La cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais, aujourd’hui église paroissiale, a connu des remaniements : la ville, capitale du comté d’Armagnac, a supporté des sièges, et des destructions au temps des guerres de Religion. L’édifice actuel présente une nef unique aux tribunes largement ouvertes au-dessus des chapelles et un chœur à déambulatoire. L’arc triomphal qui ménage la jonction entre le chœur beaucoup plus large que la nef est aussi réussi qu’original.
La municipalité a décidé de valoriser ses richesses en aménageant pour l’instant deux salles au niveau du clocher. La seconde salle présente l’orfèvrerie et des faïences dans une pièce gardant des traces de peintures murales de l’époque classique. La première pièce révèle quatre chasubliers aux tiroirs bien remplis et rangés par couleur ; ce système de conservation à plat et à l’abri de la lumière est idéal ; il implique une visite guidée, le samedi matin1 ou sur rendez-vous.
Les étoffes et broderies datent de la fin du XVIIe siècle au XXe siècle. Les draps d’or et velours à applications de broderies métalliques or sur carton côtoient une image de Christ en peinture à l’aiguille dont les carnations sont pinceautées ; un velours rouge frappé imite par ses filets le moirage sur gros de Tours de plusieurs autres chasubles. On notera aussi une chasuble violette dans un damas déjà repéré en vert à l’église Saint-Baudile de Nîmes. Un ornement réversible, rouge d’un côté et blanc de l’autre, est brodé à double endroit de filés or ; ce type d’ornement était la propriété privée de prêtres qui les utilisaient en voyage.
L’ornement exceptionnel visible à Lectoure est un ensemble constitué d’une chasuble, de deux dalmatiques, d’étoles et de manipules. Sur une toile de lin serrée qui n’apparaît que dans les rares parties usées, la broderie en couchure d’argent recouvre la totalité des fonds : chaque filé argent, constitué d’une lame métallique enroulée autour d’une âme en soie (ici blanc ivoire), est posé à côté d’un autre filé. Un fil de soie transversal vient fixer les filés métalliques sur la toile de support. Ces points de fixation peuvent être très strictement ordonnés ; ils dessinent ici des chevrons d’argent. Une broderie métallique en relief est créée par des lames or guipées sur un rembourrage de fils de lin. La broderie en couleur est essentiellement réalisée en fils de soie polychromes, avec un point passé empiétant qui permet aux fils de nuances différentes de s’imbriquer les uns dans les autres afin d’obtenir un résultat aussi délicat qu’éclatant de couleurs vives. Les motifs principaux sont des bouquets noués par des nœuds en ruban et inscrits dans un espace carré, ce qui est caractéristique du XVIIe siècle. Cependant, la présence de papillons, de certaines fleurs très naturelles, comme celles qui bordent entièrement la chasuble incitent plutôt à dater l’ensemble du début du XVIIIe siècle.
La présentation des ornements liturgiques initiée à Lectoure, qu’il serait souhaitable d’enrichir de prêts temporaires du Carmel2 proche, est une vraie bonne idée de visite patrimoniale textile dans ce secteur puisque l’atelier de teinture des Bleus de pastel de Lectoure peut être visité au Pont de Pile et que l’ouverture du Trésor de la cathédrale d’Auch s’annonce pour le début de l’été 2014.
Josiane Pagnon
1. Vérifier horaires d’ouverture à l’Office de tourisme, au 05 62 68 76 98.
2. Plusieurs ornements du Carmel ont été publiés dans : Aribaud, Christine. Soieries en sacristie, fastes liturgiques. Paris, Somogy, 1998.