La représentation de la Mère de Dieu avec son Enfant est incontestablement le thème iconographique le plus répandu dans l’art byzantin. D’après la tradition, l’évangéliste Luc aurait été le premier à peindre une icône de la Théotokos tenant l’Enfant Jésus. Nous présentons une icône de la Mère de Dieu conservée à la cathédrale grecque melkite catholique du Prophète-Élie à Beyrouth. Elle mesure 93.8 cm de hauteur et 74.3 cm de largeur. Cette icône serait l’œuvre d’un peintre de l’école de Jérusalem (XIXe siècle) influencé par le style du peintre crétois Mikhaïl Polychronis.
La Mère de Dieu est représentée selon le modèle iconographique Hodigitria (Ὁδηγήτρια), qui signifie « celle qui montre le chemin ». Elle est en buste et montre par sa main droite l’Enfant Jésus qu’elle tient dans le bras gauche. Elle porte, par-dessus de sa coiffe blanche, un maphorion dorée et damassé. On voit l’inscription grecque ΜΡ ΘΥ qui signifie « La Mère de Dieu » et l’inscription arabe « La Vierge Marie ». Le Christ tend sa main droite avec un geste de bénédiction et porte de la main gauche le livre des évangiles fermé. Un nimbe crucifère figure autour de la tête du Christ avec l’inscription Ο Ω Ν qui signifie « Je suis celui qui suis ». Il s’agit de la réponse de Dieu à Moïse quand ce dernier lui demanda son nom (Exode 3,14). Cette transposition témoigne que le Christ est bien le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles (credo de Nicée-Constantinople). À gauche de la représentation du Christ, nous pouvons lire en arabe « Jésus Christ ». Les regards du Christ et de la Théotokos se dirigent vers le spectateur.
Sur les quatre angles de cette icône apparaissent, dans des médaillons, quatre prophètes de l’Ancien Testament tenant des phylactères renfermant des versets pour glorifier la Théotokos ou qui font allusion à sa conception virginale.
En haut, à gauche, le prophète David tient dans la main droite un phylactère avec cette inscription : « Des choses glorieuses ont été dites sur toi, Ville de Dieu ! » (Psaume 87, 3). À droite, le prophète Salomon tient une maquette du temple de Jérusalem et l’autre main un phylactère avec l’inscription : « Plusieurs filles ont accompli des exploits, mais toi, tu les surpasses toutes ! » (Proverbes 31, 29).
En bas, à gauche, Le prophète Moïse tient un buisson ardent et un phylactère avec cette inscription : « Je vais faire un détour pour voir ce spectacle ; le buisson est tout en feu et ne se consume point » (Exode 3, 3). À droite, le prophète Aaron tient de sa main droite un rameau et de la main gauche un phylactère renfermant cette inscription : « Voici le rameau d’Aaron avait bourgeonné : des bourgeons avaient éclos, des fleurs s’étaient épanouies et des amandes avaient mûri » (Nombres 17, 23).
Le peintre de cette icône adopte une lecture allégorique de l’Ancien Testament en projetant sur ces versets un évènement néotestamentaire et donnant, par conséquent, une nouvelle signification. Ces verstes sont des antiennes chantées lors des fêtes mariales dans le calendrier byzantin d’où le lien intrinsèque entre la Bible et la liturgie byzantine.
Celui que le ciel même ne contient, Vierge Mère de Dieu, en ton sein fut contenu sans s’y trouver à l’étroit; et tu es restée pure d’inexprimable façon, sans aucun dommage pour ta virginité; seule entre les femmes tu fus vierge et mère à la fois ; seule, Toute-pure, tu as allaité le Fils qui donne la vie, et l’Œil qui ne dort, tu l’as porté dans tes bras ; du sein paternel il ne s’est pas éloigné : avant les siècles il y était déjà ; pleinement Dieu parmi les Anges dans le ciel et pleinement ton Fils parmi les hommes ici-bas, il est partout sans qu’on puisse l’expliquer. Dame toute-sainte, supplie-le de sauver ceux qui selon la vraie foi te reconnaissent comme la pure Mère de Dieu.
– De la liturgie byzantine
Charbel Nassif