
Elle est intitulée « Looking for Paradise » [1]. C’est un prototype réalisé par Stephan Breuer, premier artiste conceptuel contemporain à entrer, au Musée du Louvre. Il fait partie de cette génération d’artistes qui étudie les potentialités artistiques du numérique. Rien d’étonnant donc à ce que le peintre soit un des premiers à investir le Louvre. En réalité, l’artiste travaillait déjà sur une série d’anges à travers l’histoire générale de l’art et le Louvre a accepté cette demande originale, a compris le pourquoi d’une certaine posture expérimentale, d’accéder à un tableau en particulier, et de prendre une photo d’un ange peint sur un tableau de Rembrandt. Cette reproduction a ensuite été posée sur une structure métallique qui permet d’explorer, des structures presque fractales pour en faire un tableau lumineux. Par ailleurs, aujourd’hui avec l’essor de l’I.A. et des technologies de création rapide (l’impression en 3D.), il n’a jamais été aussi simple de reproduire une œuvre. La relation avec le musée du Louvre qui a conservé cette œuvre est très importante car elle permet de certifier l’authenticité d’une telle création. En tout cas, c’est un gage de sérieux. Breuer s’engage aussi avec l’ajout d’une puce électronique, au revers de sa création, à dire qu’il y a un véritable enjeu de sa part dans les notions de pérennité et de sécurité contre le vol d’images. Breuer certifie par cette sorte de signature électronique, l’origine de son œuvre et qu’il en est bien l’auteur. Le processus de dématérialisation peut alors s’enclencher car l’œuvre n’existera que dans l’esprit de celui qui la regardera. Nous sommes bien à la lisière de la performance des arts visuels pour révéler un Indicible. Ailleurs, dans la peinture des grands siècles des anges de tout acabit annonciateurs, messagers, gardiens, musiciens habitent en nombre et suivent une évolution iconographique propre à leur période, l’art chrétien : « Qu’ils soient hiératiques chez les primitifs italiens, enfantins chez Fra Angelico, ou plus ambigus chez un Caravage, ces émissaires célestes ont offert aux génies de la peinture leur plus beaux morceaux de bravoure. » [2] Alors, en nous proposant de réfléchir à nouveau à la figure de l’archange Raphaël, prétexte à l’élaboration d’une pensée originale, d’une initiation mentale qui différencie le matériel et l’immatériel, qui questionne notre relation entre conscience et inconscient, entre le physique et le mental, le monde terrestre et le monde céleste sur un fond essentiellement d’or, Looking for Paradise, reprend dans son procédé de fabrication, une série de dispositifs, de performances et de spectacles du même nom pour proposer une expérience intime et cognitive rappelant que notre regard sur cette œuvre requiert un maniement subtil et une grande connaissance aux formes d’émancipation et d’affranchissement de nos conditions de soumission à la Loi divine. Pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien ? L’univers est-il vraiment infini ? De quoi est composé ce paradis que Stéphan Breuer nous invite à regarder ici par l’intermédiaire. d’un être spirituel, messager des volontés divines ? En effet, depuis toujours on a inventé des récits et des mythes pour faire face au vertige de notre ignorance sur la composition des cieux où se logerait le paradis, plus globalement l’univers. Les historiens confirment que certaines traditions présentes en Mésopotamie, représentent bien des êtres bienveillants qui assurent notre protection contre d’autres : des anges déchus, des anges noirs, des diables, des Lucifers, des dragons même qui habitent plutôt un lieu nommé Enfer. Parmi les dieux babyloniens, on retrouve un être hybride mi- taureau, mi- homme avec deux ailes sorte de séraphins ou de chérubins-messagers divins. Ce sont pour la plupart des êtres protecteurs garantissant ce fameux ordonnancement invisible et secret du monde par les archives de leur présence. Les anges et archanges ont aussi cette double fonction de protection et de communication, d’expression de la bonté divine envers les hommes. Ce sont souvent des personnages masculins, même si une contreverse fictive de longue date élaborée vocifère que les anges n’ont pas de sexe. Un ange serait une créature céleste et spirituel, un intermédiaire entre Dieu et les hommes qui assurent notre protection et qui est présent dans les religions juive, chrétienne et musulmane.
Looking for Paradise est désormais plus qu’une simple œuvre d’art à contempler comme une icône, plus qu’une simple expérience visuelle contemplative, plus qu’une frontière entre l’art optique et l’art vidéo qui explorerait des liens historiques et théoriques dans les images archétypales des anges, plus qu’une incursion virtuelle dans l’œuvre de Rembrandt [3] ou une reconstruction du fameux tableau par digitalisation ; c’est aussi une méditation qui nous invite à chercher, notre paradis intérieur par le biais d’un intercesseur qui est le chef des anges. Dans la représentation de Breuer, l’archange est une couleur lumineuse dans un moment hors du temps perdu dans l’or de son traitement, pour mieux mettre en lumière les rapports entre l’homme et Dieu. L’or est un métal précieux d’une extrême malléabilité et paradoxalement le prémices pour une grande attention au réel, au corps et au rapport au monde sacré. Dans le tableau de Rembrandt, l’archange peint de dos pour indiquer son éloignement de la terre est peint au contraire dans un clair-obscur qui le met en lumière.
« Le travail sur les icones cherche à se connecter au divin bien sur –je ne vais pas m’en cacher-Il y a une quête spirituelle très forte dans mon travail. » conclue Stéphan Breuer.