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Née à Montpellier, diplômée de l’Ecole d’Arles en 2005, Fanny Allié s’est installée à New-York où son travail est depuis largement reconnu et fait régulièrement l’objet de commandes et d’expositions. L’espace urbain, son contexte géographique et social, la présence et la voix de ceux qui n’ont pas l’habitude de se faire entendre sont des axes majeurs de ses œuvres qui interpellent toujours ceux qui les regardent.
Ce n’est pas la première fois que Fanny Allié présente son travail dans l’église Saint-Eustache. Les paroissiens se souviendront certainement des cinq silhouettes lumineuses, le corps dressé à la verticale, la tête levée vers le ciel dans une position d’attente qu’accompagnait également une vidéo et des sculptures (2). Dessin stylisé ou bien forme aux contours vagues, le principe de la silhouette donne une représentation à la fois précise et imprécise de son sujet : à celui qui regarde d’en projeter la signification. Ici, associée au banc sur lequel elle est allongée, cette silhouette évoque immédiatement un sans-abri en quête d’un lieu de repos éphémère, un espace d’où il sera tôt ou tard délogé. Et pourtant, dans l’esprit de l’inventeur de ce mobilier urbain apparu au XIXème siècle, le banc public avait aussi été conçu pour avoir une fonction de lien social et d’échanges. Depuis les bancs, comme bien d’autres lieux en ville, sont devenus des espaces d’où l’on chasse les sans domicile fixe à l’aide de trouvailles bien souvent agressives (3). Renouant à sa façon avec la fonction première de cet espace de repos, Fanny Allié, en collaboration avec les associations du quartier des Halles, a enregistré les chants de personnes de la rue ayant accepté de participer et pour diffuser ces traces sonores en accompagnement de son œuvre. Par ce projet sonore, je souhaite faire appel à de possibles souvenirs communs entre le public et les participants, convoqués par ce que les différentes chansons peuvent faire résonner en chacun de nous, explique t-elle.
Pour dessiner la silhouette de Glowing Homeless, Fanny Allié a fait le choix du néon, une invention scientifique dont l’usage fut tout d’abord essentiellement publicitaire pour devenir ensuite un médium artistique à part entière. Ce choix, qui évoque la ville et sa vie nocturne, peut paraitre paradoxal. La lumière n’est-elle pas dans l’art classique traditionnellement réservée aux représentations du pouvoir royal ou divin. Mais la lumière a aussi une autre fonction, celle de rendre visible ce qui est dans l’ombre, ignoré, voire laissé pour compte. En habillant de lumière une silhouette anonyme et sans gloire, l’artiste nous invite à reconsidérer notre rapport à autrui et à lui donner un autre statut. « Quand t’avons-nous vu étranger et t’avons-nous accueilli chez nous » demandent les justes dans l’Evangile ? Et le roi de répondre « ce que vous avez fait au plus petit d’entre vous, c’est à moi que vous l’avez fait ».Avec cette œuvre, riche de sens, ne peut-on pas voir aussi dans cet homme, seul, en situation de précarité mais habillé de lumière, une évocation symbolique du Christ, Dieu de lumière, né pauvre parmi les pauvres.
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