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Saint-Maclou de Rouen : éloge du gothique flamboyant

Dans le cadre de notre partenariat avec la revue "Le Monde de la Bible", notre chronique intitulée "la Bible des pierres" vous propose de découvrir avec l'historien Henry Decaëns l'église Saint-Maclou de Rouen, édifiée au XVe siècle, pur chef d'œuvre du style gothique flamboyant, raffiné et aérien, dont l'élévation intérieure offre une superbe diffusion de la lumière.
Publié le 18 janvier 2023

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La façade occidentale de l’église Saint-Maclou de Rouen (début du XVIe siècle), avec les cinq baies surmontées de gâbles ajourés. © Henry Decaëns

Le site de l’église Saint-Maclou de Rouen

Saint-Maclou est placée sous le vocable d’un Gallois devenu vers 641 le premier évêque d’Aleth et connu en Bretagne sous le nom de Malo, ou saint Malo. Située au centre de Rouen, à l’est de l’archevêché, cette église était à l’origine le siège d’une paroisse peuplée de drapiers et de teinturiers qui s’étendait entre deux rivières se jetant dans la Seine, le Robec et l’Aubette. En 1514, à la suite de l’incendie qui a détruit la flèche gothique de la cathédrale de Rouen, elle est devenue la gardienne des Saintes Huiles, privilège qu’elle a conservé jusqu’en 1790. Elle est aujourd’hui l’une des églises de la paroisse Saint-Marc de Rouen Est.

Un peu d’histoire…

L’église Saint-Maclou a été conçue en 1436-1437 par le maître maçon parisien Pierre Robin qui a dessiné « le parchemin où l’esglise estoit gestée toute complecte. » Elle a ensuite été édifiée par plusieurs maîtres maçons et consacrée le 25 juin 1521 par le cardinal Georges II d’Amboise. En plan, elle comprend une nef assez courte, flanquée de bas-côtés et de chapelles, un transept qui n’est pas saillant et un chœur très développé. Celui-ci se compose de deux travées droites, également flanquées de bas-côtés et de chapelles, et d’une abside à quatre pans entourée d’un déambulatoire sur lequel s’ouvrent quatre chapelles rayonnantes.

Caractéristique normande assez fréquente à cette époque, l’abside se termine à l’est par un pilier implanté dans l’axe de l’édifice. Comme dans les grandes églises, le vaisseau central s’élève sur trois niveaux : grandes arcades, triforium aveugle et fenêtres hautes. Tout contribue ici à créer un puissant élan vertical : l’étroitesse du vaisseau central (7,65 m), la hauteur des voûtes (23 m), la finesse des piliers profilés de nervures prismatiques se prolongeant sans interruption jusqu’aux voûtes et l’absence de chapiteaux. Les nombreuses et grandes fenêtres procurent une belle lumière à l’intérieur de l’édifice. La croisée du transept est elle-même illuminée par une magnifique tour lanterne dont la voûte s’élève à 40 m du sol.

La façade occidentale est sans doute l’élément le plus original de l’édifice. Le magnifique porche qui la précède est constitué de cinq baies disposées sur un arc de cercle et surmontées de gâbles ajourés ; avec le pignon de la façade et les arcs-boutants de la nef, il forme une composition géométrique savante et délicate.

Vue de la nef et du chœur en entrant dans l’église Saint-Maclou. © Henry Decaëns

Le style architectural

Plusieurs maîtres maçons se sont succédé pour édifier cette église : Oudin de Mantes et Simon le Noir pour le chœur, Jehan Chauvin et Ambroise Harel pour le transept et l’essentiel de la nef, Jacques le Roux, Jean le Boucher et Pierre Gringoire pour la façade occidentale et la tour lanterne. Malgré la longueur du chantier, de 1436 à 1521, et l’intervention de ces différents maîtres d’œuvre, l’édifice a une unité remarquable car les uns et les autres sont restés fidèles au projet conçu par Pierre Robin.

Bien qu’elle ait été achevée au début du XVIe siècle, l’église n’a subi aucune influence de la Renaissance. On peut donc la classer parmi les chefs-d’œuvre du style gothique flamboyant qui s’est épanoui au XVe siècle, et s’est prolongé jusqu’aux environs de 1530. Ce style se caractérise notamment par le tracé des remplages des fenêtres dont les courbes et contrecourbes font penser à des flammes.

Le grand orgue et son buffet en chêne à quatre tourelles © Henry Decaëns

Le grand orgue

La paroisse Saint-Maclou s’est dotée vers 1515-1520 d’un orgue qui était installé sur le jubé que Pierre Gringoire avait édifié à l’entrée du chœur. Le buffet de l’instrument était l’œuvre de Nicolas Castille qui travaillait alors au château de Gaillon, résidence d’été des archevêques de Rouen ; le Cartulaire de l’église précise que ce buffet était « en façon d’antique », c’est-à-dire Renaissance et que l’instrument avait deux claviers et 450 tuyaux en bois et en étain.

Mais en 1539-1541, on décida d’installer l’orgue au revers de la façade occidentale. Pour soutenir la tribune, la fabrique commanda à Jean Goujon deux superbes colonnes corinthiennes en marbre noir et blanc selon les proportions recommandées par Vitruve. Pour accéder à la tribune, on récupéra le délicat escalier à vis du jubé que l’on supprima ; le style gothique flamboyant de cet escalier en pierre crée un contraste saisissant avec les colonnes en marbre de Jean Goujon.

Antoine Josseline fut chargé de réaliser le nouvel instrument qui a été installé dans un magnifique buffet en chêne à quatre tourelles, arrondies pour les médianes, à pans coupés et en encorbellement pour les deux autres. Martin Guillebert qui l’a conçu a réutilisé des panneaux du buffet de l’orgue du jubé, notamment pour le garde-corps de la tribune qui représente les apôtres avec leurs attributs dans des niches à coquilles séparées par de fines colonnettes.

Cet orgue a été modifié en 1692 par l’ajout d’un positif à trois tourelles dû au menuisier Longuet et aux facteurs Lefèvre. L’instrument actuel a été réalisé en 1995 par la manufacture Kern de Strasbourg.

L’Arbre de Jessé, vitrail du XVIe siècle à l’église Saint-Maclou © Henry Decaëns

Les vitraux

L’église a reçu une parure de vitraux qui ont presque tous été réalisés au XVe siècle. Ceux qui subsistaient en 1939 ont heureusement été déposés ; ils ont pu être reposés lorsque l’église a été restaurée. Mais les vitraux refaits au XIXe siècle, laissés en place, ont donc été détruits en 1944. Dans plusieurs fenêtres, des œuvres contemporaines de Simone Flandrin-Latron et de Jean-Paul Froidevaux les ont remplacés dans les années 1980-1983.

Les plus beaux vitraux se trouvent dans les bras du transept. Au nord, un magnifique Arbre de Jessé se développe sur un fond bleu dans la grande fenêtre rectangulaire située au-dessous de la rose où est représenté le Couronnement de la Vierge Marie au milieu d’anges adorateurs.

Le superbe vitrail qui orne la grande fenêtre rectangulaire du bras sud, le seul de l’église qui soit du début du XVIe siècle, présente trois scènes de la Passion du Christ dans une même composition : de gauche à droite, le Portement de la Croix, le Calvaire et la Descente de la Croix.

Le Jugement Dernier, tympan du portail central, fin du XVe siècle © Henry Decaëns

Le tympan du portail central du XVe siècle

Le tympan du portail central, datant de la fin du XVe siècle, le seul qui soit sculpté, représente le Jugement Dernier, symboliquement tourné vers le soleil couchant. Cette magnifique œuvre se compose de quatre registres séparés par des bandes plissées. Le premier registre n’est plus très lisible car la figure de saint Michel pesant les âmes a été mutilée pendant les guerres de Religion. Mais on voit bien à gauche des anges conduisant les élus au paradis, tandis qu’à droite les damnés sont poussés en enfer par des diables qui attisent les flammes éternelles.

Les apôtres, les saints et les séraphins des trois autres registres se tournent vers le Christ montrant les stigmates de sa Passion qui est au centre de la composition.

Le sujet déborde de part et d’autre sur les voussures du portail.

Plan de l’église Saint-Maclou de Rouen © Henry Decaëns

L’actualité de l’édifice

L’église Saint-Maclou faillit bien disparaître le 4 juin 1944 lorsqu’une bombe frappa de plein fouet l’une des chapelles rayonnantes, dédiée à sainte Clotilde, en détruisant également deux arcs-boutants et trois piliers du chœur. Les voûtes s’effondrèrent en partie, mais la charpente et la toiture restèrent suspendues au-dessus du vide. Le souffle de l’explosion avait aussi pulvérisé les fenestrages de la tour lanterne et de quelques chapelles. Il fallut donc étayer et consolider sans tarder l’édifice pour éviter son effondrement. Les travaux de restauration n’ont commencé qu’en 1956, après la fin des grands travaux de la cathédrale.

La nef a pu être rendue au culte dès 1965. Mais les dégâts étaient si graves dans le reste de l’église, qu’il fallut attendre décembre 1980 pour que le chœur soit à nouveau ouvert au public, et le mois de juin 2007 pour que la restauration de la tour lanterne et de la flèche qui la surmonte soit achevée.

De 2011 à 2013, la façade occidentale, les toitures et le bras nord du transept ont également été restaurés. Mais la chapelle Sainte-Clotilde n’a toujours pas été reconstruite.

Au début du mois de septembre 2021, un programme de concerts et de conférences  a permis de célébrer dignement le cinquième centenaire de la dédicace de cette magnifique église.

Détail de la façade de Saint-Maclou à Rouen © Wikimedia Commons

La Source

Jésus dit : « Celui qui entre par la porte, c’est le pasteur, le berger des brebis.
Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir.
Quand il a poussé dehors toutes les siennes, il marche à leur tête, et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix.
Jamais elles ne suivront un étranger, mais elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers. »
Jésus employa cette image pour s’adresser à eux, mais eux ne comprirent pas de quoi il leur parlait.
C’est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis : Moi, je suis la porte des brebis.
Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés.
Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage.
Le voleur ne vient que pour voler, égorger, faire périr. Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance.
Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. »

Jean, X, 2-11 (Source AELF)

Henry Decaëns
Historien

Église Saint-Maclou
7, place Barthélemy
76000 Rouen
Tél.: 02 32 08 13 90
www.rouen.fr

Pour aller plus loin

À lire :

Henry Decaëns et al., L’église et l’aître Saint-Maclou, Rouen, Service de l’Inventaire et du patrimoine, Région de Haute-Normandie, 2012.

Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établi entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 241 – juin-juillet-août 2022. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015. → Retrouvez tous les articles issus de cette collaboration.

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