Redécouvrir saint François d’Assise
Au XVIIe siècle, la famille franciscaine, connaît une véritable renaissance, qui va de pair avec ce que l’on nomme en peinture le « siècle d’Or » espagnol.
Un même prénom réunit François d’Assise (1181/1182 – 3 octobre 1226) et Francisco de Zurbarán (1590-1664). Zurbarán a peint saint François tout au long de sa carrière et cette belle exposition du musée des Beaux-Arts de Lyon en donne un vaste aperçu. Ce sont parfois des répliques d’atelier, mais chaque œuvre présente un style, tout en retenue, qui est propre à ce peintre, allant à l’essentiel de son sujet et dont, cependant, il semble se mettre à distance. Son atelier à Séville, a produit des tableaux en séries, destinées aux églises et à des couvents. Si, à Madrid il a travaillé pour la cour, ses œuvres ont peu trouvé de place dans les palais, contrairement à celles de ses contemporains : Ribera, et son ami Vélazquez, son exact contemporain.
C’est un peintre-type de la Contre-Réforme née du concile de Trente (1545-1563).
A l’issue de sa 25e et dernière session, ce concile a édicté un « Décret sur l’invocation, la vénération et les reliques des saints et sur les saintes images » (session XXV, 3 et 4 décembre 1563). L’ordre franciscain est alors le plus important en Europe. Son fondateur et modèle, saint François (Giovanni di Pietro di Bernardone, Assise, 1181/1182 – 1226), est le premier saint stigmatisé connu.
La vie de saint François d’Assise se confond avec l’Évangile
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L’un des premiers textes relatant la stigmatisation de saint François, est, selon Jacques Dalarun, La vie de notre bienheureux frère François – publiée avant celle de la Vita Prima (Première vie de saint François) de Thomas de Celano (1229). Mais aussi bien Frère Elie de Cortone, dans sa Lettre encyclique sur la mort de saint François (1226) que Thomas de Celano annoncent cette stigmatisation comme une grande joie et un miracle nouveau. Ils rapportent que la stigmatisation est intervenue trois jours après la fête de la Croix glorieuse, le 17 septembre 1224 (Fig. 1).
François fait l’expérience de l’ouverture aléatoire du Livre des évangiles, à chaque fois il s’ouvre sur le récit de la Passion. Peu après, s’étant rendu à l’ermitage de l’Alverne :
« Il vit en vision un séraphin dans l’air, ayant six ailes, déployé au-dessus de lui, fixé par une croix par les mains et les pieds […] Commencèrent à apparaître dans ses mains et dans ses pieds les marques des clou […] De même le côté droit était-il comme transpercé d’une lance par une blessure cicatrisée ; souvent il répandait du sang [… ] L’homme de Dieu s’appliqua avec le plus grand soin à garder caché aux yeux de tous les vivants ce très précieux trésor. »
(Cité par J. Dalarun, La vie retrouvée de saint François d’Assise, Biblis, CNRS éd., 2015. Pour les stigmates p. 75-79).
Il meurt à Assise, le 3 octobre 1226 dans le petit oratoire de la Portioncule (Porziuncola) construit sur un terrain donné par les clunisiens. C’est à que le 12 octobre 1208 la lecture de l’Evangile selon saint Matthieu : « Ne vous procurez ni or ni argent, ni monnaie de cuivre à mettre dans vos ceintures, ni sac pour la route, ni tunique de rechange, ni sandales, ni bâton » (Mt 10, 9-10).
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Les stigmates furent reconnus juste après sa mort, survenue deux ans après la stigmatisation (Fig. 2). Giotto (Giotto di Bondone 1266-1337), figure par deux fois la la déploration de saint François venant de mourir, par ses Frères ( resques d’Assise et de Florence). Un homme qui n’est pas tonsuré, (est-ce un médecin, l’un des onze laïcs qui virent les stigmates juste après sa mort ?), met sa main dans la plaie du côté du saint. Il vérifie l’authenticité des stigmates. Giotto offre ici un puissant rappel visuel des paroles du Christ resuscité à saint Thomas : « avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d’être incrédule » (Jn, 20-27).
Une grande vénération post-mortem, s’est rapidement développée, dont témoignent sa canonisation très rapide en 1228 et la construction d’un complexe architectural commémoratif, sous l’impulsion de son successeur, le frère Elie, et le succès, à travers les siècles, du pèlerinage sur sa tombe que le pape Grégoire IX avait fait construire dans « une grotte sous la grand autel » de la basilique d’Assise.
« Je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus. » (Epître aux Galates 6, 17)
Cette configuration du corps de saint François à celui du Christ en sa Passion, fait de lui, selon ses biographes, un alter Christus (un autre Christ). Mais Jésus Christ est le seul instrument du Salut et cette dénomination ne sera pas acceptée par tous les membres de l’ordre.
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Une lecture lumineuse des stigmates est offerte par un grand ccrucifix peeint sur bois (anonyme) conservé en la basilique Sainte-Claire. Cette basilique, où repose le corps de sainte Claire, est la petite sœur de la basilique Saint-François. Sur le marchepied (le suppedaneum qui soutient les pieds du Christ en croix), sont peints la bienheureuse Bénédicte et sainte Claire entourant un motif bien particulier : saint François, enlacé au corps du Christ souffrant (Christus patens), pose tendrement sa joue contre le stigmate de son pied droit (Fig. 3).
Le peintre (anonyme) a représenté les plaies du Chrits comme des soleils d’où jailissent des flots de sang, fleuves de grâces et de bénédictions. Cette image, peu comune, restitue de manière sobre « l’humilité radieuse » du crucifié, imprimée dans la chair de son saint. François, par son chemin de sainteté, s’est fait « prière vivante » (selon les termes de Thomas de Celano).
Une Légende à la source des images de la découverte du corps de saint François
Pendant des siècles, la localisation du corps de saint François fut perdue. La véritable découverte des restes du saint n’a eu lieu qu’en 1818 dans la crypte de la basilique Saint-François. Il n’y avait plus que des ossements, intacts, dont l’authentification fut confirmée en 1820 par le pape Pie VII.
Alors que le corps du saint n’était plus visible, se multiplièrent, autour du corps de saint François, des récits légendaires (c’est-à-dire « bons à lire – Legenda). Selon l’un deux, le récit du cardinal Astergius, dans une lettre adressée à l’abbé Jacopo de Cavallina en 1449, le Pape Nicolas V aurait découvert, dans la crypte de la basilique, le corps de François, debout sans appui, comme momifié et portant les stigmates que le pape s’empressa de vérifier.
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Si Marco de Lisboa, reprend encore ce récit en 1557, dans sa Chronique des frères mineurs, il n’a été mis en images qu’au début du XVIIe siècle, époque de la réalisation des trois versions de l’œuvre de Zurbarán , objet de l’exposition du musée de Lyon (Fig. 4). Autour des trois versions de l’oeuvre de Zurbarán, les commissaires ont réuni une centaine d’œuvres des sculptées et peintes, gravées, ou photographiées des XVIe au XXIe siècle, aussi bien des peintures que des sculptures, des dessins, des gravures, et, au plus près de nous, des photographies ou des pièces de haute couture. Comme une couronne elles antourent les sculptures de Fernando Ortiz et Pedro de Mena.
De façon unique, ces trois version offrent le portrait de saint François debout, tel que, selon un récit légendaire, il aurait été retrouvé dans son tombeau, poursuivant, au-delà de la mort, son dialogue avec Dieu.
A suivre…
Dans un deuxième volet nous regarderons à la loupe ces trois tableaux exposés à Lyon : « Francisco de Zurbarán et François d’Assise, une rencontre. »