Benoît Dutour construit son travail autour de trois piliers : CRÉER pour se sentir en vie, JOUER pour ne pas se prendre au sérieux et EXPOSER pour créer un dialogue. La forme de larme qui est fondamentale dans son travail lui est venue en observant la pluie tomber, une eau venue du ciel, source de vie à la forme parfaite, que la gravité sculpte dans la nature (Fig. 1.)
Narthex – Voici plus de deux mille ans, un enfant de plus est venu au monde, il a pour nom Jésus : « Dieu sauve ».
Depuis 2010, la paroisse de La Madeleine fait appel à des artistes contemporains pour revisiter la traditionnelle crèche de Noël. Cette année, c’est vous qui relevez le défi avec cette œuvre intitulée « Larmes de joie » (Fig. 2)
Or la crèche que vous nous présentez, Benoît Dutour, ne possède pas d’étoile, ni de santons. Il n’y a pas de figure de la Vierge Marie, ni de saint Joseph. On ne voit pas trace de l’âne ni du bœuf traditionnels. Elle semble sans mangeoire, sans bergers et sans ces anges « dans nos campagnes » qui, depuis deux millénaires, ne cessent de chanter la gloire de l’enfant-Dieu ! Est-ce bien encore une crèche ? Pouvez-vous nous en dire quelque chose ?
Benoît Dutour – À bien y regarder, les éléments fondamentaux sont bien là, dans cette installation, mais sous des formes très symboliques.
Dieu le Père est représenté par un halo lumineux placé sur le toit de l’église au-dessus de l’oculus central. Cette lumière traverse les « Larmes de Joie ». Jésus est, quant à lui, représenté par plusieurs miroirs convexes, posés au sol, sous les larmes. La silhouette des visiteurs, qui se reflète dans ces miroirs, se trouve alors réduite à la taille d’un nouveau-né. J’ai voulu exprimer ainsi que, pour moi, Jésus est chacun d’entre nous.
Narthex – Comme des funambules verticaux, une centaine de ces larmes pendent sur trente mètres de haut. Depuis la voûte jusqu’au sol du cœur de la Madeleine, elles tombent de l’oculus central, telles des neiges éternelles. Des feuilles d’or, des éléments végétaux, des objets fragiles ou précieux sont contenus à l’intérieur (Fig. 3, 4 et 5).
Benoît Dutour, seriez-vous un « roi Mage » pour notre temps ?
BD – Cette œuvre n’est pas la reconstitution des trois présents, rares et de prix, offerts à l’enfant Jésus par les « rois Mages » (l’or, la myrrhe et l’encens). Je m’interroge sur le fait de savoir quelles offrandes nous apporterions à Jésus si son avènement avait lieu aujourd’hui ? Dans cette œuvre, je fais référence aux trois thématiques suivantes : la RICHESSE toujours présente (Fig. 4.)
Et puis la FRAGILITÉ de la vie et la BEAUTÉ de notre temps (Fig. 5)
J’ai souhaité engager un dialogue entre les éléments légués par la tradition chrétienne et notre actualité, que l’on soit croyant, pratiquant ou non.
Narthex – Noël s’est imposé tardivement comme une fête chrétienne. Faire vivre la tradition c’est encore et toujours lui donner une actualité. Mais deux mois d’installation, c’est un peu court, même s’il s’agit du temps liturgique autour de Noël, si fort dans la vie des chrétiens.
Pensez-vous à un « après » la Madeleine ?
BD – Oui, en particulier, je souhaite continuer à décliner ces œuvres par un Mémorial pour Notre-Dame de Paris. Cette fois-ci, les larmes de verre optique contiendront des fragments de poutres calcinées, mémoires des poutres enflammées tombant du plafond de la cathédrale lors de l’incendie des 15 et 16 avril 2019. Ces formes de gouttes d’eau, seront à la fois la mémoire de l’émotion ressentie par de très nombreuses personnes en France et à l’international, et le témoignage du travail des pompiers qui, au péril de leur vie, ont victorieusement combattu ce feu avec de l’eau.
Narthex – Merci Benoît Dutour ; vos œuvres disent la victoire de la vie sur la mort. Dans la tradition chrétienne, Noël ne peut être séparé de Pâques. A Noël, nous prenons le chemin de Pâques, qui conduit les chrétiens à célébrer la naissance d’une humanité sauvée : le mystère de l’Incarnation conduit à celui de la Résurrection.
Propos recueillis par Sylvie Bethmont-Gallerand
enseignante au Collège des Bernardins, Paris
Quelques dates à retenir :
Installation en l’église de la Madeleine, place de la Madeleine 75008 Paris
Du 3 décembre 2022 au 29 janvier 2023.
Samedi 3 décembre : inauguration à 17h, suivie d’une messe à 18h avec Mgr Chauvet.
Vernissage mardi 6 décembre de 18h30 à 21h, sur réservation.
Benoît Dutour ne souhaite pas dégager de bénéfices personnels pour cette œuvre. Après paiement des coûts de fabrication et d’installation, la totalité des bénéfices ira à l’église de la Madeleine. Une souscription est ouverte pour en permettre la réalisation, et il est toujours possible d’acquérir une ou plusieurs « Larmes de joie ».
Pour toute information : contacter benoit@dutour.net – 06 72 12 05 00.
Installation à La Madeleine : Épisode 1 from Mirage on Vimeo.
Benoit Dutour_La Madeleine from Mirage on Vimeo.