Son œuvre, qui se décline en noir et blanc, emprunte à la dramaturgie de l’existence ses aspects les plus sombres. Pourtant l’espoir renaît à la faveur de la rédemption et dans la blancheur du sépulcre inondé de lumière, l’on devine déjà la figure d’un Christ transfiguré. Dépouillé des ténèbres qui l’ont accompagné jusqu’au trépas, il proclame la victoire de la vie sur la mort. C’est la puissance du Verbe incarné, source de justice et d’amour.
L’image saisissante de ces corps expirants sur la croix, de ces trois croix, où, figure centrale du supplice, un Dieu incarné partage au plus haut degré la souffrance humaine et l’ignominie des choses coupables, nous renvoie à la vérité de notre condition. D’abord physique, puis métaphysique, quand surviennent les affres de l’agonie, la souffrance et l’angoisse qui transpirent de la toile nous arrachent à la quiétude paisible de notre humanité passive. Ces peintures en majesté, offertes à notre regard terrifié, sont là pour nous interpeler. Elles nous signifient que notre avenir passe par les portes du trépas, source de tout espoir en dépit des apparences. C’est le message chrétien.
Le traitement charnel des corps, enveloppés de blessures et de douleur, qui traduit avec ostentation la fragilité de toute chose humaine, loin d’abuser de notre compassion, sollicite au contraire notre sensibilité profonde, réceptive à son langage. L’émotion qui n’est pas seulement intellectuelle, est alors partagée dans une communion d’espèces, où chacun se reconnait dans l’autre, où chacun est un morceau du Christ.
Plus saisissante encore est la couronne d’épines de ce messie conspué, coiffure indécente, ornée de dards, couronne d’infâmies ornant le crâne lacéré du roi des rois comme pour nous révéler le véritable visage de l’humanité souffrante soumise au laser d’un regard ! L’on comprend alors soudain la vérité de ce Dieu dont les larmes sont les nôtres et dont l’amour révélé vient éclabousser nos vies à travers ce sacrifice inimaginable pour nos esprits entravés !
Et comment rester insensible au « lait de l’humaine tendresse » si flagrant dans l’expression de cette mère tenant son enfant contre elle, le berçant dans la chaleur maternelle d’un inconditionnel amour… La gestuelle, la perception de la tendresse et la traduction de l’amour tiennent au talent de l’artiste certes, mais également à sa démarche intérieure, puisée à la source des épreuves personnelles qui lui ont permis de grandir et de percevoir la beauté de la vie.
Et que dire encore de ce profil d’homme, perdu dans ses doutes et ses questions, dubitatif, mais habillé de cette humanité qui le rend accessible à tous, maître de la compassion, prototype de tous ceux qui cherchent avec indulgence et humilité la voie de leur destinée terrestre ? Les vides et les pleins, l’habileté à travailler les volumes, peindre le noir sur le blanc, tailler au couteau dans la matière, la rigueur apprise au contact de Jean Nouvel, ont permis à l’artiste d’exprimer avec subtilité les nuances les plus touchantes de l’expérience humaine.
C’est aussi le cas de cette figure de Jeanne d’Arc, dont Dieu connaît la pureté de cœur et d’âme, mais que les hommes mettent à mort, assassinant l’innocence et la foi, crucifiant une nouvelle fois l’amour offert en expiation au monde aveuglé par ses passions. L’innocence bafouée dort au cœur de l’humanité. Elle rachète les péchés du monde.
cette exposition est organisée par l’association Art & Culture du diocèse de Rouen dans le cadre du festival Courant d’Art 2025.
Philippe PRIOL
