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Si Cahors m’était conté…
Capitale historique de l’ancienne province du Quercy, Cahors est désormais la préfecture du Lot. Si ses contours d’Ancien Régime ont été amputés de quelques territoires qui enrichissent désormais les départements limitrophes, surtout au sud, il n’en demeure pas moins que le Lot a conservé ses plateaux calcaires des causses et ses belles vallées. Cahors a épousé son site naturel qui lui donne une forme originale de presqu’île, lovée dans un méandre du Lot. La cité cadurcienne est richement dotée en monuments remarquables, héritages de l’Antiquité et de l’époque médiévale, avec son renommé pont Valentré du XIVe siècle, inscrit depuis 1998 au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco au titre des chemins de St-Jacques-de-Compostelle.
La belle cité médiévale de Cahors est célèbre pour quantité d’atouts : sa qualité de vie, nourrie d’une gastronomie et d’un vignoble réputés, la richesse diverse de son environnement qui en fait un des départements les plus prisés pour des séjours touristiques – qui ne connait Saint-Cirq Lapopie à quelques encablures de là ? – sans oublier, bien évidemment son patrimoine historique multiséculaire. La cathédrale Saint-Etienne, dont les coupoles dépassent les 30 mètres de haut, en constitue le joyau. Mais pour en apprécier toute la puissance, il faut pousser jusqu’aux crêtes qui surplombent la capitale du Lot et embrasser d’un même regard le bâtiment surprenant. Surprenant plus que « confus », si l’on retient l’impression qu’en aurait eue Viollet-le-Duc, sollicité au début des années 1840 pour en piloter la restauration, avant de décliner la proposition.
Il est vrai que l’imposante façade de Saint-Etienne, que ne renierait pas un château-fort, et les coupoles de style néo-byzantin, pour l’extérieur, ainsi que l’enchevêtrement intérieur du roman et du gothique en font un édifice original. Encore plus, lorsque l’on découvre que l’église-mère du diocèse de Cahors abrite en son sein l’une des reliques de la Passion du Christ, qui la hisse au rang de sœurs de Notre-Dame de Paris (pour la Couronne d’épines) ou de la basilique d’Argenteuil (pour la Sainte Tunique) : la Sainte Coiffe. Elle est habituellement présentée à la vénération dans la chapelle Saint-Gausbert, avec ses peintures exécutées à la fin du XVe s.
Le cloître de la cathédrale, enfin, est un véritable chef d’œuvre de l’art gothique flamboyant. Tout autour, s’organisent, comme de tradition, les bâtiments servant à la vie de l’ancien chapitre.
Le style architectural
Peut-on parler d’un style, avec des bases romanes, largement remaniées au gothique, sans compter des influences byzantines ? Saint-Etienne de Cahors est aujourd’hui l’un des édifices à coupoles sur pendentifs les plus vastes du pays. La première date clairement attestée est la consécration du maître-autel en 1119 par le pape Calixte II, marquant la fin de travaux conséquents entrepris au début du siècle pour édifier une nouvelle cathédrale, à la suite des bâtiments successifs, et son cloître. Les coupoles dateraient du tournant du XIIe au XIIIe s., de même que la nef et les portails sud et nord. Ce serait à la fin du XIIIe que le gothique ferait son apparition avec l’abside surélevée de trois niveaux et la construction de deux chapelles. Si les siècles suivants ont apporté chacun leur lot d’aménagements (jubé, tribune d’orgue…), c’est au XIXe que l’on envisage un programme complet de restauration, avec Paul Abadie, déjà à l’œuvre à Saint-Front de Périgueux avant qu’il ne réalise la basilique de Montmartre à Paris.
Le portail nord de la cathédrale
Postérieur à 1140, le portail nord de Saint-Etienne est surmonté d’un tympan dont les sculptures rappellent celles de l’abbatiale de Moissac, puisant tant au roman qu’au gothique. Il est dédié à l’Ascension du Christ et au protomartyr, saint patron de la cathédrale.
Au centre, le Christ, niché dans une mandorle, bénit de sa main droite tandis qu’il tient le Livre de la gauche. Au bas du tympan, les Apôtres, entourant la Vierge Marie au centre, accompagnent le mouvement ascensionnel du Christ de leurs têtes tournées vers le haut. Remarquons qu’ils ne sont plus que onze, Judas, le traitre, n’ayant pas été jugé digne d’être représenté. Au niveau supérieur, quatre anges semblent « éduquer » les Apôtres, les initiant au mystère de l’Ascension. Enfin, le tympan ne manque pas de narrer le martyre de saint Etienne, en suivant pas à pas le récit que les Actes des Apôtres en font : à gauche, la profession de foi devant le Sanhédrin ainsi que le grand-prêtre expulsant Etienne, puis à droite, la vision de la Gloire de Dieu par Etienne puis sa lapidation, en présence de Saul.
Muré en 1732 lors de la construction d’une tribune dans la nef, le portail n’a été redécouvert qu’en 1840, au moment de la grande restauration.
La chapelle axiale dite du Saint-Sauveur
Elle est connue sous plusieurs noms : chapelle axiale, car elle est au centre des trois absidioles conservées du plan de la cathédrale romane, ou aussi chapelle du Saint-Sauveur, ou encore du Saint-Suaire. Conservant ses fondations de la fin du XIIIe siècle, elle est reconstruite au XIXe, en semi-circulaire et voûtée en cul-de-four. C’est depuis sa reconstruction qu’elle est dédiée au Saint-Suaire, c’est-à-dire à la Sainte Coiffe qui est habituellement gardée ici. Cette chapelle conservait jadis les restes de saint Géry, dont le tombeau a été profané lors des guerres de religion et les ossements dispersés en 1580.
Les peintures murales, restaurées à l’occasion du 9e centenaire de la cathédrale, représentent Charlemagne faisant don à l’église de Cahors du Saint Suaire, à gauche, et le pape Calixte II consacrant l’autel du Saint Suaire, à droite. Pour des raisons de sécurité, l’accès à la chapelle est fermé par une grille placée au-dessus de l’ancienne table de communion, qui ne gêne nullement la vue.
La Châsse-monstrance de la Sainte Coiffe
A relique insigne, châsse remarquable ! Après une première châsse, plaquée d’argent, en 1838, c’est en 1899 que les ateliers Poussielgue-Rusand sont sollicités pour réaliser un reliquaire-monstrance en bronze doré pour conserver et proposer à la vénération la Sainte Coiffe. L’objet d’orfèvrerie est surmonté d’un dôme décoré d’anges qui veillent sur le précieux trésor, tandis qu’aux pieds trônent trois personnages attachés à l’histoire du Suaire : saint Didier, évêque de Cahors, l’empereur Charlemagne qui aurait fait don de la relique à la ville et le pape Calixte II qui a consacré l’autel majeur de la cathédrale. Cette monstrance – et la Coiffe qu’elle renferme, bien évidemment – ont été inscrites au titre d’objets des monuments historiques en 1991.
L’actualité de l’édifice
C’est dans le cadre des festivités commémoratives des 900 ans de la consécration de l’autel majeur de la cathédrale par le pape Calixte II en 1119, qu’une campagne de restauration de la chapelle d’axe est lancée, peu avant 2019. Les derniers travaux d’envergure avaient été, en 2013, l’installation dans la nef de vitraux modernes, dus à l’artiste Gérard Collin-Thiébaut. L’orgue connaît également son relevage depuis quelques années tout en conservant son célèbre buffet de chêne massif, sculpté au XVIIIe siècle.
Mais, au cours de ces manifestations jubilaires, un projecteur tout particulier a été placé sur ce qui constitue sans aucun doute la plus insigne relique de la cathédrale : la Sainte Coiffe. Ce morceau de tissu serait l’un des linges mortuaires utilisés pour la mise au tombeau de Jésus-Christ. Rappelons en effet qu’aux premiers siècles de notre ère, les Juifs couvraient la tête du défunt d’une coiffe à vocation mentonnière (pathil en hébreu), visant à lui maintenir la bouche fermée, et qui complétait le linceul couvrant le corps, attaché par des bandelettes. La Coiffe, dont l’arrivée à Cahors demeure historiquement difficile à dater, est conservée dans la chapelle Saint-Gausbert de la cathédrale et fait l’objet d’un culte renouvelé depuis quelques années.
La Source
« Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. »
Jn 20, 1-9
Saint Jean précise également dans son passage sur la résurrection de Lazare l’utilisation d’un suaire lié autour de sa tête : « Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. »
P. Gautier Mornas
Responsable du département Art sacré de la Conférence des évêques de France
Comité de rédaction de la revue Narthex
BIBLIOGRAPHIE
Histoire du Vieux Cahors, Joseph Daymard, éd. des Régionalismes, coll. Arremouludas, 2019.
Cahors au cours des siècles, Jean Fourgous, éd. MVVF, 2007.
Informations pratiques
Cathédrale Saint-Etienne
17 Place Jean Jacques Chapou 46000 Cahors
Tél. : 05 65 35 27 80
Site web Cahors Vallée du Lot : www.cahorsvalleedulot.com
Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établie entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 233 – juin-août 2020. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015. → Retrouvez tous les articles issus de cette collaboration.