMAGE DE SYNTHESE

Particulièrement grand (30,3cm de haut, 30,8cm de diamètre) et pouvant être vu du fond de la cathédrale, le calice présente une large coupe en cuivre rouge très évasée permettant la communion par intinction, sur un pied en grès rose des Vosges de forme tronconique à 12 pans. Les 10 patènes en cuivre rouge s’échelonnent de 32.8cm à 20cm, et viennent s’imbriquer les unes dans les autres par un jeu de décochement pour former une grand coupe au galbe proche de celui du calice, dont le pied est aussi en grès rose des Vosges à 12 pans. 

 
vue du décoché au dos des coupelles / VUE DESSOUS LE PIEDS FIXATION DE LA TIGE FILETÉ

Le pied du calice est solidaire de la coupe par une tige filetée qui relie la coupe à la discrète semelle du pied, les patènes sont posées sur le fort pied en grès.
Si la conception de ce travail par ordinateur sur le logiciel Rhinocéros fut une évidence pour Caroline Manowicz, il s’agit bien de quelque chose d’inédit dans la conception d’orfèvrerie sacrée contemporaine, où le travail sur plan papier en 2D reste la règle.
Bien que les formes paraissent élémentaires, la réalisation s’avéra être un tour de force que la maison Chéret à Paris assistée d’Emmanuel Delane, orfèvre,  réalisa à partir de mai 2015 malgré le coté inédit de la demande et les difficultés techniques.
La coupe du calice ne posa pas de difficultés, elle fut emboutie. Les patènes posèrent problème par le petit décochement nécessaire à leur parfait emboitement et la forme courbe des rebords. Ce décochement impossible à obtenir par emboutissage nécessita la réalisation de mandrins, réalisés en bois durs qui permirent, sur un tour, de venir plaquer la feuille de cuivre en force dessus. 

Les pieds en grès des Vosges furent réalisés par les ateliers de l’Œuvre Notre-Dame de Strasbourg, et particulièrement par Eric Salmon, chef d’atelier.

  
Les plans durent être retouchés à de nombreuses reprises afin d’être réalisables, notamment pour passer du plan 3D de synthèse au plan 3D adapté à la fraiseuse nécessaire au tailleur de pierre, au plan 2D, ou encore au plan d’exécution nécessaire à l’orfèvre.

Une autre adaptation technique fut faite au niveau de la dorure de l’intérieur des coupes, initialement envisagée à l’or rose, mais empêchée par la taille des pièces, elle fut réalisée à l’or jaune par dorure flash dans un bain électrolytique.

Cette expérience inédite par le nombre et la diversité des acteurs, mais aussi des problèmes qui se posèrent et qui ne restèrent heureusement pas sans solutions, a permis à Caroline Manowicz, lauréate de cette commande de s’enrichir d’une belle expérience dans la conduite de toutes les étapes nécessaires à la réalisation d’un projet ce qui est peu courant dans le domaine du design où le concepteur s’investi rarement au delà du prototype. Elle apprit à gérer les contraintes de temps, de budget, mais aussi esthétiques et techniques, afin de doter, selon sa célèbre couleur, la cathédrale de Strasbourg de sa première commande d’orfèvrerie sacrée du XXIème siècle qui espérons le n’est que le début d’une belle série!

Guillaume Denniel


Merci à Marie-Pierre Siffert, coopératrice de la Pastorale de la paroisse de la cathédrale, Benoit Jordan, conservateur aux Archives de la Ville de Strasbourg, Madame Claude Chéret, Ateliers d’Art Liturgique Chéret, Caroline Manowicz, designeur

 

Caroline Manowicz
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