L’artiste et son œuvre sculpté
En l’année de la Sainte Famille (2021-2022), la paroisse Notre-Dame de l’Arche d’Alliance, sous la direction du père Vincent Guibert, son curé, a décidé de mettre en valeur, par un éclairage choisi, une sculpture de l’artiste polonais Józef Pyrz (1946- 2016), représentant Saint Joseph en sommeil, (passage entre le 81, rue d’Alleray et le 41, rue de la Procession). Cette mise en lumière est l’occasion de (re) découvrir cet artiste discret mais prolifique.
Józef Pyrz (17 février 1946-24 septembre 2016) sculpteur, poète et philosophe, est né à Gawłówek en Pologne (Fig.1). Il a vécu et travaillé en France depuis 1979 jusqu’à sa mort. Converti au catholicisme dans sa jeunesse, il a suivi des études de philosophie à l’Académie de Théologie catholique de Varsovie (1965-1969). Il définissait ainsi son art, au service de la Parole : « Mon ambition n’est pas d’être un artiste. Le plus important est la Foi. Certains la chantent, l’écrivent. Moi, je la sculpte… La sculpture, qui se déploie dans le temps et dans l’espace, est œuvre d’éternité. »
A l’instar de nombre d’églises parisiennes, Notre-Dame de l’Arche d’Alliance (81, rue d’Alleray 75015) accueille, depuis 2005, une sculpture de cet artiste qui lui avait donné pour titre : « Saint Joseph en sommeil » (Fig. 2). Elle avait été offerte par Mgr Michel Aupetit, alors curé de Notre-Dame de l’Arche d’Alliance. Comme l’on dit que la nature en hiver est « en sommeil » dans l’attente du printemps, saint Joseph porte en lui la promesse de la germination du Salut (ce que déploiera le motif de l’arbre de Jessé dans l’art – cf. articles sur Narthex.fr). L’enfant que porte Marie, sa fiancée, est le Messie tant attendu par Israël. Mais il est bien difficile pour Joseph de comprendre les desseins de Dieu et l’Ange du Seigneur sera son guide tout au long des évènements entourant la naissance de Jésus.
Les textes fondateurs
Dès le début de son Évangile, saint Matthieu nous dit que les « engendrements » de Jésus (ceux qui composent sa généalogie) s’enracinent profondément dans l’Ancien Testament. Joseph, époux de Marie, a pour père Jacob et pour ancêtre le roi David. Joseph, Jacob sont autant de grands noms dans ce premier Testament. Ils annoncent le destin de Joseph, père de Jésus. Il faut noter que Joseph comme Jésus seront nommés « Fils de David » (c’est le titre donné huit fois à Jésus dans l’Évangile selon saint Matthieu).
Selon le livre de la Genèse, Jacob, le patriarche, eut pour fils préféré Joseph, un homme aux songes qu’il interprétait au nom de Dieu (Gn chapitres 37-42). Dans l’Évangile selon saint Matthieu, Joseph le juste, fiancé de Marie, est aussi un homme aux songes.
Par quatre fois, alors que la situation de sa famille est cruciale et qu’il s’interroge, l’Ange du Seigneur lui apparaît en songe et le guide (Fig.3).
D’abord, devant ses doutes concernant la grossesse de Marie qu’il n’a pas connue charnellement, l’ange se fait rassurant : l’enfant qu’elle porte est le fruit de la puissance de l’Esprit Saint.
Ensuite, lorsque Jésus nouveau-né est menacé de mort par le roi Hérode, l’ange enjoint Joseph de conduire sa famille en Egypte et d’y demeurer à l’abri (ce qui permet de tracer d’autres parallèles avec l’histoire du patriarche Joseph – Gn 39).
Enfin lorsque le temps a passé, l’ange lui apprend la mort du roi Hérode ; il le fait se lever et il le met en route pour reconduire sa famille en terre d’Israël. Une fois arrivés, Joseph apprend, par un quatrième songe, que le roi Hérode est remplacé, en Judée, par son fils Achelaüs, l’ange l’envoie alors s’établir avec sa famille à Nazareth dans la Galilée des Nations (Évangile selon saint Matthieu aux chapitres 1 et 2).
Saint Joseph s’interroge, écoute et met en œuvre la Parole de Dieu ; mais l’Évangile de saint Matthieu ne nous rapporte aucune de ses paroles.
Une sculpture qui ne réussit pas à oublier qu’elle est d’abord un tronc d’arbre.
Józef Pyrz a représenté saint Joseph à l’horizontale, dans l’impuissance du sommeil, comme peuvent être couchés les malades, les sans-domicile, les victimes, les morts, mais aussi ceux qui goûtent le repos.
Marie sera représentée couchée après la naissance de Jésus, par les artistes comme Giotto (1304-1306, Chapelle des Scrovegni, Florence, Fig. 4), ou encore par l’art traditionnel des icônes de la Nativité. Dans cet allongement du corps au repos, Joseph, comme Marie, sont dans une position d’humilité, de vulnérabilité même. Ces grandes figures de la foi nous enseignent que nous reconnaître impuissants, vulnérables, pécheurs, tout en étant à l’écoute, est la condition nécessaire pour recevoir le don de Dieu, qui seul peut nous relever (autre mot pour dire ressusciter).
Sculpter l’arbre comme en Paradis retrouvé
Józef Pyrz disait de ses œuvres qu’elles étaient des « sortes de panneaux indicateurs, (qui) ne font que nous montrer le chemin, il ne faut pas s’arrêter là. » Il a beaucoup sculpté le bois, laissant souvent les troncs se dresser vers le ciel pour rappeler que ces sculptures ont d’abord été des arbres vivants. Il transformait ce matériau brut en autant de rappels de l’arbre de Paradis, qui s’enracine dans la terre comme au ciel.
« Il m’est arrivé qu’un après-midi,
sortant de la maison,
je ressentis un souffle velouté et chaud
comme si quelqu’un
me caressait le visage
et je me demandais :
Quelqu’un m’aurait-il touché ?
Ou est-ce le premier souffle du printemps ?
Mais c’était le vent
dont le parfum embaumait le jardin
que Tu nous as donné en donnant la vie. »
Józef Pyrz (© site du Centre spirituel de la Pomarède)
L’Ange fait corps avec saint Joseph en sommeil, ils ne font qu’un dans le bois dont ils sont sculptés. Cette œuvre nous invite à reconnaître la présence de Dieu en nous pour suivre, à notre tour, l’injonction de l’ange : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa Mère » (Mt 2, 13). A l’image de Joseph le juste, nous aussi, en Eglise, nous sommes conviés à prendre avec nous Marie et à faire habiter son enfant en nos maisons-églises, pour vivre de la Vie éternelle.
Sylvie Bethmont-Gallerand
Remerciements aux pères Jean-Marc Pimpaneau, Jean-Emmanuel Garreau et à madame Cécilia Ruyssen.
Pour aller plus loin :
Sur l’arbre de Jessé :
« La fleur de Dieu, issue de l’Arbre de Jessé, Vitraux de Carole Benzaken », Sylvie Bethmont-Gallerand, Narthex.fr, 2021.
« Arbre de Jessé, Arbre d’Espérance, Arbre de Solidarité », Paul-Louis Rinuy, Narthex.fr 2020.
https://www.narthex.fr/news/en-avent-vers-noel-2021-a-la-lumiere-de-lart-avec-narthex, «
Sur les œuvres de Józef Pyrz :
« L’épiphanie de la Parole dans la Nativité, œuvre de Joseph Pyrz, une allégorie de la liturgie de la Parole », P. Jean-Emmanuel Garreau, avril 2008.
« Sculpter pour vivre le mystère chrétien », Pauline Quillon, Paris-Notre-Dame, 25 mai 2016.
Pour voir d’autres œuvres de Józef Pyrz :
Le Centre d’arts, et calendrier universel de la paix, situé à Schorbach (Moselle), au lieu-dit « Grosser Garten », présente une exposition permanente d’œuvres de Józef Pyrz.
Le site de la Pomarède avec commentaires des sculptures en bois, bronze et pierre de Józef Pyrz qui ornent son sanctuaire.
De nombreuses églises parisiennes possèdent une œuvre de Józef Pyrz :
Notre-Dame des Nations à N.-D. du Rosaire (XIVe), Ave Maria à N.-D. de la Croix de Ménilmontant (XXe) (Fig. 5), Sainte Thérèse, l’Église-Épi de blé et Notre-Dame du Silence à N.-D. de la Gare (XIIIe), Prière de Moïse à St-Merry (IVe), Sainte Rita au Sacré-Cœur de Montmartre (XVIIIe), Descente de la Croix à St-François de Sales (XVIIe), Saint Joseph à N.-D. du Perpétuel Secours (XIe) (Fig. 6) et Saint Joseph en sommeil à N.-D. de l’Arche d’Alliance (XVe) (Fig. 2).
Fig.6 Józef Pyrz, Joseph le Juste, (2003), Notre-Dame du Perpétuel Secours, Paris XIe