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Au sein de cette Ecole de Notre Dame s’est développée une nouvelle manière de composer la musique. Deux noms nous sont parvenus, deux fondateurs de cette ‘’Ecole de Notre Dame’’ : Léonin et Pérotin, chacun maître de chant de la cathédrale successivement. C’est à eux que l’on doit des manières nouvelles de combiner ensemble des lignes musicales, tant du point de vue du rythme que des intervalles entre les notes.
Il ne s’agit pas de faire ‘’beau’’ au sens d’aujourd’hui, mais de faire juste. La musique est ainsi conçue comme une architecture dont la cathédrale Notre Dame est un modèle.
Il s’agit de donner plus de magnificence aux cérémonies solennelles en ornant chaque note du thème liturgique de longues vocalises construites autour des intervalles dits pythagoriciens : chaque ‘’pilier’’ musical, là où le thème liturgique coïncide avec une note du développement, doit former un intervalle mathématiquement simple (1/2, 2/3…). Cela donne l’octave, la quarte, la quinte. Il ne s’agit pas de faire ‘’beau’’ au sens d’aujourd’hui, mais de faire juste. La musique est ainsi conçue comme une architecture dont la cathédrale Notre Dame est un modèle. Cette musique de Léonin est exactement contemporaine de la construction de la cathédrale. Voici une pièce pour la fête de la Dédicace :
Il faut imaginer cette musique déployée sous les voûtes toutes neuves de la cathédrale, la résonance dans l’architecture enrichissant la polyphonie d’harmonies inattendues. La musique est une architecture mais l’architecture devient musique elle aussi.
Ce procédé musical s’appelle l’organum. Le mot est intéressant : il vient du grec qui signifie outil. On est loin d’une conception romantique de la musique. Pourtant, le successeur de Léonin, maître Pérotin, va porter cette technique à son plus haut degré de raffinement, faisant de lui le premier compositeur français digne de ce nom. Léonin n’a écrit que des organa (pluriel d’organum) à deux voix. Pérotin développe ces œuvres en multipliant les voix. On a de lui des pages somptueuses à quatre voix. Il faut imaginer cette musique déployée sous les voûtes toutes neuves de la cathédrale de Paris, la résonance dans l’architecture enrichissant la polyphonie d’harmonies inattendues. La musique est une architecture mais l’architecture devient musique elle aussi.
Voici le graduel (ainsi appelé parce qu’on le chantait sur les degrés montant à l’autel) Sederunt pour la fête de saint Etienne : à la manière d’une enluminure médiévale, seul le premier mot de chaque partie est chanté en organum. Le reste est chanté en grégorien. Nous sommes avec cette œuvre au tournant du 12ème et du 13ème siècle.
Emmanuel Bellanger