Cette œuvre d’exception, à l’exécution minutieuse, a été réalisée en Europe du Nord, seconde moitié du XVe siècle. En ivoire d’éléphant, elle fut polychromée. Haut 18,3, large 3,4, prof. 2,4 cm. Don de Camille Cellard et Michel Arnout, diacre. (Ici trois vues détaillées de cet ivoire)
Le trésor de la cathédrale de Besançon est riche d’un petit ivoire finement sculpté, figurant un des larrons (en latin latro, c.à.d. voleur), qui furent crucifiés « de chaque côté du Christ », selon les quatre évangélistes, mais que seul Luc différencie (Luc, 23) : si l’un offense ce Messie incapable de les descendre de leur croix, le second défend ce roi couronné d’épines : « Nous avons ce que nous méritons, dit-il à son complice, mais lui n’a rien fait de mal. » Ce Nazaréen, crucifié comme eux, mais qui prie pour ses bourreaux : « Père, pardonne-leur… », lui offre d’espérer contre toute espérance (Expression de Paul, Romains 4) : « Jésus, souviens-toi de moi, dans ton royaume ». Prière exaucée sur le Golgotha : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » » Et si c’était l’unique prière possible sur tous les calvaires du monde ?
Qui sont ces larrons ? Un récit apocryphe (Évangile de Nicodème) du IVe siècle supplée le silence de l’Évangile en nommant le bon Dismas, et le mauvais Gestas. Quant aux artistes, fidèles au jugement dernier en Matthieu 25, où Jésus sépare boucs et brebis, ils placent Gestas à gauche, et Dismas à droite du Christ.
Quel est le larron de la cathédrale ? Ce corps calme, ce visage apaisé, ce nez qui semble humer le ciel, le révèlent comme le Bon larron. Bras liés, et non cloués comme tous les Christs, choix fréquent dans l’art, qui ne cherche pas une reconstitution historique, mais à souligner la souffrance de Celui qui « est mort pour tous ». (2 Corinthiens 5).
Quel Paradis pour ce converti de la dernière heure ? Canonisé de la bouche même de Jésus, les icônes byzantines le postent à l’entrée du Paradis. Mais les peintres de la Renaissance, s’inspirant du Nouveau Testament, le joignent au Christ proclamant l’Évangile au séjour des morts. Brigand converti, les Confréries de miséricorde (1) accompagnant les condamnés à mort, leur présentent pour modèle, et le choisissent pour saint patron. L’amour de Dieu est sans limites.
L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait :
« N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! »
Mais l’autre lui fit de vifs reproches :
« Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi !
Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons.
Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Évangile selon Luc 23, 39-48
Abbé Axel Isabey
Service Foi et art du diocèse de Besançon
(1) Associations de laïcs, venant de Bologne et de Florence au XIVe siècle. Voir Le voleur de Paradis, Christiane Klapisch-Zuber, 2015. Savantissime !