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La Sainte Chapelle de Champigny-sur-Veude

Le village de Champigny-sur-Veude est situé en Indre-et-Loire, à six kilomètres au nord de la ville de Richelieu. Sa grande époque débute en 1472 avec l’arrivée des Bourbons. Le village est jalonné de belles maisons de notables et de vestiges d’anciens établissements religieux, témoins de la splendeur passée du site. Ce lieu chargé d’histoire a conservé sa remarquable Sainte Chapelle réputée pour ses magnifiques vitraux Renaissance, ainsi que les élégants communs de l’ancien château. Ces deux édifices se visitent toute l’année.
Publié le 13 décembre 2018

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La Sainte Chapelle de Champigny-sur-Veude, XVIe siècle © M.-P. Terrien

Un peu d’histoire…

Une Sainte Chapelle n’est pas une chapelle ordinaire car sa fonction première est d’être un écrin pour des reliques de la Passion. Entre les XIIIe et XVIe siècles, douze Saintes Chapelles royales et princières ont été édifiées à la gloire des Bourbons. Sept d’entre elles ont subsisté : Paris et Vincennes (chapelles royales), Riom, Châteaudun, Aigueperse, Champigny-sur-Veude et Vic-le-Comte (chapelles princières). Celles de Vivier-en-Brie, Gué-de-Maulny, Bourbon l’Archambault et de Bourges ont été détruites. Tous ces édifices ont été construits sur le modèle architectural de la Sainte Chapelle de Paris dédicacée en 1248, et sont richement décorés d’armoiries, d’emblèmes héraldiques et de devises.

F.-R. de GAIGNIÈRES, gravure de La Sainte Chapelle de Champigny-sur-Veude, 1699 © GALLICA/BnF

Au XVe siècle, le domaine de Champigny-sur-Veude entre dans la famille des Bourbons par le mariage d’Isabelle de Beauvau et de Jean de Bourbon. Leur fils Louis Ier (1473-1520) en est l’héritier. En 1494-1495 il participe aux guerres d’Italie et décide, à son retour, de transformer la modeste forteresse en un somptueux logis qui lui rappellera les belles demeures italiennes. En 1499, il établit aussi une collégiale dont la fondation est confirmée par le pape Alexandre VI et qui est élevée au rang de Sainte Chapelle. En 1626 la propriété passe aux mains de Gaston d’Orléans, époux de Marie de Bourbon. Dix ans plus tard, le château est détruit sur ordre du cardinal de Richelieu en représailles des complots fomentés contre lui.

En 1987, la chapelle Champigny devient propriété d’une société japonaise qui la dépouille de son mobilier – l’intervention des Monuments Historiques évitera d’ailleurs aux vitraux d’être emportés -, et en 2000 le domaine est acquis par un couple d’Américains. La chapelle a été classée au titre des monuments historiques le 19 janvier 1911.

Intérieur de la chapelle © J. C. Ménard

Un cycle de vitraux remarquable à la gloire des Bourbons et de Saint Louis

Construite dans la première moitié du XVIe siècle, la Sainte Chapelle de Champigny (25 x 9 m) apparaît comme un édifice hybride à la charnière du Moyen-Age et de la Renaissance. De style ogival, elle est composée d’une nef unique à quatre travées terminée par un chevet à pans. Sa décoration raffinée, rythmée de L et d’ailes couronnés, emblèmes de Louis de Bourbon (l’aile représentant par homonymie le « L » de Louis), témoigne néanmoins de l’influence de la Renaissance italienne.

La forme en arc de triomphe du portique d’entrée (12 x 5 m), terminé vers 1550 par Louis II (1513-1582) fils de Louis Ier, est caractéristique de la deuxième Renaissance par la résurgence des formes gréco-romaines. Le peu de renseignements sur la chapelle de Champigny ne permet pas d’en connaître les maîtres d’œuvre, mais il est possible que Louis II ait fait appel à des architectes et sculpteurs italiens pour réaliser cet édifice exceptionnel dans la région.

Vitrail de la crucifixion, Sainte Chapelle de Champigny © A. J. Cassaigne

Sa nef abrite onze verrières, hautes de huit mètres, offertes en 1538 par Claude de Longwy, cardinal de Givry, à l’occasion du mariage de Louis II et de Jacquette de Longwy. Déposées à la Révolution, puis à nouveau en 1940, elles sont restées dans un état de conservation remarquable. Dans le registre inférieur des vitraux, les descendants de Saint Louis sont représentés à genoux, tournés vers la Crucifixion de la verrière axiale. Chacun est identifié par son armoirie et par son nom inscrit dans un cartouche de verre blanc. La partie principale des vitraux est dédiée à des scènes de la vie de Saint Louis, véritables tableaux qui ne tiennent pas compte des meneaux de pierre. Les vitraux du bas-côté nord représentent le sacre et l’éducation du roi (verrières 1 et 2), puis soulignent sa piété (verrières 3 et 4). Dans la cinquième verrière, Saint Louis, gravement malade en 1244, promet de partir en croisade s’il guérit. Les vitraux du bas-côté sud mettent en évidence son courage lorsqu’il tient cette promesse, une première fois à Aigues-Mortes en 1248 puis en 1270 (verrières 7 à 11).

Présenté comme un intermédiaire entre le monde terrestre et le monde céleste, le roi est mis en parallèle avec le Christ dont la Passion est illustrée dans la partie supérieure des verrières. La piété de Saint Louis préfigure par ailleurs celle du fondateur Louis Ier de Bourbon qui, imitant son ancêtre à Paris, lègue des reliques de la Passion à la Sainte Chapelle de Champigny.

Le vitrail de la Crucifixion 

La verrière axiale occupe une place à part dans le cycle de vitraux de la Sainte Chapelle car elle ne représente qu’une seule scène, la Crucifixion, autour de laquelle s’organise l’ensemble du programme iconographique.

L’exagération des formes, le modelé rigide des muscles, la torsion des corps, la recherche de mouvement dans les drapés, témoignent de l’influence maniériste. Marie-Madeleine et saint Jean rappellent en effet les figures des peintures de Jean Cousin. Ce maniérisme sert le sens de la scène et accentue l’intensité dramatique de la Passion. La traverse horizontale de la Croix du Christ souligne la présence du soleil et de la lune, rappel de l’éclipse qui s’est produite lors de la Crucifixion : « Depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième, l’obscurité se fit sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure » (Matthieu 27, 45). Elle souligne aussi l’écriteau INRI, Jésus de Nazareth, roi des Juifs. Derrière la Croix, la ville de Jérusalem se mêlant au bleu du ciel, renvoie à la Jérusalem Céleste décrite dans l’Apocalypse. L’ossement au pied de la Croix fait référence à la mort et au péché vaincu par le sacrifice du Christ.

Une deuxième lecture se superpose à la première : dans la partie supérieure apparaissent la colombe du Saint Esprit et Dieu le Père : image de la Trinité surmontant celle de la Crucifixion ; idée de l’Espérance dominant celle de la souffrance.

Vitrail de la piété et de l’humilité de Saint Louis © J. C. Ménard

La piété et l’humilité du roi

La quatrième verrière symbolise la Christomimesis, l’assimilation du roi au Christ. Elle souligne les vertus et le cheminement spirituel de Saint Louis reconnaissable grâce à son nimbe. Dans la partie inférieure il lave les pieds des pauvres, imitant Jésus lors de la dernière Cène : « Jésus mit de l’eau dans un bassin, commença à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint » (Jean 13, 4-5). A droite, le roi donne la communion à un malade. En effet, comme l’indique l’inscription située sous la scène, Saint Louis se rendait régulièrement à l’abbaye cistercienne de Royaumont où il aidait les moines. Au registre supérieur, le roi fait pénitence dans un petit oratoire, le cilice posé devant lui. Ce détail fait écho à la Flagellation du Christ représentée au sommet de la verrière. Enfin, dans la partie principale de la composition, le banquet du roi renvoie à la Cène.

Suzanne de Bourbon en prière (détail) © MP Terrien

Le livre de prière de Suzanne de Bourbon

Les livres de prières des femmes représentées dans le registre inférieur de la deuxième verrière apportent un éclairage fondamental à la lecture de ces vitraux.

Par exemple, la page de gauche du livre tenu par Suzanne de Bourbon cite le début du psaume 102 : (Domine exaudi orationem) meam et cla(mor) meus ad te veniat DeusDieu entends ma prière et que mon cri vienne jusqu’à toi Seigneur »). Ces versets ont été interprétés par les Pères de l’Eglise comme annonçant la supplique de Jésus au Jardin des Oliviers.

Le passage de la page de droite, (salutare tuum) quod parasti faciem omnium populorum = « Ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples » (Luc 2, 31), est associé à la présentation de Jésus au Temple. Le prophète Siméon annonce la mission de Jésus sur terre. Il le nomme « le Christ du Seigneur » (verset 26) et le « Souverain maître » (verset 29). La juxtaposition de ces deux versets de l’Ancien et du Nouveau Testament signifie que Jésus est angoissé devant la mort mais accepte néanmoins le dessein divin pour le salut de l’humanité.

La source biblique

Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. C’était un homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. Il avait reçu de l’Esprit Saint l’annonce qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur. Sous l’action de l’Esprit, Syméon vint au Temple. Au moment où les parents présentaient l’enfant Jésus pour se conformer au rite de la Loi qui le concernait, Syméon reçut l’enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant : « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. » Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui était dit de lui. Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. »

(Luc 2, 25-35)

 

Marie-Pierre Terrien, docteur en histoire

 

Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établi entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 223 – décembre 2017. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015.

Bibliographie

Marie-Pierre Terrien, Images de Saint Louis dans les vitraux de Champigny-sur-Veude, entre mythe et réalité, Cholet, Editions Pays et Terroirs, 2007, rééd. 2016.

Marie-Pierre Terrien, « La Sainte Chapelle de Champigny-sur-Veude et le rôle du cardinal de Givry », in : Les chapelles princières. De la gloire de Dieu à la gloire du prince, Actes du colloque de Valenciennes (18-20 novembre 2010), Lunéville, CTHS, 2015, p. 37-48.

Visiter la Sainte Chapelle de Champingy-sur-Veude

Dates d’ouverture du château et visite de la Sainte-Chapelle :

– Du 1er mai au 30 juin : du jeudi au dimanche de 14:00 à 18:00
– Du 1er juillet au 31 août : tous les jours de 14:00 à 18:00
– Du 1er au 30 septembre : tous les jours (sauf le mardi) de 14:00 à 18:00

Visite guidée toute l’année sur réservation

Château de Champigny
37120 Champigny-sur-Veude
06 83 66 24 57
Site internet de la commune de Champigny

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