C’est dans une résidence d’artistes au cœur de Paris, près d’un joli parc verdoyant et à l’écart du bruit et de l’agitation que nous avons rencontré l’artiste peintre Raphaëlle Pia. Chaleureuse, l’artiste avait réorganisé son atelier pour nous offrir une petite exposition privée. De grandes toiles étaient accrochées sur les murs et nous pouvions déambuler tranquillement pour les découvrir.
C’est ainsi que nous avons commencé cette rencontre. Silencieux, nous avons scruté chacune de ses toiles. Par un étroit escalier, nous pouvions monter vers un petit étage où nous découvrions d’autres trésors artistiques. L’atelier de Raphaëlle Pia regorge de toiles, de pinceaux, de couleurs. De multiples taches se répartissent sur le sol, témoins de la libre gestualité de l’artiste.
Une chose nous frappe immédiatement à la vue de ses œuvres : la couleur. Car l’obsession de Raphaelle Pia, c’est bien cela : capter les rapports de couleurs. Elle s’en délecte, va la chercher au cœur même de la nature, son sujet de prédilection : « Je suis revenue « sur nature » pour qu’elle m’épaule » dit l’artiste. « J’ai admis qu’elle est infiniment plus inventive que moi et je crois toujours ».
Elle saisit les nuances pour les décliner à l’infini. A l’aide de petites aquarelles qu’elle peint directement sur nature, elle cherche à capter la lumière et les couleurs naturelles dans leur rapport de quantités. Elle part en forêt, s’arrête à certains de ces moments qui l’a saisissent, scrute le paysage et reproduit en quelques minutes ce qu’elle voit. C’est ensuite, dans son atelier, qu’elle retravaille, sur des toiles de grands formats, ce qu’elle a pu saisir sur ses carnets d’études. Lors de notre rencontre, nous avons pu admirer plusieurs toiles représentant des forêts peintes sous toutes les coutures. Des forêts verdoyantes ou des bois sombres et profonds à la nuit tombée.
A l’étage, c’est encore la nature qui nous environne avec des aquarelles et des toiles d’une douceur incroyable représentant la Baie de Somme. En effet, pour une artiste passionnée par la beauté des paysages, comment ne pas tomber sous le charme de tels spectacles ? Dans chacune de ses toiles, elle emprisonne la lumière pure, le paysage désertique et horizontal.
A côté de ses « natures », et dans un tout autre registre, nous pouvions admirer des « entrelacs » comme elle aime les nommer. En grande amoureuse et connaisseuse de l’art roman, elle aime les tympans qui parlent de l’Homme. Davantage attirée par les représentations de l’Enfer et des monstres qui dévorent les humains, elle en a croqué de nombreux ou fait des copies évocatrices en bois, sortes de tampons, qui, ensuite appliqués sur certaines parties des toiles, laissent des empreintes vaguement répétitives. pour ensuite les reproduire sur ses toiles. Elle transpose les monstres choisis sur la toile à travers de multiples entrelacs, où ils se devinent à peine. Le tout dans cette recherche colorée savante qui ne la quitte pas.
Ce qu’elle aime avant tout, c’est manipuler la matière et expérimenter. Dans une volonté de toujours s’améliorer, d’évoluer, elle a multiplié les techniques au fil de sa vie. « Comme pour bien des artistes, si on pouvait mettre bout à bout toutes mes peintures, on comprendrait mon évolution. Ce n’est que vers la fin du parcours qu’il est possible de faire cette mise en perspective. » dit-elle. Il lui arrive ainsi de réinterpréter d’anciennes œuvres. Certains dessins qu’elle avait réalisés dans un premier jet sur une feuille de papier, elle les découpe et les recompose.
Elle développe ses propres techniques lorsqu’elle sent qu’elle peut s’y épanouir. Certaines de ses œuvres, comme « Les Grandes Fleurs », sont produites par pliages. Parfois, elle déverse de grandes quantités d’eau sur la peinture qu’elle vient d’appliquer et laisse faire le hasard. Elle aime ce jeu esthétique de la flaque et ne cherche pas le rigoureusement exact. Elle cherche l’effacement ou l’estompage des couleurs et se laisse surprendre par l’évolution de la matière. Toujours inspirée par la nature, elle ne s’accroche pas à une figuration pure et dure. Elle laisser jouer le hasard sans pour autant aller vers une totale abstraction. La justesse qu’elle cherche c’est la restitution du sentiment né sur nature.
Modeste durant toute la durée de notre rencontre, Raphaëlle Pia affirme ne pas chercher à faire passer un message particulier, mais plutôt une sensation... Son inlassable émerveillement pour des artistes qu’elle admire, au fil des expositions qu’elle fréquente assidument, fait d’elle une artiste attachante. Toujours prête à se remettre en question, elle semble n’avoir pas fini de faire évoluer sa peinture. Une manière de se chercher soi-même ?
Caroline Becker