Mon voyage pour aller voir à Nantes le dernier travail de Pascal Convert était bien préparé et ce depuis plusieurs jours : consultation et lecture du site de l’artiste, des articles en ligne et de  ses films qui font œuvre (1). L’esprit bien plein d’images fixes, d’images animées et de textes, il n’y avait plus qu’à se rendre sur place. Le cimetière de la Miséricorde est un peu excentré mais ce n’est pas compliqué de s’y rendre. On peut préciser qu’il se situe au Nord Ouest de Nantes et abrite depuis quelques siècles, les défunts des « grandes familles » de la Ville. On l’appelle aussi le « Père Lachaise nantais ». (2) C’est dans le cadre de la manifestation « Le voyage à Nantes » (3) que Pascal Convert a été invité à concevoir une œuvre pérenne qui est maintenant inscrite dans le cadre d’une collection permanente constituée au fil des différentes éditions de la manifestation. 

Face à l’étendue remarquable du lieu, l’artiste a choisi la partie la plus ancienne du cimetière, située  tout de suite en entrant sur la gauche. Une végétation luxuriante et sauvage y joue avec la magnificence pleine de vie des tombes abandonnées. On guette bien sûr, un peu impatient, l’emplacement des quatre dalles de verre dont on a vu des reproductions et qui représentent un cerf, une biche et des faons, la famille de Saint-Eustache en quelque sorte. Et puis soudain on en découvre une puis une autre au fur et à mesure que l’on se fraie un chemin entre les herbes sauvages et les sépultures usées par ce temps qui les accompagne.

J’ai trouvé ce que je cherchais mais je ne peux que rester immobile, face à ce que je regarde, face à ces silhouettes qui me regardent dans l’épaisseur de leur stèle dont l’or a réparé les blessures. L’apparition de ces  œuvres n’a rien à voir avec tout ce que j’avais découvert sur mon écran d’ordinateur. Me revient alors à l’esprit cette phrase de Patrick Boucheron «  l’aura est l’apparition d’un lointain, quelque proche que puisse être ce qui l’évoque » (4). Proche est la présence de ces animaux « suspendus dans la profondeur du verre », mais lointain aussi ce qu’ils évoquent et remonte dans ce face à face. « Dans le berceau de leur regard ils nous accordent leur miséricorde, nous réparent des accidents du passé, de nos faiblesses, de nos oublis, nous qui continuons à vivre »…

La litanie du visible et de l’invisible vient se jouer dans la matière, mais seule notre présence physique peut en capter l’essentiel. Cependant quand Pascal Convert nous fait partager, avec une élégante générosité, les étapes de son travail et celui du maitre verrier, Olivier Juteau, qui l’accompagne (5), les récits qu’il compose sont alors des traces qui participent du chemin à parcourir, « …apparition d’une proximité quelque lointain que puisse être ce qui l’a laissée » (6).

Si le temps détruit ce qu’il n’a pas contribué à construire, il ne peut que peu de chose  face à ce qui se transmet d’âge en âge. La parole du Christ depuis plus de 2.000 années en fait foi. Je demandais récemment au Père Gautier Mornas sa définition de la « transcendance ». Il m’a répondu, non sans un certain humour mais beaucoup de profondeur : «  C’est… après ». Une définition que je garde en mémoire et qui trouve ici, avec ce que Pascal Convert a appelé « Le temps du sacré » (7), une possible manifestation.

Françoise Paviot

Dans le jardin du cimetière. Pascal Convert. Le voyage à Nantes. from Convert Pascal on Vimeo.

(1) www.pascalconvert.fr
(2) patrimonia.nantes.fr
(3) www.levoyageanantes.fr
(4) Patrick Boucheron, De l’éloquence architecturale. Editions B2 -2014
(5) https://vimeo.com/724629950
(6) opus cit.
(7) Le temps du sacré est aussi le titre de l’exposition qui a été consacrée à la présentation d’œuvres de Pascal Convert au Passage Sainte-Croix