Achevée en 1710 par Robert de Cotte, au terme d’un chantier entrepris par Jules Hardouin-Mansart en 1687, la Chapelle royale de Versailles, fruit d’une longue maturation, représente sans doute la partie la plus aboutie du Château. Des efforts financiers considérables ont été consentis (plus de deux millions et demi de livres) afin de permettre sa réalisation, alors que la France était engagée dans la guerre de Succession d’Espagne.
La noblesse de son architecture et la qualité exceptionnelle de sa décoration font de cette chapelle un des grands chefs-d’œuvre de l’art sacré. Conformément à la tradition des chapelles palatines, elle comporte deux niveaux. La tribune principale, au-dessus de l’entrée, était réservée à la famille royale, les tribunes latérales aux princes du sang et aux principaux dignitaires de la cour ; les autres fidèles se tenaient au rez-de-chaussée.
Conçu par Clicquot et Tribuot, l’orgue est placé dans la tribune située au-dessus du maître-autel. Son plus illustre titulaire fut François Couperin. La chapelle dédiée à saint Louis, ancêtre et saint patron de la famille royale, est le dernier édifice construit à Versailles sous le règne de Louis XIV. Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, elle servit de cadre aux cérémonies religieuses de la cour de France.
Les premières chapelles du château
On ne sait presque rien du petit sanctuaire aménagé ou remanié en 1663 (à l’emplacement de l’actuel cabinet intérieur de Madame Adélaïde), ni de la chapelle qui lui succéda en 1670 (à l’emplacement de l’actuelle salle des gardes de la Reine). En revanche, sous la direction de Charles Le Brun, un magnifique décor fut entrepris pour la chapelle de 1672 (à l’emplacement de l’actuelle salle du Sacre) : retable peint et sculpté, double ordonnance de pilastres et colonnes, grande voûte entièrement peinte et buffet d’orgue à deux corps. Probablement à cause des travaux d’agrandissement du palais, la chapelle de 1672 fut condamnée à disparaître huit années à peine après son édification. Elle constitua néanmoins une brillante préfiguration de la réalisation définitive.
La chapelle de 1682
La quatrième chapelle du château fut conçue comme provisoire (à l’emplacement de l’actuel salon d’Hercule) : c’est ce qui explique son décor relativement sommaire, à l’exception des motifs d’anges, du retable du maître-autel (aujourd’hui dans l’église paroissiale de Marly-le-Roi), de la chaire à prêcher et des tableaux des trois autels secondaires. Cette chapelle fut néanmoins régulièrement utilisée de 1682 à 1710, jusqu’à l’achèvement du sanctuaire définitif. Bourdaloue et Massillon y prêchèrent à plusieurs reprises et de nombreuses cérémonies s’y déroulèrent, comme les grandes fêtes de l’ordre du Saint-Esprit en 1688-1689, le mariage du futur Régent en 1692 ou celui du duc de Bourgogne en 1697.
Le chantier de la chapelle définitive
En 1684-1685, une chapelle de plan centré fut entreprise au milieu de l’aile du Nord. Probablement parce qu’il eût été trop imposant au regard de l’ensemble du château, le projet d’Hardouin-Mansart fut abandonné dès 1686, mais inspira le Dôme des Invalides à Paris : il en demeure une suite de gravures par Le Blond. L’emplacement définitif fut trouvé en 1687, à l’extrémité méridionale de l’aile du Nord ; le chantier fut de nouveau entrepris, avant d’être brutalement interrompu en 1689. Parallèlement, le projet devait encore évoluer : ainsi, la hauteur de l’édifice fut progressivement accrue, une ordonnance de colonnes fut substituée aux arcades du premier étage, les parois perdirent leur revêtement de marbres polychromes. En 1699, lors de la reprise du chantier, à quelques détails près, le parti définitif avait été arrêté.
La chapelle de 1710
Fruit d’une exceptionnelle maturation, le sanctuaire définitif se signala par son immense voûte peinte, sur le thème de la Trinité, par une sculpture omniprésente et par un mobilier d’un raffinement extrême. Deux architectes, huit peintres, cent dix sculpteurs furent mobilisés pour concevoir et réaliser le dernier grand chantier de Louis XIV. Au-dessus du maître-autel, une place privilégiée fut octroyée à l’orgue et aux musiciens chargés d’exécuter chaque jour des motets polyphoniques pendant la messe du roi. La passion de Louis XIV pour la musique fit de la chapelle de Versailles une tribune d’excellence, réputée en France et à l’étranger, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Louis XIV ne connut sa chapelle que les cinq dernières années de sa vie. Les plus grandes cérémonies qui s’y déroulèrent furent celle de l’ordre du Saint-Esprit en 1724, le mariage du Dauphin en 1745 et celui du futur Louis XVI en 1770. Les successeurs de Louis XIV eurent à cœur d’entretenir avec soin l’édifice reçu en héritage, dont ils firent compléter ou renouveler le mobilier en restant fidèle à l’esprit qui avait présidé à sa création.
Sur le budget total d’édification de la Chapelle royale (deux millions et demi de livres), près d’un million fut affecté au décor peint et sculpté, réalisé pour l’essentiel entre 1708 et 1710. Les artistes ont travaillé sous la direction des architectes Hardouin-Mansart puis Robert de Cotte, et ont créé un lieu phare de l’art religieux français, où fusionnent architecture, peinture et sculpture, en une forme de manifeste de la foi de Louis XIV.
Servie par l’architecture de l’édifice, une lecture d’ensemble permet d’opposer le cycle douloureux de la Passion, traité au rez-de-chaussée, à la vision glorieuse de la voûte polychrome, l’étage royal, d’une blancheur lumineuse, constituant comme un espace intermédiaire. Quelques figures particulièrement symboliques sont présentes dans le décor : le roi David, l’empereur Constantin, Charlemagne, mais surtout saint Louis et bien évidemment Louis XIV. Probable héritage du projet de Le Brun pour la chapelle de 1672, l’idée de disposer des peintures à la voûte s’est affirmée au cours du chantier. Les peintures de la voûte représentent les trois personnes de la Trinité : au centre le Père Eternel dans sa gloire apportant au monde la promesse du rachat, par Antoine Coypel, dans le cul de four de l’abside la Résurrection du Christ, par Charles de La Fosse ; au dessus de la tribune du Roi, la Descente du Saint-Esprit sur la Vierge et les apôtres de Jean Jouvenet.
Entre les fenêtres hautes, les douze prophètes préfigurent les douze apôtres, représentés aux plafonds des tribunes latérales. Le caractère sacral du souverain français est mis en lumière par la représentation du Saint-Esprit au-dessus de la tribune du roi. La sculpture anime partout la paroi de reliefs délicats et subtils. En dehors de la tribune de la Musique, où Lapierre conçut des trophées sur le thème de la musique, la nef constitue l’aboutissement du décor sculpté, chaque pilier étant consacré à l’évocation d’un épisode de la Passion. Chacun d’eux est traité selon deux langages distincts : allégorique et mystique pour le relief d’écoinçon, plus explicite, pour le trophée sous-jacent. Cent dix bas-reliefs au rez-de-chaussée de la chapelle décorent les trophées religieux qui vont du simple trophée ecclésiastique, composé plus ou moins librement d’attributs du culte et de la hiérarchie catholiques, au trophée historié intégrant à la chute des attributs un médaillon ou un cartouche illustré. A l’extérieur, vingt-huit statues d’apôtres et évangélistes, Pères de l’Église et allégories de vertus chrétiennes, ont été disposées après 1705 sur la balustrade.
Le mobilier
Parfaitement intégré au programme d’ensemble, le maître-autel est placé dans l’arcade du sanctuaire, entièrement occultée par la gloire du retable. L’ensemble fut réalisé en bronze doré par Corneille Van Clève en 1709 et 1710. Le bas-relief de La Déploration du Christ mort placé en antependium, constitue l’aboutissement du cycle de la Passion sculpté sur les piliers. Neuf autres autels ont été construits dans la chapelle et sont dédiés au Saint-Sacrement, à la Vierge et aux principaux patrons de la famille royale (saint Louis, sainte Anne, sainte Thérèse, saint Philippe, saint Charles, sainte Victoire et sainte Adélaïde). Quatre de ces autels sont dotés de retables peints, les autres ne sont décorés que de reliefs de bronze, fondus sous le règne de Louis XV.
Le dallage polychrome de marbre de la chapelle était entièrement recouvert de tapis, lors des grandes fêtes. Rien ne subsiste aujourd’hui des ensembles de paramentique et du trésor d’orfèvrerie constitués pour la chapelle. Ces merveilles étaient pour l’essentiel conservées dans la sacristie, où seuls demeurent aujourd’hui les meubles destinés à les accueillir.
De même les stalles de bois délimitant le chœur liturgique ont été retirées, ainsi que la chaire à prêcher en bois doré. Les bas-côtés et le déambulatoire accueillaient sept confessionnaux de bois sculpté et doré, d’un décor extrêmement raffiné, également perdus.
À partir de 1709, quatre oratoires privés, à l’usage du roi et de sa famille, en bois sculpté et doré, garnis de vitrages, étaient installés à l’extrémité occidentale des bas-côtés et de part et d’autre de la tribune du Roi.
L’orgue
L’orgue de la Chapelle royale a été achevé en 1710. Il a été construit par Robert Cliquot et Julien Tribuot et modifié sous Louis XVI. C’est l’élève de Cliquot, Dallery, qui le restaure une première fois au XIXe siècle. En 1872, Cavaillé-Coll en fait un orgue romantique avant qu’il ne soit restitué à son état supposé d’origine en 1936-1937 sous l’impulsion du courant néo-classique. En 1995, la dernière restauration est effectuée par J-L. Boisseau et B. Cattiaux. Prolongeant le retable du maître-autel, le buffet d’orgue fut réalisé, sous la direction de Jules Degoullons, d’après un modèle défini par le sculpteur Philippe Bertrand. Outre le relief du volet central, Le roi David, les motifs les plus remarquables sont les quatre trophées d’instruments de musique, ainsi que les deux palmiers d’angle, d’esprit déjà rocaille. De part et d’autre du buffet, les gradins, d’un modèle assez simple, furent entièrement refaits pour pouvoir accueillir les effectifs de la Musique du Roi.
Les visites traditionnelles du château de Versailles ne permettent pas de découvrir pleinement cet édifice, l’accès n’y étant pas autorisé. Ainsi, pour pouvoir entrer dans la chapelle et y découvrir toutes ses richesses de plus près, n’hésitez pas à assister aux concerts régulièrement donnés ! Toutes les informations sur le site : Versailles Spectacles. De nombreux concerts et spectacles mettent à l’honneur le Roi Soleil à l’occasion du tricentenaire de sa mort !