“J’avais beau voir et entendre cela, néanmoins, comme je doutais et me méfiais de moi-même, et comme je voyais l’hostilité des paroles des hommes, j’ai longtemps refusé d’écrire non par entêtement, mais par pratique de l’humilité, jusqu’au jour où (…) je me suis mise à écrire. Et, pendant que je le faisais, j’ai pris conscience, comme je l’ai dit, de l’extrême profondeur de ces livres.”
Le manuscrit original d’Hildegard von Bingen, dit de Rupertsberg, se trouvait à la bibliothèque de Hesse à Wiesbaden. Il disparut à la seconde guerre mondiale. Une copie fidèle, réalisée en 1927, se trouve à l’abbaye Sainte Hildegarde d’Eibingen. Les autres copies sont à la Bibliothèque vaticane, à Heidelberg, Oxford et Trèves. La première édition moderne en allemand date de 1928.
Le Scivias est le premier volet du triptyque visionnaire d’Hildegard, qui se poursuit par le Liber vitae meritorum (Livre des mérites de la vie), avec ses six visions, publié en 1163, et s’achève par le Liber divinorum operum (Livre des œuvres de Dieu), publié en 1173, illustré de dix miniatures. Cependant, nous reprendrons, pour plus de clarté, les divisions de l’ouvrage du Scivias opérées par Adelgundis Führkötter, éditrice de l’édition critique, fondées sur les titres attribués à chaque vision illustrée d’une enluminure. Le texte original ne donne pas de titres. Cela nous permet de saisir la structure d’ensemble du Scivias et de dégager les principales thématiques et leur cohérence. Les enluminures s’inscrivent alors dans une vision cosmique de l’Histoire du Salut de l’Humanité. L’ouvrage du Scivias est divisé en trois parties, reflétant la sainte Trinité.
La première partie I commence par un Avant-propos évoquant l’ordre reçu par Hildegarde d’écrire ses visions et se poursuit par la description de ses six visions traitant des thèmes de la Création et de la Chute :
Avant-propos
1. Dieu, le Créateur de lumière et l’Humanité
2. La Chute
3. Dieu, le Cosmos, et l’Humanité
4. L’Humanité et la Vie
5. La Synagogue
6. Les Chœurs des anges
La deuxième partie II se compose de sept visions traitant du Salut par Jésus-Christ, de l’Esprit et de l’Église, et des sacrements.
1. Le Sauveur
2. Le Dieu trinitaire
3. L’Église, en tant que Mère des croyants – Le Baptême
4. Onction de vertu – la Confirmation
5. La Hiérarchie de l’Église
6. Le Sacrifice du Christ et l’Église ; Continuation du mystère dans le Partage du Sacrifice
7. La Lutte de l’Humanité contre le Mal ; le Tentateur
La troisième partie III, avec treize visions, est plus longue que les deux premières parties. Les douze premières Visions décrivent le Royaume de Dieu, symbolisé par la Jérusalem Céleste. Ce Royaume se réalise grâce à la sanctification, et la lutte victorieuse du bien sur le mal. L’ultime vision comprend 14 chants antiphonés, ainsi qu’une partie du drame musical qui a été plus tard publié sous le titre Ordo Virtutum.
1. Le Tout-Puissant; Les étoiles éteintes
2. Le Bâtiment
3. La Tour de préparation; les Vertus divines dans la Tour de préparation
4. Le pilier de la Parole de Dieu ; la connaissance de Dieu
5. Le zèle de Dieu
6. Le Triple Mur
7. Le Pilier de la Trinité
8. Le Pilier de l’Humanité du Sauveur
9. La Tour de l’Église
10. Le Fils de l’Homme
11. La Fin des Temps
12. La Journée de la Grande Révélation; les Nouveaux Cieux et la Nouvelle Terre
13. Éloge de la Sainteté
Dans chaque vision, Hildegarde décrit d’abord sa vision, puis elle rapporte les explications qu’elle a entendues venant de la « voix du ciel » : « Ecris-le, en te fondant, non pas sur le langage de l’homme, non pas sur l’intelligence de l’invention humaine, non pas sur la volonté humaine d’organisation, mais en te fondant sur le fait que tu vois et entends cela d’en-haut, dans le ciel, dans les merveilles de Dieu. » C’est cette voix céleste qui établit le lien entre les trois parties de l’ouvrage.
Nous mènerons en parallèle le commentaire littéraire de l’ouvrage et celui des enluminures. On ignore si les enluminures sont de la main-même d’Hildegard ou si elle n’en a dessiné que les contours. On pense plutôt qu’elles auraient été réalisées par les sœurs de son couvent, auxquelles elle décrivait ses visions.