La chaire à prêcher mobile ou extérieure
Les églises médiévales intégraient en général une chaire de bois mobile, meuble ayant la forme d’une tribune enclose par un garde-corps, destiné à la prédication des clercs. Jusqu’au XVIe siècle, les prédications en plein air étaient fréquentes ; de là l’usage des chaires élevées sur la voie publique attenantes à l’église, comme à Saint-Lô, en Normandie.
La chaire à prêcher baroque de la Contre Réforme
Au XVIIe siècle, les évêques demandent à chaque église de se doter d’une chaire fixe. La chaire à prêcher, remise à l’honneur, est un outil de la Contre Réforme, ce mouvement catholique pour reconquérir l’âme de fidèles aux XVIe et XVIIe siècles. Placée côté nord dans la nef, du côté évangile, contre un mur ou un pilier, accessible par un escalier, la chaire fait face à un crucifix. La chaire à prêcher comporte un escalier, un dorsal et un abat-voix qui permet de répercuter la voix du prédicateur vers l’assemblée. Le décor est en lien avec les thèmes généralement abordés dans une homélie. En bois sculpté, en marbre ou en pierre, les chaires accueillent des ornementations diverses et les symboles y sont souvent nombreux. Les motifs les plus souvent représentés sont, sur les cinq faces, les quatre évangélistes de part et d’autre du Christ et, parfois, les symboles des trois vertus théologales : Foi, Espérance, Charité. Sous l’abat-voix trône généralement la colombe du Saint-Esprit (qui inspire le prédicateur) ou le triangle de la Trinité en gloire. Des anges, des trompettes et des instruments variés évoquent la puissance de la parole. Tous ces signes invitent à répandre la Parole de Dieu. Dans les cathédrales, la chaire est à l’opposé du siège épiscopal (cathedra, cathèdre), à droite, au sud de la nef.
La chaire à prêcher du XIXe siècle
La chaire à prêcher de l’église de Sennecey-le-Grand (71) est ainsi décrite par le père Frédéric Curnier-Laroche, historien de l’art : « Sur le dorsal, un médaillon représente le visage du Christ (c’est en son nom que le prédicateur s’adresse aux fidèles). Le peuple chrétien reçoit un enseignement (comme le figure la trompette de l’ange au sommet de l’abat-voix). L’annonce de la Bonne Nouvelle est basée sur les Évangiles. C’est pourquoi chaque face du garde-corps évoque un évangéliste accompagné de son symbole (Ez 1,1-28 ; Ap 4,1-11) : Matthieu et un ange (la forme humaine renvoyant à la généalogie des ancêtres de Jésus qui débute son évangile – Mt 1, 1-18), Marc et le lion (son évangile commence par la prédication de Jean-Baptiste qui annonce la venue du Messie avec la force du lion qui rugit dans le désert – Mc 1, 1-8), Luc et un taureau (puisqu’il parle du Temple de Jérusalem où cet animal était sacrifié), Jean accompagné d’un aigle (l’évangéliste scrutant le mystère divin sans en être aveuglé, comme l’aigle vole haut dans le ciel, face au soleil, sans être ébloui). D’autres symboles sont répartis sur les trois faces de l’abat-voix.
Chaire de l’église paroissiale Saint-Julien à Sennecey-le-Grand © M. Tillie, réseau Églises Ouvertes
Au centre, deux ancres de marine s’entrecroisent. Depuis les premiers temps chrétiens, l’ancre est l’emblème de la confiance en Dieu, d’autant plus que l’épître aux Hébreux utilise cette métaphore : Dans l’espérance qui nous est proposée, nous avons comme une ancre de l’âme, sûre et ferme, et qui pénètre par-delà le rideau du Temple, là où Jésus est entré pour nous en précurseur… (He 6,19). Ici, le cadavre d’un serpent (évocation des attaques du Mal) vient s’y enrouler, alors que jaillissent un sarment de vigne et un épi de blé, symboles de l’Eucharistie. L’ensemble est surmonté d’une petite gloire : de ses rayons jaillit un triangle (image de la Sainte Trinité). À gauche, un calice surmonté d’une hostie repose contre les tables de la Loi, les Évangiles et deux crucifix. Sur l’un d’eux, nous retrouvons le serpent vaincu. A droite nous est présentée une évocation de l’amour divin miséricordieux à travers le Sacré-Cœur de Jésus (tel que le décrivit sainte Marguerite-Marie Alacoque après ses visions de Paray-le-Monial) d’où jaillissent deux rameaux de feuillages, de fleurs et de grenades éclatées, ce fruit représentant l’Église (ecclesia – communauté des croyants). La grenade peut aussi symboliser la prêtrise (elle porte des fruits riches dans sa peau dure) ou le Christ lui-même (les plaies de la Passion). »
De la chaire à prêcher à l’ambon contemporain, lieu de la Parole de Dieu
Depuis le Concile de Vatican II (1962-1965), le prêtre ne monte plus en chaire pour prêcher ; il s’adresse à l’assemblée des fidèles devant l’ambon. L’ambon, du grec anabaïnein « monter », est un pupitre fixe, placé dans le chœur à proximité de l’autel, légèrement surélevé, pour les lectures, la proclamation de l’Évangile, l’homélie et la prière universelle, au cours de la messe. Pour accomplir une si grande œuvre, le Christ est toujours présent à son Eglise, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe…Il est là présent dans sa Parole, puisque lui-même parle pendant que sont lues dans l’Eglise les Saintes Écritures. Constitution sur la sainte liturgie n° 7
Cette Parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit, dit le Christ, Luc 4, 18-21. Ce lien entre Parole et Eucharistie est sensible dans le récit des pèlerins d’Emmaüs, quittant Jérusalem tout tristes ; Jésus vint à leur rencontre : Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » Luc 28, 30-32
La messe comporte comme deux parties : la liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique ; mais elles sont si étroitement liées qu’elles forment un seul acte de culte. En effet, la messe dresse la table aussi bien de la parole de Dieu que du Corps du Christ, où les fidèles sont instruits et restaurés (PGMR 28).
Le mobilier liturgique contemporain se compose de l’autel, de l’ambon et du siège de la présidence. Créé par le maître-orfèvre géorgien Goudji, ce mobilier orne le chœur de l’abbatiale Saint-Philibert de Tournus (71).
Ma félicitation par la publication du nouveau número de Narhex. Pour moi très intéressantle texte de Martine Petrini-Poli « Évolution du mobilier liturgique : de la chaire à prêcher à l’ambon »-
Mes compliments
Nazaré Escobar