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IV / IV – Au Sacré-Coeur d’Audincourt : « Tu portes chacun de nous dans ton Cœur. »

Voici la quatrième publication de la 'saga' en quatre volets sur un édifice d'une modernité étonnante, l'église du Sacré-Cœur à Audincourt dans le Doubs, qui fête le jubilé de ses soixante-dix ans. Grâce à l'énergie d'un curé bâtisseur, le Père Louis Prenel, accompagné du Père Marie-Alain Couturier au regard visionnaire et exigeant, et d'artistes de premier plan, tels Fernand Léger et Jean Bazaine, le projet a pris forme et donné lieu à un église innovante et chargée de sens, classée Monument historique, à découvrir ! En ce temps où nous fêtons le Sacré-Cœur, le sanctuaire d'Audincourt nous rappelle que cette dévotion déjà ancienne a permis à chaque époque d'en faire une relecture personnelle, en fonction de ce qu'elle a vécu, aimé, souffert.
Publié le 16 juin 2022
Fernand Léger, Cinq plaies comme cinq soleils, 1951, vitraux du choeur de l’église du Sacré-Coeur à Audincourt © F. NAGELEISEN

« Tu portes chacun de nous dans ton Cœur. » (Pape François)

La dévotion au Sacré Coeur est déjà ancienne, mais chaque époque en fait sa relecture personnelle, en fonction de ce qu’elle a vécu, aimé, souffert.

Pendant l’entre-deux-guerres, la France a vécu une longue période de deuil national entretenu par les rites républicains devant les monuments aux morts. En pleurant ses disparus avec leurs veuves et leurs orphelins, en chantant à chaque 11 novembre l’« Amour sacré de la Patrie », toute générations confondues, notre nation a entretenu un culte laïc qui n’est pas resté sans écho dans les communautés chrétiennes. « Quel mal avons-nous fait pour mériter tant de souffrances ? Comment retrouver une espérance ?… »

Mais nous ne sommes pas seuls dans la souffrance : nous croyons en un Dieu qui est venu habiter notre monde, notre malheur. Son amour n’a-t’il pas été jusqu’à accepter le scandale de la croix, le coeur percé de Jésus après la torture et la souffrance jusqu’à la mort ?

La dévotion séculaire au Sacré Coeur est enracinée dans cette folie. « Nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les peuples païens. » 1 Cor 1. Les 5 plaies du Christ sont ici, plus qu’à d’autres périodes, sources d’Amour, de réconciliation, d’espérance. (Notes 1 et 2)

Façade de l’église du Sacré-Cœur d’Audincourt © WIKIMEDIA COMMONS ; et vue générale de la mosaïque de Bazaine © F. NAGELEISEN

L’entre-deux-guerres, surtout les années 30, est aussi le point de départ d’une prise de conscience de l’absence de l’église dans la ceinture rouge de Paris, ces quartiers populaires sans paroisses et sans lieux de culte. Il faut penser et organiser une « ré-évangélisation » de la France, et cette ambition habite toujours les prêtres après la parenthèse de la Seconde Guerre mondiale et de ses années noires.

Si Paris a montré l’exemple avant 1939, l’effort missionnaire culmine entre 1945 et 1954 dans le reste du pays. Autour de Montbéliard, les villes ouvrières attendent des églises adaptées au nombre croissant de chrétiens pratiquants. Des temples bombardés sont à reconstruire, des églises à agrandir. En Franche-Comté, la vie associative vivace facilite la mobilisation des énergies et la transition des campagnes vers les villes. La France reste une nation de culture chrétienne, la majorité des enfants y suit une catéchisation régulière jusqu’à la « communion solennelle » : le nombre des sacrements s’envole ! C’est ce que constate l’abbé Louis Prenel quand il devient curé de la nouvelle paroisse du Sacré Coeur à Audincourt en 1946 : « Il fallait voir vite et grand. »

L’église du Sacré-Coeur, reprenant le nom de la première chapelle et de la paroisse, sera construite en deux ans et inaugurée en septembre 1951.

Routes maritimes et réseaux du monde

La façade de Jean Bazaine nous fait entrer plus avant dans cette compréhension revisitée du Sacré-Coeur : sa fresque est inspirée des thèmes mêlés de l’eau vive, du soleil et du sang. Il explique lui-même qu’il a voulu inviter le visiteur à s’immerger dans une grande marée de formes, pour se mettre à l’unisson du chant prodigieux des couleurs. Cette fresque est pour lui « Un appel joyeux et fort, comme la rivière en été : il faut donner envie d’y plonger … dans ces 4 fleuves qui charrient du Sang, du Soleil, des Epines… » Jean Bazaine. (Note 3)

Acceptons cette invitation et entrons, plongeons-nous dans la marée de lumière et de couleurs de l’oeuvre de Fernand Léger qui ceinture l’édifice. Appelés par l’amande blanche immaculée qui surplombe le choeur, nous restons en contemplation devant les 5 plaies qui brillent comme 5 soleils au centre des vitraux.

Comment ne pas penser au verset 10 du chapitre 4 de Jean : « Si tu connaissais le don de Dieu … », cette Parole de Jésus à la samaritaine qui est un appel, une invitation, et qui s’adresse à chacun d’entre nous ?

Appel à entrer dans une connaissance que lui seul rend accessible à travers sa personne de fils, entré en humanité pour que tous puissent vivre de, et dans, l’Amour du Père.

Invitation à cheminer avec lui, à partager la Bonne Nouvelle : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire ! tu lui aurais toi-même demandé à boire, et il t’aurait donné de l’eau vive. »

Pour les chrétiens, cette eau vive vient du cœur de Dieu, qui est communion, échange, ouverture, accueil : le don de Dieu est sans limite.

Si elle a pu être un appel à la pénitence, à la repentance, à l’expiation…, la dévotion au Sacré-Coeur trouve son véritable sens dans la rencontre vraie, vécue au puits de Jacob, par deux personnes qui avaient soif d’amour. Un homme fatigué par la marche d’une vie donnée, une femme fatiguée de sa vie qui tourne en rond, et le miracle de l’incarnation du Verbe opère sous nos yeux : dans cette rencontre, il n’y a pas de juge, il n’y a pas de péché à réparer. Il n’y a plus que le Royaume de Dieu qui germe sous nos yeux.

La prière du pape François dédiée au Sacré Coeur de Jésus est dans cet esprit : « Dieu notre Père, Tu n’es pas indifférent à nous, à ce que nous vivons. Tu portes chacun de nous dans ton Cœur. Tu nous connais par notre nom et Tu prends soin de nous. Tu nous cherches même quand nous T’abandonnons. Chacun de nous T’intéresse, car ton Amour T’empêche d’être indifférent à ce qui nous arrive. Touche notre cœur ! Ouvre notre cœur, afin qu’il soit revêtu de ta Bonté et de ta Miséricorde, pour devenir en ton Fils Jésus, serviteurs des hommes. Seigneur Jésus-Christ, guéris-moi de la dureté de mon cœur. Rends mon cœur semblable au Tien : fort et miséricordieux, vigilant et généreux, qui ne se laisse pas enfermer sur lui-même et qui ne tombe pas dans le piège de la mondialisation de l’égoïsme et de l’indifférence. Ainsi soit-il. »

Oui, cette parole est audible par les hommes de notre temps. C’est la conviction qui habitait ces chrétiens qui se sont retroussé les manches pour construire le Sacré-Coeur à Audincourt. Ils étaient habités par l’espérance d’un monde meilleur au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Ils étaient résolument tournés vers l’avenir, un avenir qu’ils bâtissaient pour leur foyers comme pour leur paroisse, sans bien en deviner les contours, mais assez solides pour se laisser interpeller par des artistes et des œuvres déstabilisantes.

Aujourd’hui, alors que nous fêtons le 70e anniversaire de l’inauguration de cette église, et que nous sommes confrontés à notre tour à des défis qui pourraient nous écraser (le réchauffement de la planète, une mondialisation sans contrôle qui provoque aujourd’hui une pandémie paralysante, le terrorisme…) plongeons à notre tour avec espérance dans ces marées de lumière, laissons-nous entraîner par le rythme et la force de ces œuvres : le souffle de l’esprit donne vie et sens aux ondulations en réseaux colorés de Jean Bazaine, prophète de notre temps ; la parole de Dieu jaillit des formes et des outils sacralisés par Fernand Léger.

Jean-Michel Magnin

Notes :
(1)« Dans la Croix du Christ Jésus, nous percevons combien Dieu nous aime jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême, jusqu’à la mort… Que Dieu ait voulu et soit venu remplir, notre vie, notre souffrance et notre mort de sa présence, est manifestement l’originalité chrétienne. » Denis Lecompte
(2)« Si l’agonie de Dieu sur la Croix n’avait pas eu lieu, la vérité que Dieu est Amour serait restée suspendue dans le vide. » Jean-Paul II
(3) Inscriptions sur la fresque :
« Vous puiserez l’eau de votre joie aux sources du sauveur. » Isaïe
« Jésus-Christ m’apparut tout éclatant de gloire et ses 5 plaies brillant comme cinq
soleils.
» Sainte Marguerite-Marie (in revue L’Art Sacré n°3-4, nov.déc 1951)
(4) illustrations : – carte du trafic maritime – carte des réseaux dans le monde

Pour en savoir plus

Commandez vite l’ouvrage sur le Sacré-Coeur d’Audincourt, publié à l’initiative de la Commission de sauvegarde du Sacré-Cœur, avec le soutien du diocèse de Belfort-Montbéliard :

Père Axel Isabey, Jean-Michel Magnin, François Nageleisen, « L’église du Sacré-Cœur à Audincourt – un lieu de ressourcement spirituel pour aujourd’hui », édition Diocèse de Belfort-Montbéliard, 120 p., 16€

Pour les commandes, le prix est de 16€ + 4€ de frais d’envoi (France), soit un total de 20€. (l’affranchissement jusqu’à 250 gr est de 3,94€ à ce jour).

Chèques à l’ordre de l’ « Association diocésaine Belfort/Montbéliard ».

Commandes à adresser à Edwige DUMEL ou à François et Marie-Christine NAGELEISEN :
1) François et Marie-Christine NAGELEISEN, 10 rue Charles Peugeot 25400 AUDINCOURT 03 81 34 55 21 –  f.nageleisen@wanadoo.fr

2) Edwige DUMEL, 27 rue du Serrurier 25230 VANDONCOURT
06 71 27 09 00 – edwige.dumel@wanadoo.fr

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