L’hymne « O filii et filiae » est attribuée à un frère cordelier (franciscain) de l’extrême fin du XVème siècle. Les différents récits concernant la résurrection du Christ sont évoqués tour à tour, depuis les Saintes Femmes au tombeau jusqu’à la profession de foi de Thomas. Voici l’intégralité de ce texte et une belle interprétation par les moines de l’abbaye bénédictine de Ligugé.
O filii et filiae O fils et filles,
Rex caelestis, Rex gloriae le Roi des ceux, le roi de gloire
morte surrexit hodie. Alléluia. Est ressuscité des morts aujourd’hui.
Et mane prima sabbati Et au premier matin du sabbat
ad ostium monumenti à la porte du monument
accesserunt discipuli. Les disciples arrivèrent.
Et Maria Magdalene Et Marie-Madeleine
et Jacobi et Salome la mère de Jacques et Salomé
venerunt corpus ungere. Vinrent embaumer le corps.
In albis sedens Angelus Un Ange en blanc était assis
praedixit mulieribus annonça aux femmes
quia surrexit Dominus. Que le Seigneur est ressuscité.
Et Joannes apostolus L’apôtre Jean vint en courant
cucurrit Petro citius devançant Pierre il arriva
monumento venit prius. Le premier au tombeau.
Discipulis adstantibus Les disciples réunis,
in médio stetit Christus, le Christ était debout au milieu d’eux
dicens « Pax vobis omnibus ». leur disant « La paix soit avec vous. »
Ut intellexit Didymus Quand Thomas apprit
quia surrexerat Jesus, que Jésus était ressuscité,
remansit fide dubius il demeura dans le doute.
« Vide, Thoma, vide latus, Vois, Thomas, vois mon côté
vide pedes, vide manus, vois mes pieds, vois mes mains,
noli esse incredulus. » ne sois plus incrédule.
Quando Thoma Christi latus Quand Thomas vit le côté,
pedes vidit atque manus, quand il vit les pieds et les mains,
dixit : « Tu es Deus meus. » il dit : « Tu es mon Dieu. »
Beati qui non viderunt Heureux ceux qui n’auront pas vu
et firmiter crediderunt. Et croiront fermement.
Vitam aeternam habebunt. Ils auront la vie éternelle.
In hoc festo sanctissimo En cette fête très sainte
sit laus et jubilatio : que soient louange et jubilation :
benedicamus Domino. Bénissons le Seigneur.
De quibus nos humillimas Pour tout cela bien humblement
devotas atque debitas avec dévotion et reconnaissance,
Deo dicamus gracias. Rendons grâce à Dieu.
C’est sans doute pour la Chapelle Royale à Versailles que Jean-François Dandrieu (1682-1738) a écrit ces variations sur « O Filii » pour la fête de Pâques : les rites de l’Offertoire étaient à cette époque très développés, laissant à l’organiste une longue place où il pût développer son talent d’improvisateur. Ces variations enchaînées illustrent brillamment l’esprit d’invention d’un musicien comme Dandrieu. Les anches (cromornes, trompettes et clairons) et le superbe Grand-Jeu de l’orgue de Saint Maximin sous les doigts de Pierre Bardon rendent lumineusement honneur à cette musique.
Franz Liszt (1811-1886) avait, dans les dernières années de sa vie, nourri une ambition qui peut nous étonner aujourd’hui : tout simplement réformer à lui tout seul la musique liturgique de l’Eglise catholique ! Cela reposait pour lui sur quelques idées simples : par exemple, rechercher la transparence dans une écriture dépouillée de toutes dissonances et de toute complexité. Au terme de son oratorio Christus (créé intégralement en 1873), voici comment il traite l’hymne O filii et filiae :
Voici, comme un cadeau printanier rempli d’espérance une curiosité : une improvisation extraordinaire de Pierre Cochereau (1924-1984), prestigieux titulaire de l’orgue de la cathédrale Notre-Dame de Paris. L’invention des artistes est sans limites et il y a tellement de manières de chanter la fête de Pâques ! Il faut écouter cette improvisation jusqu’au bout : on y comprend que, finalement, la musique est d’abord un acte gratuit, que rien ne la limite sinon son exigence de qualité de facture, d’invention, de vie.
Même si les évènements dramatiques que la cathédrale a récemment connus n’étaient pas advenus, l’orgue touché par Cochereau n’est plus celui d’aujourd’hui puisqu’il a été l’objet d’une vaste restauration postérieure à sa mort.
Emmanuel Bellanger