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À la fin de la guerre, l’Europe panse ses plaies et se reconstruit. À Ronchamp, la chapelle de pèlerinage, rebâtie dans l’entre-deux-guerres, a subi les durs combats de la libération d’octobre 1944. Clocher effondré, nef délabrée, le projet est de reconstruire l’édifice intégralement.
En 1950, approché par la Commission d’art sacré du diocèse de Besançon, Le Corbusier monte sur la colline. Il est fortement impressionné par le site, il livrera très rapidement des esquisses qui révèlent déjà l’essentiel de l’œuvre.
Alors que les mines du bassin houiller de Ronchamp ferment, bientôt suivies par les filatures, c’est dans ce contexte social difficile dans la région que surgit cet édifice immaculé, en rupture complète avec les références attendues.
Le 25 juin 1955, la nouvelle chapelle est inaugurée. La découverte de cette construction inouïe provoque une onde de choc planétaire. Venus du monde entier, les visiteurs gravissent la colline.
Le programme répond à deux nécessités : accueillir une jauge variable, la foule à des dates précises, et des visiteurs individuels ou en groupe au quotidien. D’où la réponse d’un double dispositif liturgique pour dire la messe : un plateau liturgique intérieur pour 200 personnes maximum ; à l’extérieur, un chœur liturgique pour 10 000 personnes. Trois autres chapelles feront mémoire d’autels placés dans l’ancienne chapelle détruite.
Reprenant le système constructif du pilotis, une coque, volume vide sur le principe de l’aile d’avion, en béton brut de décoffrage est portée par un double alignement de poteaux. Une enveloppe en maçonnerie traditionnelle reprenant les matériaux de la ruine, ferme l’espace comme un rideau, emprisonnant les pilotis. Les courbes et contre courbes assure la stabilité de la structure.
Le mur sud fait exception. Vide, faussement épais, il contient les supports de la coque et joue le rôle de piège à lumière par la multitude de conduits qui le traversent pour filtrer, canaliser une lumière changeante dans sa course diurne et dans la succession des saisons.
Le Corbusier évoque l’importance du paysage, il nous parle d’acoustique visuelle pour expliquer la puissance plastique de son architecture. Le traitement autonome de chaque façade ne renvoie aucunement à une compréhension des fonctions intérieures, mais répondent à des spécificités des quatre horizons.
Aussi, Notre-Dame du Haut est une Maison où l’on entre côté nord par « la porte étroite » qu’est Jésus (Mt 7, 13), pour être accueilli par le vitrage baigné de couleurs lumineuses côté sud. La lumière pénètre la matière, mystère de l’Incarnation : par Marie, Dieu se fait homme (Jean 1, 14). La statue d’une Vierge à l’Enfant, sauvée des bombardements, est placée par Le Corbusier entre ciel et terre, côté soleil levant. Par Marie, le Ciel s’est uni à la terre. Empreinte de prières depuis le XVIIe siècle, Le Corbusier l’a placé côté droit du maître-autel, rappelant que si Marie, « Mère de Dieu » est médiatrice de notre rencontre avec le Christ Jésus, c’est bien Lui le cœur de Dieu ouvert et offert à son humanité.
L’archevêque à l’origine de l’audacieuse chapelle, Mgr Dubourg, demanda aussi deux maisons, l’une pour les pèlerins, l’autre pour le gardien. Le Corbusier, grand humaniste, commença par construire les maisons pour ses ouvriers. Leurs généreuses ouvertures rappellent ces mots de l’architecte : « Si le soleil entre dans la maison, il est un peu dans votre cœur. » (Lettre, 1933).
Chapelain jusqu’à l’an 2000, l’abbé Bolle Reddat, habitant en continu, ne ménagea pas ses efforts pour dépouiller le site des différentes constructions vétustes et pour ériger le portique des cloches sur un dessin de Jean Prouvé.
En 2003, La rencontre entre sœur Brigitte, abbesse du monastère Sainte Claire de Besançon, le chapelain Louis Mauvais, et Jean-François Mathey, président de l’Association propriétaire du site, ouvre la perspective d’un projet de monastère et d’une nouvelle Porterie. Le désir est d’accueillir au mieux le public, d’assurer une médiation de la dimension architecturale et spirituelle de la colline. Mais aussi, l’objectif essentiel est de rendre le site habité de façon permanente avec la possibilité d’offrir un séjour au monastère pour toute personne désirant faire retraite.
En Janvier 2006, l’abbesse et le président de l’Association, rencontrent Renzo Piano. Une nouvelle aventure commence pour une nouvelle configuration des lieux inaugurée en septembre 2011.
En 2016, l’ensemble du site corbuséen est inscrit sur la liste des œuvres de Le Corbusier au Patrimoine mondial de l’Unesco.
Jean-Jacques Virot, architecte, président de l’Association Œuvre Notre-Dame du Haut, et P. Axel Isabey, chapelain, responsable du service Foi et Art du diocèse de Besançon.
Philippe Royer