La Biennale des Antiquaires de Paris, jadis unanimement célébrée et brillamment fréquentée est aujourd’hui considérée en perte de vitesse par une majorité de commentateurs au regard des opulentes foires étrangères, la Brafa de Bruxelles, et la Tefaf de Maastricht. Malgré les débats sur le niveau de la Biennale, son organisation et sa communication, de nombreux chefs-d’œuvre continuent à y être exposés.
Ainsi, quelques rares pièces d’orfèvrerie sont exposées par des galeries étrangères. Une sainte Géracine en argent, travail Indo-Portugais des XVI-XVIIe siècles, se rattachant à une tradition médiévale par sa une pose hiératique, le traitement des tissus façonnés, des cheveux et des ornements (Galerie São Roque, Lisbonne). Dans la même galerie, un très beau coffret en nacre et argent doré, travail indien du Gujarat de la fin du XVIe siècle, proche du « coffret Mangot » de François 1er conservé au Louvre. Il est à remarquer que celui présenté ici conserve sa délicate monture d’argent doré d’origine ornée de lézards, alors que celui du Louvre, de même origine Indienne, a été remonté en argent doré par Pierre Mangot, orfèvre du roi François 1er, en 1532. La galerie parisienne Sismann présente un beau Christ en bronze doré, Italie fin XVIIe, de grande taille et particulièrement expressif de douleur et d’humanité. Une autre galerie portugaise expose un charmant et précieux tableau de dévotion représentant la Vierge en vermeil et cristal de roche, travail portugais du XVIIe siècle.
Une des plus beaux tableaux de la foire du Grand Palais, est présenté par la Galerie Leegenhoek, une œuvre de Joseph Benoît Suvée (1743-1807), au sujet particulièrement original dans l’iconographie chrétienne, La Naissance de la Vierge, ce modelo est l’esquisse peinte pour le morceau d’agrément à l’Académie Royale de Peinture de Suvée en 1779, dont l’œuvre aboutie est conservée en l’église Notre-Dame de l’Assomption à Paris. On peut y lire toute la rigueur et la dureté du néoclassicisme mêlés à la simplicité et à la profonde douceur vaporeuse et féminine du sujet.
Au niveau des sculptures, deux œuvres présentées par la Galerie Trébosc traitent de sujets chrétiens sans être lié à la dévotion ni destiné à un lieu de culte. Il s’agit d’œuvres réalisées pour la qualité intrinsèque du sujet ; ainsi est exposée un buste de Jeanne d’Arc enfant en marbre par François-Joseph Bosio (1768-1845), réalisée entre 1825 et 1845, bien avant sa béatification en 1909 et sa canonisation en 1920, le choix de ce sujet étant lié au retour des Bourbons, au goût pour l’Histoire, mais surtout à la ferveur intense de cet angélique visage d’enfant.
Le saint Jean-Baptiste enfant, par Antonio Canova (1757-1822), en marbre, n’a jamais été destiné à orner un baptistère, comme c’est le cas dans beaucoup d’églises, il s’agit d’une œuvre au rendu naturaliste assez abouti, Canova reconnaissant à la fin de sa vie « renoncer à toute dureté, en s’attachant plutôt au bel et doux empâtement naturel » que le marbre poli rend particulièrement bien.
Mais le chef d’œuvre absolu de cette Biennale 2017 est présenté par la Galerie Chevalier, galerie française spécialisée dans la tapisserie. Il s’agit de quatre tapisseries, en laine et soie, aux fils d’or et d’argent, appartenant à la tenture des Chasses de Maximilien dont le cycle complet, tissé à Bruxelles entre 1528 et 1533 pour Charles Quint est conservé au Louvre. Les tapisseries ici présentée reprenant fidèlement les mêmes cartons ont été tissées aux Gobelins entre 1665 et 1673 pour Colbert, avant d’appartenir de nos jours à Bill Gates.
L’effet des fils d’or et d’argent est des plus spectaculaires, la fraicheur des coloris et la dextérité du tissage donnent une vivacité extraordinaire à ces représentations de quatre mois de chasse : en août, le Limier de la Chasse au Cerf ; en septembre, le Bat-l’eau* ; en novembre, les Préparatifs du Repas ; en janvier, la Flambée au sanglier. Ces tapisseries témoignent d’une vivacité saisissante et lumineuse qui plaçait à cette époque l’art de la tapisserie loin devant la peinture, ce que nous avons depuis oublié, sauf lorsque nous somme placés devant un tel chef-d’œuvre.
Guillaume Denniel
* Moment de la chasse à courre où le gibier poursuivi se jette à l’eau.