Quel est donc ce souffle mystérieux ?

L’évènement de la venue du Saint-Esprit sur les Apôtres le jour de la Pentecôte reste mystérieux pour nous dans son aspect concret : un bruit soudain d’où venu ? Des langues de feu d’où descendues ? Un vent violent d’où surgi ? Il ne s’agit pourtant pas seulement d’une réalité spirituelle, mais bien réelle, perçue par les corps de ceux qui l’ont vécue. Les musiciens nous font pénétrer à leur manière dans ce mystère de la Pentecôte.
Publié le 30 mai 2022
Écrit par Emmanuel Bellanger

« Factus est repente de caelo sonus advenientis spiritus vehementis, ubi erant sedentes, alleluia : et repleti sunt omnes Spiritu Sancto, loquentes magnalia Dei, alleluia, alleluia. »

« Il se fit soudain du ciel un grand bruit, comme un souffle puissant sur ceux qui étaient présents, alléluia : ils furent remplis de l’Esprit-Saint, chantant les merveilles de Dieu, alléluia, alléluia. »

Il s’agit bien d’un évènement concret, entendu, ressenti physiquement. C’est bien ce que nous donne à entendre le compositeur inconnu de l’antienne grégorienne de communion pour le dimanche de la Pentecôte. Cela vaut la peine de s’y attarder pour entendre ce qui se révèle derrière les notes.

Ce qui frappe le musicien dès l’entrée, c’est la soudaineté et la violence de l’évènement. Le saut de quinte ascendante sur Factus est projette les mots dans un élan vigoureux ; la suite confirme ce sentiment. Repente se chante sur la même quinte descendante pour nous ramener au point de départ, dans un silence d’étonnement. Cela nous arrive quand on est surpris par un son brutal inattendu : on en reste muet de stupeur. C’est bien ce que traduisent ces premières notes.

La suite nous fait lever les yeux vers le ciel : d’où cela peut-il venir ? De caelo sonus est chanté sur les notes les plus aigües de l’antienne. Il s’agit bien d’une réalité venue d’en haut destinée aux sedentes, ceux qui étaient présents, comme nous l’indique la musique qui descend et marque une pause, on dit une cadence, qui nous ramène sur terre. 

Remplis de l’Esprit-Saint, tous chantent les merveilles de Dieu : le compositeur chante lui-même ces merveilles, magnalia, seul mot de toute cette pièce qui est orné d’une grande vocalise. C’est bien de chant qu’il s’agit.

C’est une toute autre expérience de la venue de l’Esprit-Saint que nous propose l’organiste de la basilique parisienne de Sainte-Clotilde : Charles Tournemire (1870-1939). Le compositeur qu’il fut est un peu oublié aujourd’hui sauf son œuvre majeure pour orgue intitulée L’Orgue mystique. Il s’agit de suites en cinq parties – introït, offertoire, élévation, communion et sortie – proposée pour tous les dimanches de l’année. Ces pages sont d’une extrême importance pour les organistes car elles portent les traces du grand improvisateur que fut Tournemire. Cette communion pour le dimanche de la Pentecôte sur le thème grégorien factus est repente en est un bel exemple.

Tournemire était un contemplatif, il nous introduit dans cette page au cœur du mystère de la Pentecôte : non plus la soudaineté de l’évènement mais la présence de l’Esprit-Saint au plus intime de la vie de chaque personne tout au long du temps.

L’ensemble de la pièce n’est, au fond, qu’une longue tenue sur l’intervalle de quinte issu du début de l’antienne factus est. Cette longue résonance de quinte est jouée sur ce qu’on appelle les « ondulants » : il faut deux tuyaux par note, légèrement désaccordés l’un par rapport à l’autre pour obtenir cet effet de tremblement du son. Sur cette longue tenue descendant très lentement comme l’Esprit sur nous aujourd’hui, on reconnait des extraits de l’antienne grégorienne chantée sur un jeu plus lyrique, la flûte harmonique.

C’est sans doute cela la fête de Pentecôte : le surgissement attendu mais surprenant de l’Esprit d’une part, sa présence discrète et silencieuse tout au long de notre histoire d’autre part.

Emmanuel Bellanger

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