Le chant à la cathédrale
Publié le : 2 Juillet 2024Antoine Brumel (né vers 1460, mort vers 1520) a occupé au cours de sa carrière internationale les fonctions de « Maître de musique » de la Maîtrise de Notre-Dame. Sa mission consistait à enseigner les enfants chanteurs et à écrire de la musique pour les grandes cérémonies, nombreuses à la cathédrale.
La messe Et ecce terrae motus date du début de la production de Brumel : on y admire l’habileté artisanale du contrapuntiste – cette messe est écrite à 12 voix réelles – où les thèmes se relancent les uns les autres en canon, sans jamais que cette musique n’apparaisse brouillée ou même complexe. L’écoute en est aisée dans une atmosphère de lumière et de couleurs. C’est le miracle du savoir-faire de Brumel : la partition se présente dans une complexité difficile, presqu’impossible à suivre alors que les thèmes et les harmonies semblent « couler de source ». Les thèmes qui se relancent les uns les autres sont à l’image des voûtes, des arcs et des piliers, architecture sonore qui se déroule dans un jeu parfait d’équilibres. Les mots de l’Ordinaire de la messe ne sont plus perceptibles syllabe par syllabe, ils sont devenus harmonies répandues dans l’espace architectural : sons devenus volumes, mots transfigurés en lumière…
La Missa de beata Virgine témoigne d’une évolution dans la production de Brumel. Une forme de simplicité, de transparence émane de cette page : l’écriture y est moins complexe, on y perçoit davantage de mouvements homophones (toutes les parties se déroulent en même temps selon une écriture plus harmonique), le langage s’éloigne de la modalité venue du chant grégorien, bien perceptible dans la messe précédente, pour aborder nos tonalités habituelles, en un mot une musique plus apaisée, osons-nous dire plus gracieuse… L’Italie n’est pas très loin de cette belle musique.
— Emmanuel Bellanger